Sensuelles, énigmatiques et poétiques, les photographies de Cédric Vasnier estompent les frontières entre visible et invisible. Magique !
On fait parfois de belles rencontres en vagabondant sur Instagram. C’est comme ça que je l’ai croisée.
Cette femme aux lunettes noires et au sourire prédateur, fumant un cigare de banquier ou de révolutionnaire cubain, le haut du visage ceint d’une voilette noire transparente.
Une femme fatale, une femme pirate, une femme dangereuse. Irrésistible, tout simplement.
Qui était-elle ? Quelle était son histoire ? Quelles batailles ? En cherchant la femme, j’ai trouvé l’homme. Un jeune photographe, Cédric Vasnier. C’est lui qui avait signé l’émouvant cliché. J’ai appris aussi qu’il exposait son travail au beau théâtre Saint-Georges.
Accrochées comme suspendues aux murs rouges du foyer, ce sont près d’une cinquantaine de photographies qu’on découvre. Énigmatiques, sensuelles et poétiques. On le voit autant qu’on le ressent dans l’instant : Cédric Vasnier porte magnifiquement le noir et le blanc.
La photographie pour autant n’est pas toute sa vie. Il a eu le déclic il y a trois ans seulement. Et par hasard. Il était alors l’assistant de la directrice artistique de Maison Ernest.
« Elle m’a demandé d’aller faire quelques photos test au Palais Royal… Dès que j’ai glissé mon oeil dans le viseur du Reflex, j’ai compris… J’ai compris tout de suite que j’étais à ma place… Par ce viseur, je pouvais enfin écrire le monde tel que je le voyais ! »
Quand il évoque sa sensibilité à l’image, il cite volontiers Peter Lindbergh, Paolo Reversi, Helmut Newton et Herb Ritts. On se dit qu’il a certes hérité de leur sensualité mais qu’il a su aussi affirmer très vite son propre regard.
Les mouvement de ses modèles font ainsi la singularité de sa signature. À l’évidence, le comédien qu’il a d’abord été, et qu’il demeure sans doute, a aussi gardé de ses années de jeu un beau sens de la narration. Ses modèles sont comédiens, danseurs, ou mannequins. Ils sont tous très différents. Et ils ont en commun de ne pas seulement nous regarder mais de vivre devant nous et de nous raconter une histoire.
Ce visage embrumé de fumée m’a fait penser à Magritte et son portrait, le Fils de l’Homme, représentant un visage caché par une pomme.
Et je me suis souvenue des mots du maître : « Chaque chose que nous voyons en cache une autre. Nous désirons toujours voir ce qui est caché par ce que nous voyons. Il y a un intérêt pour ce qui est caché et que le visible ne nous montre pas. Cet intérêt peut prendre la forme d’un sentiment assez intense, une sorte de combat dirais-je, entre le visible caché et le visible apparent. »
Comme en écho à Margitte, la fumée ici comme un voile, un paravent, qui nous invite à deviner, mieux, à imaginer les détails. Et accompagnée de brume, l’apparition d’un être à part.
Ici, cet homme en lévitation lisant Bonjour Tristesse de Françoise Sagan. Est-il en train de tomber ? Prend-il son envol ?
Les personnages de Cédric sont parfois comme des anges piégés entre deux mondes. Le nôtre et un autre. Le visible et l’invisible.
Tout simplement magique cette idée qu’elle nous donne cette photo, lire en volant, s’envoler en lisant. Elle aurait aimé Sagan !
Icare volant vers le soleil pour s’y brûler les ailes ? Un ange lassé des hommes remontant au ciel ? La pose christique du danseur lévitant entre ciel et terre donne une impression de grâce totale…
Cédric Vasnier saisit l’instant avant qu’il ne fuie et capte la poésie quand elle prend son envol. Il nous renvoie de cette façon à la fugacité des jours et à la beauté fragile de nos vies.
Ils lui vont bien ces mots de Barbara qu’il a fait siens : « J’ai peur, mais j’avance. J’avance, mais j’ai peur. J’avance quand même car j’aime. »
Rosemary
Cédric Vasnier Photography, une expo à découvrir jusqu’au 27 février au au foyer du Théâtre Saint-Georges.
Et pour prolonger le plaisir de la rencontre :
www.cedricvasnier.com /Instagram : @cedricvasnier_photography