Le Rock’n’Râleur vous livre ses anecdotes que lui inspirent des célèbres Gimmicks Rock qui demeurent dans son cœur et dans son froc. Aujourd’hui, Don’t Let Me Be Misunderstood des Animals !
Ce titre des Animals, Don’t Let Me Be Misunderstood, me rappelle mon adolescence, quand je guettais qu’il passe à la radio. Et c’est toujours à ce moment-là que mes vieux me disaient de passer à table. Un peu comme si on me demandait de vérifier mon avis d’imposition pendant une approche d’éjaculation. C’est pas l’moment.
Je me souviens quand qu’ils avaient toujours deux gimmicks : «Qu’est ce qu’on mange ?» et « Y’a rien ce soir à la télé » Évidemment, quand on pense à un visage de fille entrevue dans le car scolaire ou qu’on se dit qu’on va bientôt pouvoir s’acheter le dernier Led Zeppelin avec l’argent de poche, ça dégoûte.
Je revois mon père le midi, faisant corps avec la table autour d’une tête de veau sauce gribiche dire à ma mère : «Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?» Ça m’écoeurait qu’il se projette déjà dans la bouffe du soir alors que moi j’aurais pu jeûner pendant trois jours, du moment que j’avais mes disques et les photos de guitares Fender, Gibson, Gretsch pour rêver dessus sur un catalogue.
Et y’avait le « Ce soir on se couche de bonne heure, y’a rien à la télé… » Ce qu’ils appelaient « rien » Mimile et Marianne, c’était une émission sur le commandant Cousteau, Lecture pour Tous, mais pas La Piste aux Étoiles ou une énième rediff du Corniaud ou du Jour le plus Long.
Et moi je m’en foutais comme de ma première pollution nocturne, de la télé. À part Au Nom de la Loi Josh Randall-Steve McQueen ou des émissions musicales comme Bouton Rouge avec des groupes anglais. Conflit de générations. Qui finit par faire un confit de générations pour les derniers arrivés. C’est de bonne guerre.
N’empêche qu’ils me manquent encore Emile et Mina, comme l’appelait mon père.
Pour la bouffe, j’aurais dû comprendre. C’était la peur de manquer pour cette génération de la guerre et des privations. Pour la téloche aussi. Quand tu bosses à l’usine toute la journée dans les odeurs de soufre et d’oeuf pourri de Port-Jérôme, le soir t’as pas envie de te demander pourquoi Sartre a dit que l’existence précédait l’essence et pourquoi le Marlin bleu n’est pas allergique aux méduses. Voire même qu’il les encule. Voilà, voilà.
J’arrive à cet âge où la marée de l’insouciance passée vient échouer les réminiscences sur la plage où j’avais dessiné Aline…
J’avais dessiné/ sur mes douilles
Sa petite bouille/ qui me souriait…
C’est vrai qu’elles étaient longues mes douilles à l’époque. Ou mes bénins. J’sais plus comment on dit les tifs maintenant, en jeune inculturé avec 250 mots au vocabulaire. J’suis complètement dépassman.
En fait, maintenant pour rester dans le coup, faut pas acquérir du savoir, faut s’en débarrasser. Comme une fusée se débarrasse de ses étages pour grimper plus haut. Sauf que là c’est pour descendre plus bas.
Bref.
Ça y est, j’ai fait mon vieux con prêt pour l’EHPAD. Je serais passé des pattes d’éf à l’ehpad déf. Parce que c’est du définitif l’EHPAD. On s’dit pas : « Tiens, j’vais aller faire un p’tit séjour à l’EHPAD, moi. Et après je reviens. Bazardez pas mes couches et mes radios du genou ! »
Ah la la c’est l’hallali, comme disait Dutronc dans son album avec Gainsbarre.
Francis Basset
Lire le Gimmick Rock du Rock’n’Râleur, c’est bien.
L’écouter, c’est très bien aussi… En plus, il y a la guitare !