Un détail, une expo : James Tissot, au Petit Palais

Tout est dans le détail. L’essentiel, en quelques centimètres. Fascinant condensé d’un talent, d’un regard, d’une œuvre. Aujourd’hui, James Tissot.

Observons ce fragment d’une toile de James Tissot, « Bal sur le Pont » (1874), exposée au Petit Palais:

Pourquoi ce détail ?

 Reculons d’abord d’un pas : la toile (ci-dessous en entier) dépeint l’un des rendez-vous mondains les plus prisés de la bonne société anglaise du XIXe : la régate annuelle de Cowes, sur l’Île de Wight (à quelque 120 km au Sud-Ouest de Londres), lieu de villégiature de la reine Victoria et du gratin londonien.

  L’évènement est d’ailleurs organisé par le Royal Yacht Squadron, le plus prestigieux yacht club anglais : d’où le luxe des toilettes, les bustes corsetées, les jupes dites « à tournure » (rehaussées à l’arrière pour souligner davantage la finesse d’une taille), alors très en vogue… Mais aussi les visages pensifs, le vague ennui, l’ambiance guindée. 

« Bal sur le Pont » (en totalité, notre détail est encadré en blanc) 

The Ball on Shipboard c.1874 James Tissot 1836-1902 Presented by the Trustees of the Chantrey Bequest 1937 https://www.tate.org.uk/art/artworks/tissot-the-ball-on-shipboard-n04892

  Une atmosphère empesée, pétrie de codes, de convenances, presque figée, que Tissot a le génie de souligner… par le vide. Un vide qui occupe – fait rarissime dans l’histoire de la peinture – le centre de la toile. Comme quoi, un parquet désert peut en dire assez long.

Le détail qui nous occupe est justement à l’orée du vide : cette demoiselle, en rose, qui monte l’escalier, sous l’œil – visiblement intéressé – de celui qui lui emboite le pas. 

• Notez la virtuosité du trait, la grâce de cette silhouette (la seule qui soit en mouvement dans la toile), mais aussi ce visage las, incliné de fatigue, et ce regard clos qui disent l’envie d’être ailleurs, déjà rentrée, au fond du lit. Un instant de vérité dans un monde de faux semblants.

• Voilà pourquoi ces quelques centimètres nous saisissent. 

Pourquoi on y revient. Après s’être attardé ici et là, sur un groupe de convives, une ombrelle, une étoffe (fils de drapier nantais, Tissot s’était fait une spécialité des toilettes de la haute société, qui peignait avec un soin maniaque, en bon élève d’Ingres). Après avoir embrassé du regard le tableau dans son ensemble, fait encore quelques allers et retour de l’œil, c’est à cette silhouette rose que l’on retourne.

• Car de cette femme, qui n’est qu’un détail, Tissot peint à la fois les atours et l’émotion, la parure et l’âme. D’une figure, il fait un être de chair, palpable, sensible. 

Et vous savez quoi ? C’est rare.

 Le détail… en détails:

-Qui est ce monsieur bien qu’il ne soit plus ?

James Tissot (1836–1902)

• Né Jacques Tissot. Rebaptisé James par anglophilie

• Ami des impressionnistes : Edgar Degas, Edouard Manet, James Whistler. 

• Reconnu très tôt pour sa virtuosité technique, ses qualités de portraitiste.

• Coqueluche de l’élite victorienne, célébré de son vivant par la Royal Academy. 

• Il restera pourtant longtemps dédaigné en France, victime de sa réputation de « peintre mondain ».

À quelle occasion est-il à Paris ?

Les impressionnistes à Londres. Artistes en exil, 1870-1904

• Exposition consacrée à ces artistes français – James Tissot étant l’un des plus notoires – qui décidèrent, dans la tourmente de 1870, de traverser la Manche pour fuir la guerre franco-prussienne et l’écrasement de la Commune de Paris. 

Oui, bon, d’accord et merci mais où ?

Au Petit Palais

• Avenue Winston Churchill • 75008 Paris

• Jusqu’au 14 octobre 2018

• Du mardi au dimanche • 10h / 18h

• Nocturnes les vendredis jusqu’à 21h • les samedis et dimanches jusqu’à 20h

www.petitpalais.paris.fr

Et si je suis coincé(e) chez moi, suite à une chute idiote (les chutes intelligentes étant rares), comment découvrir l’expo ?

 En cliquant sur les liens suivants : les sites du Petit Palais et de la Tate sont de vraies merveilles d’élégance, de clarté, et des mines d’érudition (sans pour autant être assommantes). 

http://www.petitpalais.paris.fr/expositions/les-impressionnistes-londres

• https://www.tate.org.uk/art/artists/james-tissot-2048

https://www.tate.org.uk/art/artworks/tissot-the-ball-on-shipboard-n04892

• Quant aux visuels des toiles, ils sont d’excellente qualité, accessibles très simplement sur le site de la Tate 

• … Mais beaucoup moins sur celui du Petit Palais, où les visuels sont dans le dossier PRESSE, réservé aux journalistes… mais que tout un chacun peut télécharger ! Cette précision ne figurant nulle part, l’internaute lambda ose rarement cliquer. Pas très « user-friendly » donc. 

Si ma nana n’aime pas ? Ou si mon fils s’emmerde et fugue dans les allées du musée, j’envoie un tweet rageur à qui ?? 

À Olivier Ghis, auteur de cette chronique, et Olivier Daudé, son rédacteur en chef, qui l’a validé en âme et conscience, sous l’emprise d’aucun stupéfiant, pas même une cuillerée de Nutella ou un verre de Pauillac (c’est du moins ce qu’il prétend).

Olivier Ghis

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