Une fille et beaucoup de garçons… Sylvie Grumbach a fait partie du premier cercle que Fabrice Emaer a réuni et embarqué dans la folle aventure du Palace.
C’était avant qu’on s’interdise. De boire, de fumer, de penser de travers, de s’aimer à l’envers. C’était avant le virtuel et l’obsession de marcher dans les clous du politiquement correct, quand la chair était vivante et les nuits vibrantes. C’était il y a quarante ans. C’était le Palace. Et ça pouvait commencer comme ça…
« Comme c’était un théâtre, les gens étaient aussi spectateurs qu’acteurs. Il y avait beaucoup de monde à la porte. Ça venait en métro ou en limousines. Il y avait un couloir de deux cent cinquante mètres à parcourir (rires)… déjà on défilait. Et puis les portes s’ouvraient et là, il fallait faire une entrée pour qu’on vous remarque un peu. On descendait quatre marches et soit on s’arrêtait au bar à gauche soit on allait directement dans la fosse pour danser. Et là, en dansant, on regardait ce qui se passait au balcon… tiens, il y a untel dans la loge droite, untel dans la loge gauche… on était comme à l’Opéra. »
C’était il y a quarante ans mais, à écouter Sylvie Grumbach, on a l’impression que c’était l’autre soir. Et avant le tout premier au 8 rue du Faubourg Montmartre, il y eut d’abord tous les autres au Sept de la rue Sainte-Anne où elle allait danser. Elle était jeune attachée de presse. Le maître des lieux s’appelait Fabrice Emaer. Chez lui, se mélangeaient déjà les mondes de la mode et du théâtre. Il portait ce rêve d’une boite de nuit à la démesure de ses envies. Il lui a alors proposé de se joindre à la première bande des cinq, celle des fondateurs. Si Dominique Segall, autre grand attaché de presse, est venu avec sa famille du cinéma et du théâtre, Sylvie a pour sa part fait entrer sa tribu à elle. Celle de la mode. Thierry Mugler, qui a signé les incroyables uniformes des barmen, Kenzo, Claude Montana, Jean-Paul Gaultier… Ils n’étaient pas encore des marques mondialement connues, juste des jeunes créateurs.
« C’est Claude Aurensan qui nous avait rapprochés. J’ai eu ainsi l’occasion de rencontrer Fabrice pendant des vacances à Tanger, où il louait une maison tous les ans et j’ai fait partie de ces joyeux étés. Plus tard, avec Claude, ils ont découvert le Palace et ils m’ont demandé de faire partie de cette aventure, ce que j’ai accepté avec plaisir… mais sans savoir ce que c’était que de travailler la nuit (rires). Ce qui était fabuleux, c’est qu’il ait fait d’un très joli théâtre, un lieu de nuit avec une programmation de cinéma, de concerts, de ballets puisque on était liés au festival d’Automne… Il avait aussi demandé au peintre Gérard Garouste de faire des décors et comme les cintres étaient restés intacts et qu’il y avait des régisseurs, on pouvait changer ou mélanger les décors… ajouté aux lumières, à la musique de Guy Cuevas, on était dans un lieu féérique tout le temps !! »
Le Palace était comme un enfant monstre à qui Emaer n’aurait jamais su dire non. Sylvie, elle aussi, se souvient de l’engagement total de Fabrice pour le lieu qu’il avait tellement désiré. Parce qu’il aimait la beauté et s’amuser, parce qu’il aimait aussi faire plaisir et que les gens s’amusent, tout ce qu’il gagnait était systématiquement réinvesti dans le décor, dans la lumière, dans la programmation. L’homme buvait peu, se droguait encore moins et ne dansait pas davantage mais il savourait soir après soir, sans omettre un détail, le spectacle dont il était le grand metteur en scène.
« Il avait remis les calendriers à l’heure du calendrier. C’est à dire qu’on fêtait le Printemps et l’Hiver avec la mode, on fêtait mardi gras, on fêtait les dimanches après-midis et là, les filles étaient interdites… Alors tout le monde peut bien-sûr parler de la fête de Karl Lagerfeld ou du mariage de Loulou de la Falaise mais moi, je me souviens surtout des fêtes grand public. Comme le bal de Sissi Impératrice où je voyais tous ces garçons moustachus habillés avec des crinolines en train de danser la valse, ça pour moi, c’est un souvenir merveilleux ! (rires) »
La disparition de Fabrice Emaer, en 1983, a sonné la fin du bal. Celle aussi d’une époque. Le clan des 5 n’y a pas survécu non plus. Sylvie se souvient mais sans amertume que certains lui ont alors tourné le dos. Elle a poursuivi sa route en fondant, en 1984, l’agence de presse 2é Bureau. On lui doit notamment d’avoir popularisé des grands évènements autour de la photographie comme Visa pour l’image à Perpignan, le Salon de la Photo de Paris ou encore le World Press Photo.
Elle a continué un temps à sillonner la nuit mais n’a jamais retrouvé aux Bains-Douches, à l’Elysée-Matignon, chez Castel ou Régine ce sens incroyable de la mixité et du mélange, de tous les mélanges, qui aujourd’hui encore reste au fond la signature du Palace. Pour Sylvie, Fabrice Emaer était un personnage de roman. Même une fois tournée la dernière page, il y a comme ça des romans qu’on n’oublie jamais.
O.D
You could definitely see your skills within the work you write. The arena hopes for even more passionate writers such as you who aren’t afraid to mention how they believe. Always go after your heart.