Le C.V de Dieu : l’Éternel à l’heure du bilan de compétences

Le Tout-Puissant convoqué à la RH pour un entretien d’embauche, il n’y a qu’au théâtre qu’on voit ça. Qu’il nous pardonne l’offense, on en jubile encore !

Ayé ! Le job est fait. La Terre, l’Homme, la Femme, les animaux, les étoiles qui brillent dans le ciel et le technicolor du soleil dans le couchant, tout y est. Rien à ajouter. Bon, et maintenant ? Que va-t-il faire ? De tout ce temps qui lui reste ? Une éternité, au moins ? C’est que ça peut être long une éternité. Interminable, même. Comme un ennui sans fin.

Gagné par le spleen à moins que ce ne soit le baby blues, incapable de ne rien faire et soucieux de rebondir, Dieu a alors l’idée d’un nouveau challenge. Il va postuler à un emploi dans une grande entreprise. Son C.V divin, ça tombe bien, a retenu l’attention du Directeur des Ressources Humaines. L’entretien d’embauche peut commencer. La pièce aussi.

Une pièce de Jean-Louis Fournier où Jean-François Balmer et Didier Bénureau, pour la première fois réunis sur scène, premier bonheur, nous offrent une rencontre à un sommet encore jamais gravi. Où le Créateur, sommé de se justifier, comparaît devant le tribunal de ses propres créatures et s’explique enfin, second bonheur. Depuis le temps qu’on se posait des questions sur le sens à donner à tout ça. La vie, la mort, la guerre, l’amour, le bleu du ciel, les montagnes enneigées, le Sahel et les océans.

Tout s’éclaire alors d’un jour nouveau. Le Céleste voulait bien faire et surtout, faire beau. Au fond, c’est un artiste comme les autres qui commente sa toile. Un enfant qui nous décrit ses jouets. Un bricoleur qui nous raconte son sens de la débrouille et parfois même de l’improvisation. Oui bon, des fois, ici ou là, c’est un peu bancal, inachevé mais il a fait tout ça tout seul et en si peu de temps. Six jours, rendez vous compte ! Avec ses mains et les moyens du bord. Alors, un peu d’indulgence que diable… ah non, pas lui. Et que c’est drôle ! Et que c’est bon ! On nous l’a tellement dit qu’il nous avait faits à son image, on comprend mieux.

©Jean-Marie Marion

« Je connais Jean-Louis Fournier depuis longtemps, raconte Jean-François Balmerj’avais fait l’or du Diable avec lui à la télévision où je jouais l’abbé Saunière, le fameux abbé de Rennes-le-Château. J’ai aussi fait Arithmétique Appliquée et Impertinente.  Et puis, c’est lui qui avec Pierre Desproges avait créé la Minute Nécessaire de Monsieur Cyclopède. C’est un homme également passionné de peinture.

Plus récemment, il a publié ce livre qui me fait tellement rire, son Autopsie, où on peut lire en quatrième de couverture « Je suis mort, c’est pas la pire des choses qui pouvait m’arriver dans la vie. » (rires) Voilà un peu le personnage… Et avant que Didier ne réponde, je tiens à souligner que Jean-Louis voulait absolument Didier Bénureau comme RH et moi, modestement, comme Dieu. C’était ça ou rien !

… Oui, il ressemble beaucoup à Dieu, enchaîne Didier Bénureau, de plus en plus, d’ailleurs. Plus le temps passe, plus il lui ressemble (Balmer hilare). Ce qui m’a embarqué tout de suite, ce sont les dialogues, l’humour du texte. Je me suis dit, d’une certaine façon c’est proche de ce que j’écris. Parce que c’est très absurde et c’est enfantin, drôle et touchant aussi. Et il y a beaucoup d’humanité, je trouve, dans tout ce qui se dit.

Et puis, c’est excitant de pouvoir poser ces questions à Dieu et de l’embarrasser ! C’est vrai que la lecture est très absurde quand on y pense. Quand il nous raconte qu’il se baladait avec son arrosoir pour faire la pluie (sourires)… c’est très charmant. Et puis, il a fait des âneries ! (se tournant vers Balmer) Comme le Sahel, c’est pas bien ça. 

Ce qui me plaît aussi, ce sont les réponses de Dieu quand il parle des hommes. Il a tellement raison ! Les hommes détruisent son oeuvre, ça c’est clair ( silence)… de plus en plus clair. »  

©Jean-Marie Marion

Au fil de l’entretien, le Rh prend de l’assurance, Dieu perd de la sienne. Cependant qu’au plaisir des situations surréalistes et souvent franchement irrésistibles, s’ajoute celui de découvrir un duo. Ces deux-là, Fournier ici aussi a vu juste, étaient faits pour jouer ensemble.

« Bon, il est là, il va fermer ses oreilles. Mais Didier est exceptionnel, souligne Jean-Françoisdans l’écoute, dans l’énergie ! C’est un plaisir complètement rare. Quelques fois, les comédiens qui sont habitués à faire du one-man-show, il arrive qu’ils se mettent à jouer seuls, hélas ! Et l’exception fait que tout d’un coup, on joue la même partition. Là, on joue ensemble ! Non ?

Oui, poursuit Didier, d’abord j’ai fait quelques pièces. Ensuite, je fais bien la différence entre être seul sur scène et faire son numéro, et être au théâtre. Et puis comme j’écris moi aussi, je sais bien qu’il faut servir le texte et non pas s’en servir pour je ne sais quoi. Il faut aller dans le texte et y plonger le plus profondément. Pour moi, c’était évident, il fallait coller l’un à l’autre. Qu’on se parle le plus authentiquement possible pour que ça tienne la scène. Et Jean-François m’impressionne par l’implication qu’il met dans son jeu. C’est toujours la bonne intention. Il joue vrai ! C’est une grande force !

… Bon, il vient avec son grand âge, son expérience (Balmer se marre), c’est nourri de tout ça ! Alors, ça sert le personnage ! Moi, je pourrais pas. Je suis beaucoup trop jeune (Balmer se marre encore plus fort) Mais lui ! Avec tout ce qu’il a fait dans sa vie ! Il a dû en faire des trucs ! Tout est là ! Un peu comme Dieu, il  a un lourd passé… Alors, le personnage a une épaisseur comme vous avez pu voir… Oui, acquiesce Balmer, c’est d’ailleurs pour ça que je mets toujours un foulard, pour cacher cette épaisseur ! (les deux rigolent) »

À la question que vous vous posez sans doute, le C.V de Dieu le Continuel est-il ou non retenu? On répondra simplement. Qui viendra, saura… et aura pris au passage le temps de savourer l’incroyable échange, qui lui aura fait aimer l’idée de Dieu et un peu moins l’Homme ou le contraire.

À celle de savoir ce qu’il aurait à dire au Grand Architecte, si d’aventure il le rencontrait, Jean-François Balmer cite Jean-Louis Fournier qui a déjà prévu son épitaphe : « On a été quand même bien contents d’être venus. » Didier Bénureau, même s’il ne croit que ce qu’il voit, répondrait par un « merci. » Bon. Et vous ?

O.D

Le C.V de Dieu, une pièce de Jean-Louis Fournier, mise en scène par Françoise Petit

Avec Jean-François Balmer et Didier Bénureau

à la Pépinière Théâtre

Filmés par Laurent Caron, c’est encore plus beau, Jean-Francois Balmer et Didier Bénureau…

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