Auteur et parolier, Francis Basset connaît la musique et au minimum toutes les chansons. Ses souvenirs, ses humeurs. Bonheur pur Collector !
Dylan, but Why ??
Samedi 13 avril, je suis allé voir Bob Dylan au Grand Rex. J’y suis allé avec dans l’âme et la mémoire tout le packaging de ses chansons magiques qui ont jalonné ma vie : I want You, Subterranean Homesick Blues, Just like a Woman, The Story of the Hurricane et tant d’autres merveilles. Il n’en a interprété aucune en deux heures.
J’ai reconnu au texte à un moment donné, Like a Rolling Stone, tellement transformée, « modernisée », que c’était une autre chanson. J’étais venu pour être bouleversé, pour tout lâcher à la nostalgie, pour me faire baiser par la mélancolie mais rien de tout ça. J’ai vu pendant deux heures une touffe de cheveux blancs derrière un clavier aligner des titres que je ne connaissais pas, accompagnée par des supers musiciens certes, mais c’est pas ce que j’étais venu voir.
Y’en a beaucoup de super musicos. Moi j’étais venu voir Bob Dylan m’interpréter au moins deux ou trois de ses chansons mythiques, mais non. Pratiquement que du rock blues sur trois accords, des martingales convenues avec des chorus, des trucs que j’aurais pu voir n’importe où, dans n’importe quel concert. Je m’en branle des impros rock blues. Je voulais du Bob Dylan. A chaque fois qu’un morceau se terminait je me disais : « Bon maintenant, il va me balancer un repère, au moins un Knock on the Heaven’s Door, It’s all over now Baby Blue, Girl from the North Country… » Je ne demandais pas qu’il tapine jusqu’à Mister Tambourine Man ou Blowing in the Wind mais un minimum quand même.
Qu’est-ce qu’ ils ont tous ces géants à éviter soigneusement leurs hits en concert ? Ils s’en lassent depuis le temps ? Pas nous ! On s’en branle qu’ils soient blasés de leurs chansons. Je ne dégueule pas 150 euros pour aller voir du rock sur trois accords. Même avec des super musicos. J’ai voulu voir Dylan et j’ai pas vu Dylan. J’ai vu des jeunots qui jouaient bien de leur instrument mais je m’en bats les burnes.
Ce samedi, j’ai pris conscience du temps passé, de mon aigreur, de la vacuité des êtres et des choses, de ma jeunesse enfuie, et que quitter la scène de cette existence sera, somme toute, une délivrance logique et bienfaisante. La vie est bien faite finalement. Elle arrive toujours à se démerder pour qu’on ne la regrette pas.
Bien sûr ce n’était qu’un concert. Mais c’était Bob Dylan, merde!
La Cigale, elle a fourni !
Un slogan de l’économie de marché dit en gros qu’il faut être « utile au Profit ». On pense surtout aux fourmis à cet énoncé. Pas aux cigales qui ne foutent rien, chantent tout l’été au club Med et se trouvent fort dépourvues quand la bise fut velue. Surtout celle des grand-mères qui piquent et des Portugaises. Voire même, des grand mères portugaises.
Et pourtant…Les petites cigales song- writers par exemple. Qu’on voudrait voir abandonner leurs droits d’auteur. Parce que hein, déjà qu’elles sont heureuses d’écrire des chansons, elles veulent quand même pas du pognon en plus ! (Faudrait aller à la commission européenne et leur dire: « Eh, les enfants, vous avez la chance de rayonner à la commission européenne, vous ne voulez pas EN PLUS vous griffer 20 000 euros par mois ! » Soyez logiques.) Eh ben la petite cigale aussi a été utile au Profit. Y’en a eu des tubes qui ont fait se goinfrer les multinationales.
Je me propose donc de rajouter une fable à celle de Jeannot of the Fountain : la cigale elle a fourni.
Il n’est pas lourd, c’est mon Frère
Des chansons ont jalonné ma vie et leur message revient régulièrement me guider, m’appuyer, comme une philosophie, une ligne à observer. Ce sont le plus souvent des chansons américaines ou anglo-saxonnes. Eux n’ont pas peur de ce bon sens un peu naïf, pas peur d’asséner une expérience de vie avec des images simples.
Je citerai les paroles de My way de Paul Anka, où le type dit, dans le dernier virage de sa vie et en se retournant sur elle, qu’il a voyagé, qu’il a eu des amis, qu’il a aimé, qu’il en a bavé mais qu’au bout du compte, il ne regrette pas son parcours parce que personne ne lui a dicté son plan de route et que l’important était qu’il fasse les choses à sa façon. Et c’est là l’essentiel. « I did it my way« .
La chanson de James Brown aussi, Man’s man’s world, m’a épaulé : L’homme a inventé des voitures, des trains pour tout transporter, des bateaux, l’électricité, l’argent pour tout acheter et acheter les autres hommes, mais sans l’amour d’une femme tout ça n’est rien, tout ça est vain, nul et non avenu.
Évidemment je pense à toi mon amour quand cette chanson resurgit. Et quand tu me dis que c’est merveilleux et incroyable que je te « pardonne tout », ce que tu crois être des bourdes ou des erreurs, je n’ai pas l’ impression d’être magnanime, dans le plasma d’amour dans lequel je baigne. C’est un délicieux brassage de toi où il n’y a pas une « faute » ou un manquement qui vient surnager à un moment donné.
Si ça arrive que tu « »dérapes », je ne le sens pas. Je pense alors à la chanson des Hollies « He ain’t heavy« :
« The road is long/but I am strong
He ain’t heavy he is my brother »
Cette idée du mec qui porte son frère dans l’âpreté de la vie et qui le trouve lèger comme une plume, pour la raison simple et évidente que c’est son frère, est magnifique.
Et toi mon amour, quoi que tu fasses de glauque, d’inavouable, de culpabilisant, ça ne me pèsera jamais. Je ne sens pas le poids de tes fautes, de tes transgressions, de tes années. Tu es mon amour dans cette insoutenable légèreté de ton être. Pour ne pas citer Kundera.
Il n’y a que moi de lourd du poids de mes années dans le regard de ceux qui comptent pour toi.
Francis Basset