C’est un fou de musique qui se fout des formats. Un contrebandier en liberté et toujours en avance d’un mix. C’est un bonheur de Dj. C’est Zébra.
Depuis le temps qu’on nous le dit, de se méfier des apparences. Avec sa bonne mine de garçon sage, on lui donnerait les clés du top 50 sans confession ou la playlist d’une radio sans faire attention, confiant dans le soin qu’il mettrait à ne surtout rien toucher, ni déplacer. On aurait gravement tort.
Le laisser seul avec des disques peut bien au contraire vous causer d’importantes surprises. Comme par exemple l’entendre lui-même donner la réplique à Julio Iglesias sur Vous les Femmes… si, si, il a osé ça. Ou découvrir Joey Starr passer du côté obscur de la force sur la Marche de l’Empire de Star Wars. Forcément, ça intrigue.
C’est qui ce mytho qui tape l’incruste chez Jacques Dutronc dans l’Aventurier ? C’est quoi cette manie de marier les rythmes des uns aux accords des autres et sans leur consentement évidemment ? Notez que s’ils disaient oui, ça pourrait le vexer. Il aime trop la musique, toutes les musiques, pour ne pas avoir envie tout de suite de jouer avec. La permission, ce sera ensuite. Ou pas. On se dit qu’à la récré, on aurait bien aimé le croiser, qu’il devait avoir le sens des chemins de traverse et des sentiers buissonniers. Lui, c’est Antoine Minne mais ceux qui l’aiment l’appellent surtout Zébra, Dj Zébra.
La dernière fois qu’on l’a croisé, on s’en souvient bien. Comment l’oublier. Il était cerné par les binious et les bombardes ! Il y avait même des cornemuses. Zébra avec le Bagad Karaez. Un zèbre chez les Bretons, imaginez ça. Fallait pas le laisser traîner aux Vieilles Charrues !! Une aventure, encore une, qui s’ajoute au tableau jamais fini d’un artiste toujours à l’affût du bon son et qui ne sait pas juste tourner en rond. On évoquait le Top 50, il l’a bien connu. Sauf qu’avec lui, il était question de champignons rigolos, « mangez-moi, mangez moi » qu’ils disaient, et de papier OCB dont chacun sait qu’il ne sert pas tout à fait à dessiner. C’était à l’époque de Billy ze Kick dont il était le bassiste.
« C’est la meilleure école, j’aurais pas pu tomber mieux. En arrivant dans une bande pareille, qui fabrique son disque avec un magnétocassette, un sampler et trois micros… cent balles et encore, cent balles prêtés par le dealer !! (rires)
Ensuite, c’est le talent des chansons qui a permis que ça fonctionne mais comme quoi, avec l’équivalent de 15 euros d’aujourd’hui, tu peux te retrouver deuxième du Top 50 ! Alors le grand discours du « faut aller en studio, je veux signer sur un label » , pfff…
Et quand dix ans plus tard, j’ai commencé à faire des bootlegs, je n’imaginais pas que ça marcherait comme ça. Et d’ailleurs, j’ai pas cherché à en faire des disques. Je me suis dit, à partir du moment où il faut rentrer dans le système des ayants-droit, on va tout perdre. »
La petite musique de l’industrie du disque, il la connaît bien mais il préfère la sienne. Au gré de ses envies, au rythme de ses idées, celle qu’il peut créer dans l’instant. Sans filtres ni intermédiaires.
« Ce qui me plaît dans l’exercice du bootleg, c’est que j’ai l’idée le matin, j’enregistre l’après-midi et le soir, c’est en ligne. Le bootleg, c’est un fantasme de rencontres. Et j’ai la prétention de croire que l’industrie de la musique n’a pas assez d’idées pour réaliser ces fantasmes là. Elle est lourde. Il faut demander des autorisations, moi je ne demande rien à personne. C’est un truc de batard. Je suis un batard de la musique complètement assumé.
Je parle au nom de tous les bootleggers, c’est à dire des pirates qui décident de faire quelque chose qui n’existe pas, on écoute beaucoup plus la musique, plus profondément que beaucoup d’autres. Pour faire ce qu’on en fait, il faut la comprendre entièrement, même dans son histoire.
On développe une expertise qui, d’ailleurs, n’est plus tellement valorisée par l’industrie qui, elle, cherche juste quelque chose de facile à vendre. Nous, c’est pas du tout facile à vendre, il n’y pas de style, pas d’intention commerciale ni de prétention artistique, on prétend rien, on fait. »
Et puisque il faut bien commencer un jour, c’est au Pulp, club fameux du boulevard Poissonnière aujourd’hui fermé, que Zébra a signé ses premiers bootlegs.
« C’était une boîte de lesbiennes. Il n’y avait que des filles qui avaient envie de rigoler. Des excellentes clientes. De toute façon, tout le monde te le dit. Même Laurent Garnier !… Il dit : « Une boîte de lesbiennes, c’est plus ouvert qu’une boîte de pédés ! » Parce que les filles, elles ont envie de s’amuser ! Alors, je leur mettais des mélanges, elles rigolaient avec ça. Donc finalement, elles m’ont encouragé à le faire. »
Encore un peu et bientôt il nous ferait croire que c’est pas de sa faute à lui, mais à cause d’elles qu’il bidouille de génie des chansons qu’on n’écoutera jamais ailleurs que chez lui. Parce qu’à la télé comme à la radio, le garçon fait comme à la maison. Chez Nagui, il débauche Cali qui n’attendait que ça et le fait chanter sur ses relectures de U2 ou des White Stripes.
Les bonnes oreilles se souviennent de ses mix aussi jubilatoires qu’incandescents sur les ondes de Ouï FM, Virgin Radio ou RTL 2. Ceux qui étaient à la Rochelle, un soir de l’été 2010 n’ont pas non plus oublié son tir au but d’ouverture de concert, offrant la victoire au stade Rennais.
Du foot aux Francofolies, il n’y avait qu’un zèbre aussi rayé que perché pour tenter. Comme l’autre soir, à l’Aérosol, spot de nuit éphémère dans le 18é, où avec Dj Prosper, ils ont bataillé tous deux de concert sous les couleurs du Bootleggers United, auxquelles on ne peut que se rallier.
Et c’est sans doute là que se trouve sa vraie signature à Antoine Minne, l’enfant de Ham (pas le bled de Rahan fils de Crao, non, Ham dans le trou de la Picardie mais son trou à lui et c’est lui qui le dit) il ose, il tente. Parfois, il se plante mais il ne regrette rien. Surtout pas d’avoir envoyé le son comme d’autres le bois.
Ingérable, il a usé autant de responsables des programmes que d’attachées de presse. Imprévisible, fantasque, il a plus de cordes à son arc qu’à sa guitare, son vrai nom il le signe d’un Z qui veut dire Zébra. Et aujourd’hui plus qu’hier, rien, plus rien ne l’arrête.
O.D
Et maintenant que vous avez lu, écoutez donc Antoine Zébra Minne Ici