Psychologue, psychanalyste, Totto Chan propose son regard de femme sur le cinéma, sur l’amour et le désir qui animent le cœur des plus grands réalisateurs. Aujourd’hui, Fantôme d’Amour de Dino Risi.
Fantôme d’Amour est un film dramatique italien réalisé par Dino Risi, sorti en 1981, merveilleusement accompagné par la musique mélancolique de Riz Ortolani. Nous y retrouvons deux monstres sacrés, au firmament de leur art, Marcello Mastroianni et Romy Schneider.
Nino Monti, incarné par le sublime Marcello Mastroianni, notable quinquagénaire vit à Pavie, dans la région de Milan. Ce jour-là, il décide de prendre le bus et paie la place à une femme misérable, qui n’a pas de monnaie. Nino est intrigué par le comportement de cette femme, qui quitte le bus précipitamment et s’enfuit dans une ruelle lugubre.
Le soir même, elle l’appelle au téléphone, elle tient à lui rendre les 100 lires données et se présente comme Anna Brigatti, son ancienne maîtresse qu’inerprète Romy Schneider, ombre resplendissante.
Troublé, Nino éprouve le besoin de revenir sur les lieux de leur amour qu’ils aimaient autrefois fréquenter. Contre toute attente, il rencontre Anna dans la rue embrumée. Perplexe devant cette femme à l’aspect malade et fantomatique, qui prétend être Anna, il l’écoute évoquer leurs souvenirs heureux, mais refuse son baiser qui le surprend et le dégoûte.
Un de ses amis médecin l’informe qu’Anna Brigatti est morte, il y a quelques années, d’un cancer. Fasciné par des signes surnaturels qui indiquent le retour d’Anna dans sa vie, il mène une enquête et la retrouve, belle comme autrefois, vivante, dans les lieux du passé qu’ils ont connus.
Ce film qui se présente sous l’aspect d’une intrigue policière, est un conte fantastique, profondément romantique. Le scénario, tiré d’un drame de Nino Milani, évoque la question d’un amour qui renaît de ses cendres et s’impose jusqu’à la déraison chez un homme pourtant sain de corps et d’esprit, mais qui s’ennuie terriblement dans sa vie maritale.
En effet, Anna avait été oubliée par Nino. En voulant la retrouver, il finit par comprendre qu’Anna était morte à son souvenir mais ressuscitée par le besoin qu’il avait de l’aimer à nouveau.
Son désir convoque de manière charnelle son ancienne amante, il la fait advenir peu à peu dans sa réalité, comme autrefois, désirante et désirable. Son amour pour elle, intact au fond de son cœur, lui redonne les traits de la jeune femme aimée.
Anna, en confiance, lui avoue le motif de sa présence terrestre, alors qu’ils se promènent en barque sur un étang. Elle est venue se venger de ceux qui ont nui à son amour, la séparant de Nino pour la vie. Son cancer n’était-il pas ce chagrin d’amour qui l’a emportée dans l’au-delà ?
Nino est profondément ému par cette confidence, ressentie comme une preuve d’amour. Il veut la serrer dans ses bras mais elle tombe soudain à l’eau, puis disparaît.
Désespéré, Nino retrouve Anna à nouveau sur un pont, dans son aspect originel fantomatique, vieillie et malade. Nino ne refuse plus le baiser de la morte, il se laisse enlacer amoureusement. Brusquement, Anne tombe du pont, pour se fondre dans les eaux mystérieuses du fleuve.
Dès lors, Nino n’aura de cesse de retrouver en chaque femme croisée, y compris en l’infirmière qui s’occupe de lui lors de son séjour à l’hôpital psychiatrique, Anna son amante, la Femme, l’Unique, l’aimée éternellement.
Cette quête d’un amour absolu, hors du temps, fait résonner cette question poignante d’Anna, posée à Nino, au début de leur rencontre : « Tu crois vraiment que ça existe le temps, le temps qui nous fait vieillir et qui nous consume ? »
Dino Risi nous apprend ainsi, à nous spectateurs subjugués et émus, que l’amour serait un élixir d’immortalité.
Totto Chan
« Fantôme d’Amour » de Dino Risi, vu à la Cinémathèque Française, dans le cadre de la rétrospective des films sur Romy Schneider à découvrir jusqu’au 31 juillet.