La Bande Originale d’un Rock ‘n’ Râleur : Zardi et B.Root

Zardi-Rock'n'Râleur-ParisBazaar-Basset

Auteur et parolier, Francis Basset connaît la musique et au minimum toutes les chansons. Ses souvenirs, ses humeurs. Bonheur pur Collector !

Zardi Land

En 2009 je faisais un one man show au Sentier des Halles, « Pas ce soir j’ai mes rêves » . C’était le titre. Je racontais ma vie de galérien musicien en émaillant mon propos de bouts de chansons pop rock des sixties seventies, juste avec ma guitare.

Olivier Delavault, un ami éditeur ( créateur notamment de la collection Nuage Rouge consacrée aux Indiens d’Amérique du Nord, aux éditions du Rocher-ndlr) venait souvent me voir et un jour il est arrivé au Sentier avec Dominique Zardi, dont il avait fait sortir le livre « Le comédien fétiche du cinéma » chez un gros éditeur. 

Dominique Zardi, dans le cinéma des années 70, c’était le porte-flingue des Gabin, Delon, Ventura, Belmondo, André Pousse. C’est 50 ans de cinéma dans le métier à l’ancienne. C’est le gouailleur, le castagneur au crâne nu. Sa devise : « Mieux vaut un petit rôle dans un grand film qu’un grand rôle dans un film sans intérêt. » Ou encore : « Les vitraux d’une cathédrale exposés au nord sont aussi beaux que ceux installés au sud. Ils sont privés de lumière. C’est tout. »

Il s’installait dans les premiers rangs et me regardait débiter mes conneries.

Des conneries dans ce genre…

« J’ai arrêté de croire en Dieu quand on est passé de « Notre  père qui ÊTES aux cieux à  Notre père qui ES aux cieux. » Qui a donné  l’ordre ? C’est Lui qui est descendu du calvaire pour nous dire : « Arrêtez vos conneries, on se connaît assez, maintenant on se tutoie » ? Pas du tout ! C’est des mecs comme ou et moi, réunis en conclave. Puisque c’est comme ça, j’arrête Dieu. Si vous faites votre popote sans consulter en haut lieu, pourquoi pas demain Dieu joue aux poker, Dieu va aux putes, Dieu se lève à midi ?…  Notre père qui êtes au pieu, pour des siestes et des siestes. Amen. »

Et j’enchaînais avec God Only Knows des Beach boys, pour illustrer. Zardi rigolait mais c’est la guitare qui le fascinait. Il regardait mes doigts, intrigué. 

Je poursuivais…

« Quand on demande à des gens ce qu’ils feraient s’ils avaient, par exemple, un million d’euros du jour au lendemain. Loto ou héritage, entre autres.

Réponse de la plupart:

– Ah ben moi j’achète un bateau et je fais le tour du monde.

-OK et après tu fais quoi ? , je dirais.

-Ben je m’arrête dans une île paradisiaque.

-Oui et après? 

– Ben je me repose au soleil…

-Bon ça y es,t t’es reposé. T’es bronzé et tu t’es fait éventer les roupettes à la feuille de palmier par la vahiné locale, en goûtant les couchers de soleils qui n’en finissent pas d’être tous beaux et tous pareils. Tu fais quoi maintenant ?

-Ben…

– Ben tu te fais chier. Ça s’appelle le syndrome polynésien. T’as qu’une hâte, c’est de te retrouver à la terrasse d’un café en été et de te mettre des particules de gas-oil en suspension plein les bronches. Dis-le, connard que tu te fais chier ! »

Et j’enchaînais avec Summer In The City des Loving Spoonful.

Pareil, Zardi riait mais ne perdait pas une miette de la guitare. Il m’appelait « La guitare country ». Alors que j’ai jamais eu ce style à la guitare et encore moins dans mon spectacle.

On allait souvent bouffer au restau asiatique « Au pays du Sourire » , rue de Bièvre, où Mitterrand avait ses quartiers, et il me racontait Paris qu’il connaissait par coeur. Surtout le Marais et la rue des Rosiers. Ça me faisait drôle de bouffer mes raviolis pékinois en face de ce mec qui avait tourné avec tant de légendes du cinéma et qui dégainait anecdote sur anecdote, comme la scène où il devait violer Alice Sapricht qui devait lui mettre une baffe pour se défendre. Si forte qu’il a longtemps eu des problèmes d’équilibre.

Ou Belmondo qu’il avait sauvé d’une altercation avec les flics et qui lui avait promis, contrat à l’appui, d’avoir un rôle dans tous les films où il jouerait. Mais… non. Les films se sont succédé et Zardi est resté sur la touche. Il disait ça sans amertume, heureux d’avoir traversé le cinéma aux côtés des plus grands depuis 1943.

Entre deux, des vannes de mon one man lui revenaient comme « Un seul être vous manque et tout pédé peut plaire » ou « On ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et Marlon Brando » et il souriait d’aise. Ce mec qui avait côtoyé Audiard et Blier riait de mes blagues. Mais il revenait toujours sur la guitare, l’oeil allumé. J’étais monsieur guitare country. Il est parti peu de temps après. Comme Marielle est parti et comme tous partent en nous laissant dans la désolation du politiquement correct.

John B.Root-Rock'n'Râleur-ParisBazaar-Basset

John. B. Root

Voici une vingtaine d’années, j’avais écrit des livres chez Hachette pour un compartiment érotique dont Brigitte Lahaie était la directrice de collection. Et de fil en aiguille- de chas en aiguille plutôt- j’ai écrit un livre déconnant, illustré par Siné, « Séduire, emballer, conclure ». Et je me suis retrouvé au salon du Livre, porte de Versailles, à côté d’un réalisateur de films X, John B.Root. Joli pseudo. Et il m’a raconté son « problème ». 

Il avait tellement fait de castings avec de jolies filles de tous pays qui, au bout de cinq minutes s’étaient complètement dénudées devant lui, se masturbant ou mimant l’orgasme, qu’il avait perdu sa libido. Cette déformation professionnelle l’avait même conduit au divorce. La nudité des filles, leur exhibition sexuelle le laissaient de marbre. Il m’a confié qu’il ne bandait qu’avec des femmes en robes trés longues dont il apercevait à peine les chevilles. A sa façon, c’était un barbu avant l’heure. Il aurait été complètement raccord avec les défenseurs du burkini.

« Et je ne sais rien faire d’autre » , m’avoua t-il. « Mon truc c’est de découvrir les filles. Dans les deux sens du verbe. Tiens, je vais te le prouver. Il est 17h30, le salon ferme à 18h, dans la demi-heure qui vient, je vais brancher une nana à laquelle tu n’auras pas plus fait gaffe qu’à une gentille caissière de Franprix. »

Et effectivement, arrivent deux nanas tout à fait « normales » à notre stand. Elles regardent les livres en riant sous cape. John B.Root branche l’une d’elle, duffel-coat, lunettes et cheveux tirés, et commence à la baratiner. Au point qu’à un moment donné, elle retire son duffel-coat et ses lunettes et dénoue ses cheveux. Et j’ai eu devant moi une fille qui aurait pu postuler comme James Bond girl. « T’as vu ? Tu serais passé à côté »… , il m’a dit une fois les filles parties,  « Moi non. C’est mon truc. »

Je ramène souvent cette anecdote à cette femme rencontrée. Sans avoir la vista de ce réalisateur de X, j’aurais été touché par sa beauté et sa charge érotique même sous une blouse de magasinier et deux passe-montagne. Elle m’avait dit : « C’est parce que tu es amoureux. » Non. D’autres aussi étaient touchés par sa grâce. Elle perçait sous la fringue et l’accessoire comme Napoléon perçait sous Bonaparte. Elle restait toujours dans cette modestie et cette humilité quant à tes attraits. Et les années étaient ses amies. Elle avait tellement été gentille avec elles aussi.

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J’ai toujours été un vieux con…

Jeune, quand j’étais musicien, avec mon groupe on jouait dans les boîtes.  Deux passages de trois quarts d’heure. Et entre deux sets, je m’emmerdais au bar. Je me demandais où eux tous allaient chercher leur plaisir en boîte.  Tu circules avec ton verre à bout de bras, tu ne vois pas vraiment les autres avec les lumières épileptiques, et si tu veux faire un compliment à une nana, faut lui hurler dans l’oreille en gérant ton décollement de la plèvre à cause des infra basses de la sono . Pourtant, on jouait fort avec nos amplis cent watts Marshall. Mais là…

Des années après, quand on m’invitait à sortir en boîte (bel oxymore, sortir en boîte), je déclinais l’offre. Je ne voyais toujours pas où était l’orgasme. En fait, j’ai toujours été un vieux con. Comme ça, ça se voit moins maintenant. Je retombe sur mes pattes. Faut bien retrouver des avantages. Paraît même que je suis un anar de droite pour tout couronner. Donc un salaud de mal pensant, intolérant, réac et j’embrasse.

Bien d’ailleurs.

Ps : Ce correcteur de merde, fasciste lui aussi, m’a mis « j’embrasse » à la place de « j’en passe. » Je ne veux pas le contrarier, je m’adapte. Je m’entraîne pour les années à venir. Sombres, les années. « Bonjour, je voudrais une saucisse sèche s ‘il vous plaît. » « Non non, en fait vous voulez des cacahuètes. » « C’est vrai. Suis-je con ! Deux paquets s’il vous plaît. »

Francis Basset

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