Mettons tout de suite les choses au clair. Cette année, il y avait la polémique Pantera, la polémique Johnny Depp, et la polémique post-festival sur Ben Barbaud. Effectivement, sauf qu’on s’en cogne royalement. Seuls nous intéressent le festival et la musique. Récit vivant !
Dès la première note de Killing Moon, on comprend tout de suite que les cinq Grecs ne sont pas là pour danser le sirtaki. Ça ne rigole pas du tout !
Nous ne sommes pas un tribunal. Nous ne sommes ni juges, ni procureurs, ni avocats. Nous avons évidemment un avis mais on se le garde et on n’est pas là pour sauver ou condamner qui que ce soit. Ceux que ça choque, ou à qui ça ne plaît pas, ben c’est la même, pour rester poli.
Parlons maintenant des vraies choses. Arrivée sur les terres clissonnaises le 15 juin. En ce premier jour de Hellfest, le temps est clément. Il fait bon, assez chaud, mais pas follement. Après ce superbe point météo, rendez-vous aux portes de l’enfer pour choper le sacro-saint bracelet permettant d’accéder partout. Nouveauté cette année, j’ai décidé d’y emmener mon héritier âgé de huit piges.
Après avoir passé les contrôles, direction le bar, « parce que c’est important d’aller boire un coup » selon le jeune homme. Très bon réflexe. Direction ensuite la boutique de souvenirs en tous genres, tels des touristes en goguette à Vesoul. Après avoir poireauté une plombe pour le magasin baptisé Sanctuary, on passe aux choses sérieuses avec Imperial Triumphant. Le trio new yorkais qui aime mélanger black metal, death, et mêmes quelques relents jazzy, assure brutalement.
Il en ressort une espèce d’ambiance glauque, presque malsaine, mais dans laquelle on se trouve tellement bien. En fermant les yeux, on s’imagine presque dans un film d’horreur, voire gore, tellement la musique du trio est efficace. Leurs masques feraient passer ceux de Slipknot pour Bozo le Clown. Le micro en forme de couteau, la tête de squelette, les bougies, tout est là pour vous remémorer vos pires cauchemars… Ou vous en donner d’autres.
Quoi qu’il en soit, on est d’accord mon héritier et moi, « c’est vachement bien ». Lui, affublé de son gros casque bleu pour ne pas lui flinguer les oreilles, moi avec des bouchons spéciaux même si, de toutes façons, mes oreilles en ont déjà pris de sacrés coups…
Après cette bonne entame, nous nous déplaçons de quelques mètres pour voir Nightfall. Dès la première note de Killing Moon, on comprend tout de suite que les cinq Grecs ne sont pas là pour danser le sirtaki. Ça ne rigole pas du tout. Leur death metal mélodique et brutal fonctionne à merveille. Pendant trois quarts d’heure, le groupe, mené de main de maître par le chanteur et multi-instrumentiste Efthimis Karadimas, donne dans le brutal, sans nous laisser respirer. Cette première participation au Hellfest est franchement une réussite.
Les premières têtes d’affiches… Et Johnny !
Après une pause nécessaire pour se réhydrater et manger un bout, « parce que c’est important quand même. Et boire en mangeant c’est encore mieux » selon mon petit acolyte. Ouais, pas faux.
Une fois cela fait, on se dirige vers une des scènes principales pour voir Hollywood Vampires. Quoi ? Vous ne connaissez pas le super groupe composé d’Alice Cooper, Joe Perry, Tommy Henriksen, Glen Sobel, Chris Wyse, Buck Johnson, et… Johnny Depp !
Le pirate des Caraïbes est déjà monté à plusieurs reprises sur scène, que ce soit avec le regretté Jeff Beck, avec Marilyn Manson, avec Eddie Vedder, ou encore avec son ex, Vanessa Paradis. Ce soir de juin 2023, tout le monde l’attend de pied ferme !
Les musiciens montent sur scène les uns après les autres et Johnny n’est pas là… On se dit que comme pour le début de la tournée, il ne viendra pas, vu qu’il s’est flingué une cheville. Et finalement, il arrive quelques minutes après les autres, bonnet rasta sur la tête, lunettes noires et chemise à carreaux en laine. La vraie star hollywoodienne dégage un sacré charisme. Et ce qui fait plaisir, c’est qu’il semble s’amuser.
Durant un peu plus d’une heure, et de nombreuses reprises, de Baba O’ Riley à l’inévitable Walk This Way en passant par Heroes, interprété par Depp (un morceau qui lui colle forcément à la peau), les Vampires nous prennent notre sang et le recrachent pour mieux nous bouffer par la suite. Soyons honnêtes, ce n’est pas toujours du metal, ça vire parfois à la pop, mais rien que voir Alice Cooper interpréter I’m Eighteen et School’s Out, deux de ses morceaux légendaires, rien que pour ça, on a doré. Et en plus, mon petit compagnon de virée a pu voir Jack Sparrow en vrai, des étoiles plein les yeux !
Vient ensuite le tour d’Architects. Là, on ne sait pas quoi en penser. Le groupe de metalcore originaire de Brighton dégage une énergie folle. Malgré tout, on a parfois l’impression d’entendre une sorte d’imitation de Linkin Park avec encore plus de bidouillages électroniques par moments. Quand ils jouent des morceaux comme Deep Fake ou Little Wonder, on se lasse un peu. Les quatre gars assurent, il n’y a rien à dire là-dessus, mais nous, on décroche.
Arrive ensuite la première tête d’affiche du week-end que mon héritier, du haut de ses huit balais, avec un sourire aussi large que le Mississippi, attend impatiemment : Kiss ! Les légendes sont en pleine tournée d’adieux.
Bon ok, lors de leur dernière venue au Hellfest en 2019, c’était déjà leur tournée d’adieux… La prestation d’alors fut marquante. Plus que celle-ci en tout cas. Tournée de trop ? Fatigue ? Ras le bol ? Kiss est décevant. Mon compagnon du jour me demandant même « mais pourquoi ils n’arrêtent pas de parler hein ? ».
Effectivement, entre chaque morceau, Paul Stanley enchaîne les monologues, parfois trop longs. On se demande ce qui se passe, lorsque le groupe fait chanter La Marseillaise au public. Là, on ne comprend plus rien. Entre deux interludes, Kiss semble presque expédier des morceaux qu’on adore comme Shout It Out Loud, ou Psycho Circus.
Le solo de guitare de Tommy Thayer est bâclé, I Love It Loud paraît sans âme. Non, ce n’est pas Kiss devant nous, ce n’est pas possible. De toutes les prestations précédentes auxquelles j’ai pu assister, celle-ci est sans doute la plus mauvaise. Allez, on regarde le solo de Bass de Gene « Demon » Simmons, et on se barre… Fin du premier round.
Vendredi hésitant
Le vendredi commence par une arrivée triomphale avec mon héritier demandant, à peine passé le contrôle : « On va boire un coup ? » « Ok, si t’insistes… » Ce passage quasiment obligé effectué, on passe voir un quatuor américain nommé Full Of Hell. On ne connaît pas, mais le nom, si poétique, me plaît bien. Nous ne sommes pas déçus.
Comme on pouvait s’en douter, le groupe n’est pas spécialisé dans le tango mais plutôt dans l’ultraviolence. Un mélange de noisy, de black metal, et de grindcore qui n’est pas sans rappeler Unsane ou Mayhem selon les moments. Tout cela est d’une efficacité redoutable et nous laisse pantois, sonnés ! La journée commence bien.
Allez, on bouge un peu et on va de l’autre côté, au nouvel endroit où se trouve La Valley. On tombe pile sur Bongripper. Là encore, inconnu au bataillon. Tout ce que l’on sait c’est que le groupe de Chicago fait dans le doom instrumental depuis plus de 10 ans. On se demande ce que ça peut donner et… c’est franchement bon ! Quasiment reposant.
Une sorte d’ovni au milieu du festival, même si leur musique alterne entre le très lourd et plus léger. Certains passages, ultra mélodiques, pourraient faire d’excellentes musiques de films. La comparaison avec les instrumentaux de Nine Inch Nails n’est pas infondée, même si ceux de Trent Reznor comportent beaucoup plus d’électronique. Ce concert ne nous laisse pas indemnes. Bongripper est certainement une des meilleures découvertes de ce festival.
Après ce moment de pur bonheur, on part voir une des têtes d’affiches de la journée : Skid Row. Le groupe de hard rock des années 80 et 90, spécialisé dans le glam et les power ballads, apporte du gros son, joue ses tubes tels que 18 And Life, I Remember You et Youth Gone Wild.
Erik Grönwall, le nouveau chanteur intégré en 2022 fait le job. Il a de la présence, un sourire carnassier, mais il lui manque la présence du canadien Sebastian Bach, chanteur originel et charismatique du groupe, viré en 1996 car ingérable. Les cinq américains du New Jersey livrent un show honnête, propre, sans fioritures mais qui manque un peu de passion.
Des bonnes surprises
Quelques minutes plus tard, débarque Motionless In White. Le quintet de Pennsylvanie n’est pas là pour déconner.
Dès les premières notes de Disguise, on comprend qu’on va s’en prendre plein la tête. Ces gars-là ont en eux une rage folle furieuse. Le chanteur, Chris «Motionless» Cerulli, casquette noire, gants noirs et sapé comme s’il était en Alaska, harangue la foule en donnant l’impression de vouloir casser la gueule à chacun d’entre nous. Les quatre autres seraient à ses côtés pour l’encourager, toujours plus violemment.
Le concert alterne entre nu-metal, des instants légèrement plus calmes, assez indus comme le morceau Cyberex, ou de pure violence comme le morceau Slaughterhouse sur lequel la foule pogotte follement, lorsqu’elle ne fait pas un circle pit géant. Comme dirait mon acolyte du jour : « Dis donc, c’est vachement bien ça ». Ces cinquante minutes de concert sont passées beaucoup trop vite. Motionless In White décroche assurément la palme de la prestation du jour.
On enchaîne avec un tout autre genre : Aborted. Les belges spécialisés dans le Death Metal fracassant depuis plus de 25 ans sont à bloc. Malgré quelques remarques du chanteur Sven de Caluwé trouvant manifestement le public trop mou au début du set, le quatuor assure une belle performance d’une violence exceptionnelle qui réussit à retourner tout le monde en cinquante minutes. C’est dur, fou, ça laisse le public essoufflé et sans voix. Franchement, chapeau !
Un bon début de soirée
« Bon, on va boire un coup ! » Sage conseil du jeune homme auquel je réponds immédiatement favorablement. On se remet lentement et on part voir Def Leppard. Est-il encore besoin de présenter le groupe aux plus de 100 millions d’albums vendus ? Le groupe de Sheffield, qui tourne depuis plus de 40 ans, assure pendant 1h30 un show de grande qualité même si c’est assez calme, avec tout de même un gros son.
Les cinq musiciens semblent ravis d’être là et le chanteur Joe Elliott, 63 piges au compteur, grand sourire aux lèvres, enchaîne brillamment les titres de différentes époques comme Let’s Get Rocked, Kick, Pour Some Sugar On Me. Pendant les morceaux Hysteria et Photograph, nombre de photos et vidéos sont diffusées en arrière-plan pour retracer la très riche carrière du groupe. Comme une impression d’au revoir définitif avec le groupe remerciant chaleureusement le public qui l’acclame fortement et sincèrement.
On jette vite fait un œil sur Gorgoroth mais le son est assez catastrophique et on ne comprend strictement rien à ce qu’il se passe car la musique devient du bruit. Soit le matériel est en panne, soit l’ingé son a gardé ses moufles. Dommage. Le légendaire groupe de black metal norvégien méritait mieux.
Fin de journée mitigée
On bouge et on s’installe pour Machine Gun Kelly. J’avoue que son nom ne me dit rien, jusqu’à ce que je découvre que c’est lui qui joue le rôle de Tommy Lee dans The Dirt, le film biographique sur Mötley Crüe, et que son dernier album a été bossé avec Travis Barker, batteur de Blink-182.
Le Texan de 32 ans débarque dans un style Naruto, avec cheveux blonds en pics à pigeons, en haut d’un escalier géant avec ses musiciens tout en bas… Bon, on ne va pas faire de la philo de comptoir, mais ça sent pas bon… Le son est puissant, le jeu de lumières est très travaillé mais la musique est… soporifique ! C’est une espèce de pop punk, mélangée parfois avec du rap, chantée par un Américain qui tente de se choper l’accent anglais mais qui ne l’a pas.
Malgré une reprise, ratée de Free Fallin’ de Tom Petty, la crédibilité n’y est pas. Tommy Lee vient tapiner sur un de ses morceaux mais ça ne fait pas avancer la chose. Malgré quelques slams sur l’avant de la scène, le restant du public accueille l’artiste poliment, sans grande effusion. Et comme le dit si bien le couple debout, à quelques centimètres de nous, verre de bière à la main : « On s’emmerde franchement, là… ». Le pire est atteint avec un dernier morceau, une vidéo, qui n’est autre qu’un morceau de rap. Erreur de casting, promo obligatoire pour choper Mötley Crüe, on préfère ne pas savoir…
La deuxième tête d’affiche de ce week-end, c’est justement Mötley Crüe !
Après leur gigantesque tournée d’adieux de 2015, les californiens sont finalement de retour… Sans Mick Mars ! Pièce essentielle, seul véritable musicien digne de ce nom au sein du groupe, qui a préféré partir du groupe l’an dernier, selon le communiqué officiel, à cause d’une spondylarthrite ankylosante, ou qui aurait été viré selon lui. Quoiqu’il en soit, il fait un méga procès à ses ex-copains, les accusant d’avoir passé ses bénéfices de 25 à 5%.
Sur la scène du Hellfest, l’homme au chapeau est remplacé par John 5, connu notamment pour avoir été le souffre-douleur de Marilyn Manson et le guitariste de Rob Zombie. Il joue aux côtés de Vince Neil, Tommy Lee, et Nikki Sixx qui entrent sur scène après un Requiem de Mozart et après un faux flash info de MCNN (Mötley Crüe News Network) annonçant qu’ « on ne peut pas refaire le passé et que le futur est à nous. Pour une nuit et seulement une nuit ». Le Crüe enchaîne ensuite ses titres phares que sont Wild Side, Saints Of Los Angeles, ou Looks That Kill.
Certains morceaux, comme The Dirt (BO du film qui leur est consacré), sur lequel revient l’insupportable Machine Gun Kelly, semble carrément en playback. On a aussi quelques doutes sur les chœurs de Dr. Feelgood et sur Shout At The Devil. Ce soir-là, Mötley Crüe est accompagné de deux jeunes femmes, certainement très douées en pôle dance, ou qui ont peut-être d’autres talents cachés, mais à part ça… Est-ce pour rappeler son époque sex, drugs, and rock and roll ?
Vient le moment d’enchaîner les reprises de Rock And Roll part 2, Smokin’ In The Boys Room, Helter Skelter (avec une photo de Charles Manson en arrière plan), Anarchy In The UK, et Blitzkrieg Pop juste après un bon solo de John 5. Après cette salade, place au slow de Home Sweet Home. C’est ballot, il est l’heure de partir…
Pour les autres journées, un problème personnel nous a obligés à quitter les terres nantaises. Nous avons tout de même pu voir le concert d’Arch Enemy sur Arte TV. Alicia White-Gluz et ses compagnons de route sont toujours aussi bons. On aurait aimé y être.
Même si cette année, l’ambiance était un peu en deçà des années précédentes, et notamment de 2022 avec cette affiche exceptionnelle des 15 ans, le Hellfest reste un des plus grands festivals de metal au monde. Des organisateurs aux bénévoles, tous se démènent pour une chose : nous apporter le meilleur ! On ne peut que leur en être reconnaissants. À l’année prochaine, les Diables !
Laurent Borde
Tonton Borde, on aime quand il écrit… On aime aussi quand il parle !