Psychologue, psychanalyste, Totto Chan propose son regard de femme sur le cinéma, sur l’amour et le désir qui animent le cœur des plus grands réalisateurs. Aujourd’hui, Casque d’Or de Jacques Becker.
Marie, surnommée Casque d’Or, est une jeune femme prostituée à la chevelure blonde resplendissante. Vivant à Paris, à la Belle Epoque, Marie aime se distraire dans les ginguettes du bord de Marne, et choisir ses partenaires de danse.
Si « la meilleure gincheuse de Belleville », danse de mauvaise grâce avec Roland, le souteneur qui la maltraite, elle tombe sous le charme, lors d’un bal, de Georges Manda, un ancien apache repenti, devenu charpentier, et qui sait la faire danser mieux que personne.
La rencontre inattendue de Marie avec Manda se transforme en coup de foudre réciproque. Mais Marie apprend rapidement que Manda est fiancé à la fille de son patron charpentier et, dépitée, provoque une rivalité entre Roland et Manda.
Malgré les conseils répétés de son ami Raymond de se tenir à l’écart de la bande de voyous, dont il fait lui-même partie, et qui gravitent autour de leur chef Félix Leca, Manda accepte de se battre en duel pour Marie et tue Roland.
Leca ne voit pas d’un bon œil la liaison entre Manda et Casque d’Or, qui filent le parfait amour à la campagne, alors qu’il espérait conquérir Marie. Il imagine alors un piège : faire accuser Raymond du crime commis par Manda, afin que ce dernier se rende lui-même à la police. Le piège fonctionne et Manda se dénonce, mais Raymond n’est pas libéré pour autant, accusé de complicité de meurtre.
Alors que Marie organise l’évasion de Manda et de son ami lors de leur transfert en prison, Raymond meurt sous les balles des policiers. Manda comprend que Leca a trahi Raymond et que Marie est devenue sa maîtresse, pour tenter de le sauver.
Fou de rage, il part à la recherche de Leca, et l’abat de plusieurs balles de révolver. Il est arrêté sans résistance, condamné et guillotiné tôt au petit matin, sous les yeux de son amante épouvantée.
Pourtant, Jacques Becker réussit à effacer l’issue tragique de cet amour, grâce à la dernière scène du film : Manda et Casque d’Or dansent leur première valse dans la ginguette où ils se sont rencontrés, seuls au monde dans ce tourbillon amoureux.
Cette ultime image fixée sur la pellicule donne le ton de cette narration, où les corps sont filmés, comme des tableaux de peinture expressionniste de la fin du XIXième siècle.
La caméra expressive souligne les visages amoureux en gros plan, nimbés d’un doux halo de lumière. Simone Signoret incarne son personnage avec une sensualité rayonnante, en lien avec la jeunesse exaltée et explosive de son amant, incarné par le jeune Serge Reggiani.
Dormant au soleil, allongé sur le dos sur les berges de la Marne, Manda découvre la belle Casque d’Or penchée sur lui : l’image de son visage apparaît, telle une madone, comme un moment de grâce. Peut-être est-il en train de rêver, lui qui vient d’abattre un homme pour l’amour de sa belle ?
Tous deux s’aiment dans cette campagne où ils se sont retirés, insouciants et heureux, protégés par une vieille femme qui les accueille dans sa ferme, et qui a reconnu en elle cette vitalité amoureuse d’autrefois. Mais cette tendre romance sera de courte durée : Manda tombe dans le piège tendu par le perfide Leca, qui n’hésite pas à trahir un de ses hommes pour ravir la belle Marie.
Idéaliste au sang bouillonnant, Manda venge, au péril de sa vie, son ami tué et son amante souillée par les mains de Leca. Sa mort héroïque ne nous fera pas oublier le rôle de Casque d’Or dans l’issue tragique du destin de Manda.
Inspiré de la véritable vie d’Amélie Elie, une prostituée de Paris de la Belle Epoque, surnommée Casque d’Or en raison de sa coiffure, ce film rend hommage au désir de liberté d’une femme de petite vertu, capable de choisir son homme, sans tenir compte des règles de son monde ultra-codifiées.
Espérer vivre avec son amant non seulement une histoire d’amour passionnée, mais aussi un mariage à l’église, voilà le rêve de cette femme sans argent, ni famille, ni instruction, mais au caractère bien trempé.
Simone Signoret, par son jeu sincère, merveilleux de tendresse et de désir retenu, prête à la prostituée ce rêve et cet espoir de sortir de sa condition malheureuse, digne des personnages féminins de Zola.
Personnages que le cinéma du « réalisme noir » des années 50 mettra en lumière avec succès, dans Thérèse Raquin, de Marcel Carné en 1953, avec la grande Simone Signoret ou un peu plus tard dans Gervaise, de René Clément, avec la somptueuse Maria Schell.
Totto Chan
Casque d’Or est un film dramatique français en noir et blanc, réalisé par Jacques Becker, et sorti en salles en 1952.
Lire Totto Chan est un bonheur. L’écouter est une joie !