La Bande Originale d’un Rock’ n’ Râleur : Flipper devant Nougaro

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Auteur et parolier, Francis Basset connaît la musique et au minimum toutes les chansons. Ses souvenirs, ses humeurs. Bonheur pur Collector !

Du Nouga pour monter limer

On croise des êtres dans la vie et on ne se rend pas bien compte sur le coup qui ils sont, la charge émotionnelle qu’ils portent, et quelle grandeur les habite. Et on passe notre chemin comme des cons, nous attardant même sur un pauvre garçon qui s’est bombardé auteur compositeur parce qu’il s’est acheté une guitare Gibson et un ampli Marshall. Je parle pour mon expérience de musicien.

Et ce guitareux s’octroie l’étiquette rock imparable. « Je suis rock ! » « Ah bon, c’est à dire? » « Ben, je dis des trucs forts contre cette société d’enculés avec un son saturé et je fume des pétards ! » Bon. Ce qui est drôle, c’est que ceux qui se targuent d’ être rock mettent de la violence dans le mot, quelque chose d’asséné, de sans concessions. Alors que rock veut dire bercer. « Attention Bourgeois de merde, je vais vous démonter la tête à vous et votre confort de privilégiés car je suis berceuse« . Ah oui merde, ça fout les chocottes, pitié ! 

Tout ça pour dire que j’étais un peu comme ça à 25 ans dans mon groupe « rock » avec mon compère Langolff. Le roi des cons n’était pas notre cousin et on méprisait à vue. Ainsi, un petit matin où on s’est retrouvés dans un bar de Pigalle où y’avait Nougaro accoudé au comptoir. On avait joué je ne sais où et on continuait sur notre lancée rock d’avoir pas mal picolé toute la nuit. On avait quand même décidé de passer au crème croissants. J’avais repéré que c’était Nougaro au bar, plus dans l’esprit Marie-Christine que nous avec nos cafés. Mais je me suis mis au flipper avec l’ambition d’égréner des parties gratuites. Le Toulousain nous a vite retapissés comme musicos et a commencé à nous parler. 

Ils voulait savoir d’où on était et ce qu’on faisait comme musique. On lui a lâché quelques infos comme quoi, entre autres, on était Rouennais, avec la suffisance des branleurs auto-proclamés rockeurs et isolés de toute forme de variétoche. Et Nouga, si fier de sa Toulouse natale et de l’hommage qu’il lui avait humblement rendu par sa chanson, nous a demandé pourquoi on ne faisait pas une chanson sur notre ville Rouen avec le même amour. Je me suis dit : « OK  mon pote. T’as fait Toulouse et on va faire Rouen. Et un autre va faire Besançon ou Clermont-Ferrand. » Et je suis retourné à mon flipper.  

Je ne mesurais pas que cet immense mec, ce little big petit taureau, nous faisait une passerelle avec son coeur. Du coup, Langolff, plus perméable que moi à l’humain, s’est mis à  boire des coups avec lui. Et je revois Nougaro finir par réciter le Coq et la Pendule au milieu du bouclard quasi désert. Et moi jeune con au flipper, contrarié d’avoir fait tilt. La jeunesse est un plat qui se mange toujours trop tard.

Eh oui Kévin machin. Je n’ai pas la notoriété de Goldman ou de Cabrel, mais ma richesse est d’avoir rencontré des artistes comme ça. Même si je les ai ratés. Alors, tes jugements sur ma carrière inexistante parce que mes chansons ne sont pas passées en boucle dans tes esgourdes formatées, tu peux te les garder pour ton érythème fessier.

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Disparus de la surface du Gode

A côté de moi à une table, un mec et une nana discutaient écologie. La nana s’emportait, dramatisant à juste titre la situation et elle a lâché cette phrase : « Les abeilles auront bientôt disparu de la surface du gode ! » Je ne saurai jamais si sa langue avait fourché ou si c’était un lapsus. Peut-être venait-elle d’avoir recours à l’objet, seule, ou en appoint avec le mec en face. 

Mon esprit a alors commencé à divaguer. Les abeilles ont disparu de la surface du gode…elle l’avait sûrement enduit de miel…ou trempé dans le pollen…ou encore, elle l’avait retiré de la ruche un peu précipitamment, paniquant les ouvrières. Je souriais comme un con, tout seul à ma table.

Le mec a renchéri : « Et les ours aussi vont disparaître ! » Là, avec la surface du gode , ça se compliquait un peu… à moins qu’il se fut agi des ours que les filles de mon époque invoquaient : « Pas ce soir, j’ai mes ours ! » Que je nomme désormais Robertos. A cause de Roberto Alagna, ragnagna. Auquel cas, c’était plausible. On peut aussi se faire plaisir quand on est sur liste rouge.

Bref, cette disparition de la surface du gode dégénerait, et je souriais toujours comme un idiot de village… Ah oui, merde. On n’a plus le droit de dire idiot du village. Comme une boîte à lettres alors. Je souriais jaune.  Re bref.

La fille a enchaîné : « Et 60% des oiseaux aussi ! » Ça, je me l’expliquais. Tous les oiseaux ne peuvent pas tenir sur un seul gode. C’est un beau perchoir mais quand même…

Le couple s’est levé et le mec a dit en partant : « Et les cougars, y’en a presque plus ! » Ça finissait en apothéose avec un double signifiant le globe-gode et les cougars-femmes à jeunots. Ça se compliquait psychologiquement. Mais quand même, où ça va se « nicher » l’écologie !

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C’est trop cool han…!

D où vient ce tic chez certaines nanas, surtout les commerçantes et les commerciales, de foutre des han à la fin de chaque mot ou de chaque phrase ? « Bonjour han…au-revoir han … ce modèle-ci est plus ce que vous recherchez han… » Ce han en bout de phrase, c’est comme si elles se trouvaient cons d’avoir été trop polies, trop classiques ou trop convenues. Comme si elles s’excusaient presque d’obéir à des codes de civilité. 

Ou encore comme si elles voulaient masquer une gêne ou étaient démasquées d’une sensibilité quelconque. « Oh oui je t’aime han…c’est bon ce que tu me fais han… tu sais c’est la première fois que je jouis comme ça han ! » Bon, là on dépasse le cadre du commercial. Mais je ne peux jamais m’empêcher de dégénérer en ce sens han. Mais je vous aime tous han.

Tout ça bien sûr découle de tous ces diktats instaurés, et pas seulement pour les mensurations idéales plage et tour du maillot, mais jusque dans le langage. Faut toujours s’excuser de dire les choses à plat, de parler français et de pratiquer les convenances et l’entregent. Ce « han » agit comme un rince bouche, comme quand on a bouffé une palourde pas fraîche ou qu’on a été obligé de rouler une pelle à Michel Sapin. 

On va encore me traiter d’aigri, mais je m’en tape. Aigri : toute personne qui se fait enculer sans dire : « Oh oui encore han, oh oui c’est trop bon han ! »

Francis Basset

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