Certains artistes ont marqué les années 70 et 80. Avec leur musique, comme U2. Avec leur look, comme Carlos. Un seul reste à ce jour inégalable… Joy Division !
Nous sommes en 1979. Cette année là, le gouvernement de Pol Pot est renversé, les Etats-Unis révèlent l’existence d’une base soviétique à Cuba, l’Ayatollah Khomeiny prend le pouvoir en Iran, Mère Teresa reçoit le prix Nobel de la Paix, Margaret Thatcher devient la première femme à occuper le poste de premier ministre au Royaume-Uni. Pas que du bon, donc.
En France, c’est pas non plus le top. Jacques Mesrine se fait flinguer Porte de Clignancourt pendant que plusieurs historiens se mobilisent contre Robert Faurisson et ses «amis», de haïssables connards négationnistes. Côté musique, ça fait plusieurs mois que Claude François a lamentablement et définitivement raté son examen d’embauche chez EDF, Jean-Michel Jarre joue devant un million de personnes place de la Concorde, et Alain Chamfort appelle, en vain, Manureva.
Chez nos copains anglo-saxons, Supertramp prend un Breakfast In America, ACDC nous emmène sur le Highway To Hell, The Police envoie un Message In A Bottle, pendant que les Boomtown Rats affirment I Don’t Like Mondays.
La même année, quatre mecs de Manchester déboulent sans crier gare sur la scène anglaise. Joy Division fout tout en l’air sur son passage. Le 15 juin 1979, Unknown Pleasures est publié. John Peel, référence musicale ultime en matière de découvertes sonores, invite aussitôt le quatuor à la BBC pour une de ses fameuses sessions. A partir de là, tout va s’enchaîner pour Joy Divison. Succès, gloire, et la mort, celle de Ian Curtis, chanteur charismatique à la voix si désespérée qu’il ferait passer le moindre chanteur gothique pour un clown du cirque Pinder.
Côté musique, cet album est une véritable révolution et marque les prémices de l’after punk. Ce qui marque, c’est la froideur musicale. Il a beau faire 40°C dehors, on ressent une espèce de terrible froid gelant à l’écoute de chaque morceau. Comme l’impression de passer des vacances dans un congélateur. Shadowplay est un exemple du genre. La réverb’ est à son max, les nappes de synthé semblent avoir été directement chopées au Pôle Nord. Les guitares de Bernard Sumner sont amères. Elles révèlent une sorte de tristesse, de mal être, tout en étant parfois hargneuses, voire violentes.
La basse de Hooky, alias Peter Hook, jouée en grande partie au mediator, laisse un sentiment d’agressivité, de dureté. Il suffit d’écouter New Dawn Fades pour s’en rendre compte. La batterie de Stephen Morris est à la fois très simple mais dégage une impression de puissance sans commune mesure. C’est le cas pour Interzone ou She’s Lost Control. Morris semble frapper comme un sourd sur ses fûts. Day Of The Lords et I Remember Nothing, morceaux évidemment très sombres avec une part de Noisy rock, ouvrent le chemin à Faith et Pornography de Cure, à certains titres de Bauhaus , Sisters Of Mercy ou, dans une certaine mesure, aux Pixies et à Sonic Youth.
Ça fait donc 40 ans que Joy Division a marqué, à tout jamais, l’Histoire de la musique avec un grand H. Factory Records, qui compte, ou a compté, quelques références comme Happy Mondays ou Orchestral Manœuvres In The Dark, a bien vu l’affaire en signant les quatre de Manchester. Joy Divison fut LE premier groupe de Factory. Celui qui apporta aussi rapidement la gloire et une certaine renommée à ce label, jusque là inconnu.
Evidemment, Joy Division a souvent divisé par son nom. La « Division de la Joie» était la partie des camps de concentration où était organisé l’esclavage sexuel. Curtis a toujours affirmé avoir choisi ce nom après avoir lu le roman The House Of Dolls, et parce que le nom était facile à retenir et ambigu. Une sorte de provocation, comme il y en avaient beaucoup à l’époque. Certains punks n’hésitaient pas à se balader avec des insignes nazis ou des brassards avec une svastika. La provocation poussée à l’extrême. Le malsain aussi.
Aujourd’hui 21 juin, Unknown Pleasures ressort. Le seul album publié du vivant de Ian Curtis, qui a eu la putain d’idée de se pendre à cause d’une dépression accentuée par des antiépileptiques et d’une harassante tournée de plusieurs mois, renaît aujourd’hui.
Comme un signe, le disque, déjà sorti chez nos potes british, s’est classé directement N°1 du TOP 10 Outre-Manche. Il n’avait atteint que la 71ème place des charts en août 1980. Il est considéré aujourd’hui comme un des plus grands albums anglais de tous les temps. Seule petite différence avec la version originale, la pochette est blanche, le vinyle est rouge. Certaines éditions sont même accompagnées d’un tee shirt.
Une belle façon de commémorer un des plus grands groupes de la musique anglaise. Preuve qu’on n’oublie pas les légendes. Preuve aussi que la bonne musique a encore de beaux jours devant elle. Une belle idée pour ce jour de fête de la Musique…
Laurent Borde
Joy Division / Unknown Pleasures / Warner Music