Ce lundi, s’ouvre la 69é édition du festival d’Anjou dirigé par Briançon. Du théâtre pour tous, du théâtre partout. À Angers, l’été sera beau.
C’est avec Rabelais, cette « canaille exquise » comme le qualifiait la Bruyère, que va s’ouvrir lundi soir à la nuit tombante, au beau château du Plessis Macé, le 69é festival d’Anjou, prometteur numéro. Rabelais, un vrai et beau spectacle de troupe monté en son temps par Jean-Louis Barrault et qu’Hervé Van der Meulenmet aujourd’hui en scène. Voilà qui commence bien.
Et la suite est tout aussi alléchante. En piochant comme ça au hasard de la programmation, on croise Edmond, la nouvelle création d’Alexis Michalik, la raison d’Aymé d’Isabelle Mergault avec Gérard Jugnot ou encore le Livre de ma Mère d’après Albert Cohen mis en scène par Dominique Pitoiset avec Patrick Timsit. On retrouve Inconnu à cette Adresse, le chef d’oeuvre de Kathrine Kressman Taylor, mis en scène par Delphine de Malherbe avec, ici, Jean Benguigui et Stéphane Guillon. On entend déjà Depardieu, accompagné au piano par Gérard Daguerre, chanter Barbara. On entrevoit la Nuit des Rois du grand William mise en scène par le jeune et prometteur Clément Poirée. Et on se réjouit à l’avance du débat Mitterrand-Chirac que Jacques Weber met en scène et va nous faire revivre aux côtés de François Morel. Que du bon à venir. Que du chouette, en somme. Et on ne vous dit pas tout non plus. Laissez-vous cueillir.
Cette année encore, c’est l’acteur-comédien-metteur en scène Nicolas Briançon qui régale. Lui qui assure la direction artistique du plus vieux festival théâtral d’été après Avignon depuis maintenant quatorze ans, avec toujours le même bonheur gourmand et le même goût revendiqué pour la découverte et l’éclectisme.
« Le festival d’Anjou est ouvert à toutes les formes de théâtre. Je peux programmer des grands spectacles du théâtre subventionné ou des grandes pièces de Boulevard. Du théâtre musical, des jeunes compagnies, des classiques comme des oeuvres contemporaines, je peux programmer ce que je veux. Je ne suis pas tenu à un diktat quelconque ni à une obligation qui serait celle de la modernité ou au contraire celle de la tradition. J’ai une liberté totale. Et je ne me laisse guider que par le plaisir. celui de voir tous ces spectacles. Parce que mon plaisir de spectateur me porte tout aussi bien chez les uns que chez les autres. »
Pour Nicolas Briançon, cette édition sera l’avant-dernière. C’est Jean-Robert Charrier qui dirige le théâtre de la Porte Saint-Martin qui lui succèdera. Comme il avait lui-même assuré la relève après Jean-Claude Brialy.
« Je voulais partir quand tout allait bien. Et transmettre à mon tour un festival en pleine forme, et financière et en terme de public. Comme Jean-Claude l’a fait. La meilleure chose qu’il m’ait transmise, c’est sa confiance. Il n’a pas fait du tout de paternalisme à ce moment là. Il m’a dit « Tu sais quoi ? Tu vas t’en occuper ! » C’est d’ailleurs avec ce festival que j’ai quasiment commencé ma vie de comédien. J’y ai joué en 1987, Jean-Claude le dirigeait depuis deux ans, dans Bacchus de Cocteau et dans laquelle jouait Jean Marais, dont j’étais l’assistant. Je me souviens de notre première rencontre, chez lui à Montmartre. Après un quart d’heure, il m’avait montré ses maquettes du décor, il me dit (imitant Marais à la perfection ) « Bon mais, ça t’amuserait de jouer le rôle ? » J’ai dit oui, il m’a dit « Bon ! Ben comme ça, ça m’évite de chercher ! » (rires)
Et quand on pose à Nicolas Briançon la question de savoir ce qui d’une saison à l’autre a pu parfois le tourmenter, le choix des oeuvres, des spectacles, des jeunes compagnies, qu’il a par ailleurs largement contribué à mettre en avant, en ayant l’idée d’un prix qui leur serait dédié, son esprit vagabonde là-haut dans les nuages.
« La grande question ? C’est la météo !! (rires) Le premier truc que tu fais le matin quand tu te lèves, c’est de regarder le ciel. Parce que, ce qu’on redoute, c’est pas tant les averses, on peut jouer sous la pluie évidemment. Mais quand tu as 1400 personnes sur les gradins et qu’on t’annonce des orages avec des impacts de foudre… euh… qu’est-ce que tu fais ?? Donc, ma vraie première angoisse c’est la météo ! Et c’est très changeant du côté d’Angers (rires). Après, l’autre angoisse, c’est parfois certains acteurs. Dont un que je ne citerai pas, qui te dit à 17 heures qu’il ne jouera pas parce qu’il entend une moissonneuse-batteuse à trois kilomètres de là ! (rires) Mais c’est assez rare. Le plus préoccupant, oui, c’est le temps. »
C’est sans doute aussi pour cette autre raison que le festival d’Anjou conserve toute sa singularité et peut surprendre jusqu’aux plus habitués. La façon dont il compose parfois avec le ciel et ses humeurs. Un pas de deux, un mano à mano qui ouvre parfois sur des moments de grâce. Comme si la nature, espiègle et inventive, se mettait elle-aussi à jouer son imprévisible partition. Briançon se souvient ainsi de Michel Bouquet dans son monologue de l’Avare, se couchant dans une flaque, le sol était trempé, jouant avec l’eau. Ce que Molière n’avait pas forcément prévu. Ou d’un Richard III sous un ciel de fin du monde, donnant au classique de Shakespeare une dimension fabuleuse. Ou encore du Roi Lear avec Michel Aumont et de cette brume de chaleur qui, sous la lumière des projecteurs, avait apporté une incroyable magie.
Le festival d’Anjou ou le bonheur simple et rare du théâtre comme aux premiers jours de son histoire. Quand il se vivait et se partageait en plein air et sous les étoiles. Une aventure artistique, humaine et collective dont la persistance témoigne de l’absolue nécessité, aujourd’hui comme hier, en 2018 comme en 1950, de se retrouver à la nuit tombée, entre bien vivants. Vous avez jusqu’au 30 juin.
O.D
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