Expo Electro : la Belle Histoire d’une Longue Vibration

Expo Electro-Daft Punk-ParisBazaar-Marion

De ses premiers temps jusqu’à ses jours les plus récents, la musique Electro se raconte à la Philarmonie de Paris. Une expo inédite et immersive, absolument passionnante. Beaucoup de Bonheur Par Minute.

C’est comme dans un rêve. Il y a cinq minutes encore, on slalomait en plein jour entre les files de la Porte de Pantin. Et voilà qu’on se retrouve plongés dans une nuit encore jeune, invités à déambuler dans un vaste labyrinthe, ponctué de couloirs, de salles, de coins et de recoins. Un club, une boîte, un hangar, une usine. Un lieu incroyable, zébré de lumières, baigné de musique et de sons, qui invite à la danse, à la transe ou à la contemplation. L’expo Electro vient de nous cueillir. On n’a rien vu venir.

Expo Electro-DanceFloor-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

À la Philarmonie de Paris, elle fait l’évènement depuis le 9 avril et la longue file d’attente en dit autant sur son succès. Qu’on soit érudit ou totalement néophyte, raver depuis les premières heures ou simplement rêveur et curieux, l’histoire qu’elle nous raconte sait parler à tout le monde. L’histoire d’une musique aux mille variations qui n’a cessé depuis le début du vingtième siècle de s’inventer et de se réinventer. Avec, comme dans toutes les légendes, ses familles, ses figures héroïques, ses âges d’or et ses heures sombres.

On découvre le Theremin Vox, premier instrument électronique à avoir été adopté par les musiciens, conçu par le russe Lev Termen, en 1927 ! Quatorze ans plus tard, le français Georges Jenny avait l’idée de l’Ondioline, qui était alors capable d’imiter les cordes, les cuivres et les claviers. De son côté, un ingénieur électronicien américain, Robert Moog, présentait le 900 Series, un synthétiseur qui allait bouleverser l’univers de la Pop, on était en 1967 au festival de Monterey. Cette même année, au festival d’Avignon, Pierre Henry et Michel Colombier composaient les jerks électroniques de la Messe pour le Temps Présent et Musiques Concrètes pour Maurice Béjart, un monument.

Expo Electro-Raves-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

On se souvient qu’un an après, Walter Carlos, qui ne s’appelait pas encore Wendy, revisitait Bach au synthé avec Switched On-Bach, un tube planétaire, le premier grand succès populaire de la musique électronique. En 1977, Donna Summer et les synthétiseurs de Giorgio Moroder mettaient le feu aux dance-floors avec I Feel Love. En 1979, le 14 juillet, Jean-Michel Jarre et ses fabuleuses machines rassemblaient un million de personnes à la Concorde pour un concert entré dans l’Histoire. Plus tard, arriveraient Mathématiques Modernes, Elli et Jacno, Taxi Girl et tant d’autres.

L’exposition nous rappelle aussi qu’en 1983, le jazzman Herbie Hancock signait Rock It sur l’album Future Shock. Avant qu’en 1986, nées dans une communauté de musiciens et de DJ noir-américains de Detroit, Chicago et New-York, la House et la Techno ne conquièrent le reste du Monde ! Ouvrant la voie à Laurent Garnier, Daft Punk ou Cassius.

Expo Electro-Detroit-Cover-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

Affiches de concerts, flyers de soirées, galettes de vinyle psychédéliques à tomber tellement elles ont su rester belles, machines antiques, machines modernes déjà patinées d’avoir tant fait danser, l’expo évite néanmoins les pièges du muséal et se révèle incroyablement vivante, émouvante, organique et sensuelle. Au fond, comme la musique dont elle sert le récit.

« On a voulu que cette exposition plonge le spectateur dans un bain de sensations visuelles, pop, colorées, hypnotiques, séductrices, raconte Jean-Yves Leloup, grand spécialiste des musiques électro qui a conçu l’expo, comme pourrait l’être un club idéal ou la rave idéale, ce qui n’est pas toujours le cas (sourire). L’architecture, le lieu, sont très importants dans la fête électronique.

Là, avec ces grandes structures d’échafaudages qu’a imaginées 1024 Architecture, les scénographes invités, qui créent des avenues, des rues, des corners et proposent une déambulation très libre, on a trouvé le cadre dans lequel le son, les images, dialoguent et nous plongent dans une forme de transe un peu éberluée. Avant même de découvrir les panneaux, on vit déjà une expérience sensorielle.

Ensuite, entre nostalgie pour certains, miroir pour d’autres, il y a ici cette énergie de la fête, de l’hédonisme, de la danse, qui transcende les cultures, les générations et les pays. On peut retrouver ça bien sûr dans les bals de village, dans les fêtes votives en passant par la Techno ou la Disco mais c’est vrai que la Rave Party, à la fin des années 80-début 90, a radicalisé cette énergie avec une forme d’immersion et de sensorialité jusqu’au boutistes, où la musique est presque éternelle. On danse alors du soir jusqu’au lendemain midi, pendant plusieurs jours…

Ce que dit d’ailleurs aussi l’exposition, vous évoquez les « smileys » qui apparaissent au Royaume-Uni pendant les années Thatcher, c’est que la fête techno canalise les énergies. Et selon la politique, le moment, le pays, elle peut symboliser une forme de lutte. Sous tous les régimes possibles et imaginables, les plus pacifiques comme les plus tyranniques parfois, dans la communion qu’elle organise, cette fête incarne l’état d’esprit d’une époque et apporte aux luttes beaucoup d’énergie. »

Expo Electro-Smiley-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

Reviennent en mémoire les premiers jaillissements de la Techno Parade qui, en 1998, sut réunir 200 mille personnes dans les rues de Paris, une grande fête joyeuse et résistante en réaction aux nombreuses interdictions qui frappaient à l’époque les soirées électro. L’expo, en resituant l’Electro dans ses séquences historiques, n’interroge d’ailleurs pas seulement son champ politique. Elle montre aussi, et c’est passionnant, comment elle a su inspirer d’autres créateurs que musicaux et irriguer d’autres univers artistiques.

« Ce qui est formidable avec cette musique-là, peut-être plus qu’avec d’autres, c’est qu’elle a noué des liens très forts avec d’autres formes d’expressions artistiques. La photographie, la vidéo, aujourd’hui le cinéma et puis la danse contemporaine, la danse de rue, l’art numérique, l’art contemporain…

C’est une musique qui a été la bande-son de beaucoup d’artistes qui ont émergé dans les années 90. Elle est assez proche de la communauté artistique. C’est la raison pour laquelle on a pu développer cette exposition avec le regard des artistes et non pas à travers uniquement des objets fétiches, des souvenirs de musiciens… 

… Vous voyez là, à l’écran, le travail du chorégraphe Christian Rizzo, qui ne se résume évidemment pas à cette seule musique, mais qui, à un moment ou un autre, a trouvé à y puiser une énergie, une esthétique. C’est le cas de plein d’autres artistes, des plasticiens notamment, qui font partie de l’expo.

… Comme tous les musiciens de ma génération qui sont présents ici, on a grandi en attendant l’an 2000 qui paraissait totalement lointain. C’était un horizon symbolique et esthétique qui a guidé le cinéma, la musique et notamment la musique électronique. Dans les années 70, j’écoutais Kraftwerk, plus tard Jean-Michel Jarre et puis Art Of  Noise, New Order…  Après, j’ai travaillé à la radio FG où je faisais mon service civil, j’étais objecteur de conscience, et c’est à ce moment-là, dans les années 90, avec l’apparition des premières raves parties, que ces musiques ont vraiment émergé.

On était quelques centaines et puis quelques milliers à comprendre qu’il se jouait là quelque chose d’important. C’est ce que regrettent parfois certaines générations, de ne pas avoir connu l’émergence d’une musique, d’étre né trop tôt ou trop tard. Moi j’ai eu la chance d’être au bon moment, au bon endroit, pour assister à l’émergence de la scène électro française. » 

Expo Electro-Foule-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

Jusqu’au 11 août prochain, c’est toujours le bon moment. Et le bon endroit, c’est la Philarmonie de Paris. Après ? Après, ce sera un peu tard et beaucoup plus loin, l’expo Electro est bien partie pour voyager longtemps. Il y a comme ça des électrons trop libres pour savoir rester en place.

O.D

Expo Electro : de Kraftwerk à Daft Punk. Espace Exposition-Philarmonie de Paris.

Avec la collaboration de Laurent Garnier, Daft Punk et Jean-Michel Jarre.

Scénographie réalisée par 1024 Architecture.

Son immersif conçu par Sonos

 

Avec Loane et Jean-Yves Leloup, filmés par Laurent Caron, un avant-goût…

 

Et parce que Paris Bazaar vous aime, découvrez et partagez le bel hommage de Loane à Philippe « Zdar » Cerboneschi. Le co-fondateur du duo Cassius, pionnier de la French Touch est décédé accidentellement le 19 juin dernier. « The Sound of Violence » figurait sur « Au Rêve », deuxième album de Cassius, paru en 2002. Loane s’inspire ici du très beau remix de Cosmo Vitelli.

 

 

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