Richard Galliano, ce nom vous dit peut-être quelque chose. C’est l’un des plus grands musiciens modernes. Un artiste, un vrai. Il le prouve encore avec son nouvel album live.
Quand on pense accordéon, on pense à Yvette Horner, ses cheveux rouges, ses défilés pour Gaultier, ses tournées Tour de France à côté des saucissons Cochonou. On pense aussi à Aimable ou à André Verchuren, dignes représentants du musette à la française avec leur sourire de VRP en goguette.
Plus récemment, et franchement plus moderne et rock’n’roll, François Hadji Lazaro a enfilé le piano à bretelles avec Pigalle. Pareil pour les Négresses Vertes qui avaient trouvé un surdoué bien barré en la personne de Mathias Canavese. Bizarrement, on ne pense jamais à Richard Galliano. C’est pourtant pas un amateur ! Il a tout de même accompagné Claude Nougaro pendant des années, il est une référence à l’international et a même composé la musique de la série PJ ! Oui PJ… Bon bref ! Galliano, l’accordéoniste, à ne pas confondre avec le styliste alcoolo-dépresso-facho-crétin, sort un album live.
« Un album live d’accordéon ? Mais ça doit être très chiant ! » me direz-vous d’un air catastrophé frôlant l’insolence et le désarroi. « Ben non ! » vous répondrai-je simplement, sans juger ni toiser, c’est pas le genre de la Maison. Richard Galliano est une star du genre. Et il ose la difficulté.
Lors de ce concert enregistré au Japon en 2018, il reprend et réarrange Debussy avec Clair De Lune, il s’éclate sur Andaluza (Danse Espagnole N°5), morceau d’Enrique Granados, pianiste espagnol du début du vingtième siècle dont les morceaux ont été réarrangés de diverses façons, notamment à la harpe, mais jamais à l’accordéon. On découvre, on apprécie, on s’émerveille. Richard Galliano est seul en scène. Son accordéon et lui ne font qu’un.
C’est une osmose évidente à l’écoute de Parisian Divertimento ou de Folies Musette. Richard Galliano ne tape pas sur son instrument. Il le caresse, lui parle, instaure un dialogue, une complicité. Ces deux morceaux inédits permettent aussi de voir la vitesse à laquelle peut jouer le Maître. Et c’est franchement impressionnant. Moi qui pensais que l’accordéon était quelque chose de très chiant lorsqu’il était joué en solo… comment ai-je pu louper ça ?!
Richard Galliano est un musicien grandiose. Un Michel Legrand de l’accordéon. Michel Legrand justement. Grand pianiste, génie récemment disparu, à qui Galliano rendait hommage l’an dernier lors de ce concert fou. Il joue un medley comprenant la B.O. de L’Affaire Thomas Crown, La Valse Des Lilas, et La Chanson De Maxence des Demoiselles De Rochefort. Rien que ça ! Il est comme ça, Galliano. Il fait ce qu’il veut. Et n’hésite pas à jouer Odeon du maître du tango brésilien, Ernesto Nazareth, ou à rendre hommage à Bach dans Aria. Autre hommage inévitable, celui consacré à Nougaro avec Vie Violence, morceau rebaptisé Tango Pour Claude, qu’il interprète à chacune de ses apparitions scéniques.
Pour fêter la sortie de cet album l’accordéoniste nous gâte avec six inédits ! Oui, la moitié de cet album est du hors série, du jamais entendu. C’est du bon et du beau. Que dire d’un Musicien qui arrive à passer du musette au classique, en y ajoutant tango brésilien, sans que ça jure ? C’est certainement ça le talent.
Le jeu de Richard Galliano est à la fois dur et doux, rock et désuet. Il nous replonge parfois dans une sorte de nostalgie agréable tout en y ajoutant quelques doses de modernisme, voire de modernité comme dans La Valse À Margaux. Des musiciens aussi originaux et doués, en France, on en a. Mais ils sont souvent trop méconnus. Richard Galliano est une sorte de Bach moderne capable de jouer son instrument en acoustique comme en électronique. C’est presque de la magie à ce niveau là. Le public devant lequel il joue l’a bien compris tant il semble enthousiaste, pour ne pas dire déchaîné, à la fin du set.
Si vous avez envie de changer vos habitudes, de découvrir quelque chose qui sort de l’ordinaire, et surtout d’écouter un vrai grand Musicien Made In France, c’est Galliano qu’il vous faut !
Laurent Borde
Richard Galliano / The Tokyo Concert / Jade Music, sortie le 12 avril.
En concert :
–les 17 et 18 avril au Grand Rex, à Paris, pour un hommage à Michel Legrand.
avec Natalie Dessay, Michel Portal, Ibrahim Maalouf, Biréli Lagrène, Sylvain Luc, Nana Mouskouri, Marie Oppert.
–le 17 mai, en l’église Saint-Germain-des-Prés à Paris, dans le cadre du festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés.
(Photo : Vincent Catala)