L’été prend ses quartiers. Les terrasses affichent complet. Entre deux verres, playlist choisie et chansons de circonstance. Open bar !
Alléluia ! Et même hip, hip, hip, hourra ! Nous sommes enfin libres !… Ou presque. Plus de masque en extérieur, plus de couvre-feu… À vrai dire, on n’y croyait franchement plus ! La première de nos libertés a été le plus souvent de retrouver le chemin des terrasses. Et comme vous, on a bien aimé ça.
Pouvoir à nouveau s’arsouiller gentiment en totale discrétion, accoudé au comptoir ou assis au fond d’une salle, derrière un poteau, entouré de jolies boutanches de toutes les couleurs… Ça faisait si longtemps. À peu de choses près, on se serait crus presque revenus aux belles heures de la bamboche. Mais le saviez-vous ? Le beau geste du lever de coude a inspiré beaucoup d’artistes. Si, si.
La preuve avec AC/DC. Le 19 février 1980, Bon Scott, pochetron patenté et accessoirement chanteur du groupe australo-britannique, est retrouvé mort, asphyxié dans son propre vomi après une soirée bien allumée passée à Londres. Il n’a alors que 33 piges.
Quelques mois plus tard, AC/DC décide lui rendre hommage avec un sublime album intitulé Back In Black, enregistré avec un nouveau chanteur nommé Brian Johnson. Le disque connaît un succès fulgurant, notamment grâce à des morceaux comme Hells Bells, You Shook Me All Night Long, ou Back In Black.
Un morceau attire plus particulièrement les cages à miel : Have A Drink On Me. Ce titre, comme la plupart de ceux figurant sur le disque, est un véritable hommage au chanteur disparu. Sa signification, en gros : «C’est ma tournée». Du sur-mesure pour Bon Scott.
À cet égard, le batteur Phil Rudd, ou Malcolm Young, aujourd’hui disparu après avoir souffert de démence, n’étaient pas non plus les derniers pour faire péter les bouchons. Les membres du groupe aux plus de 200 millions d’albums vendus se sont bien calmés au fil du temps, mais de là à dire qu’ils sont totalement sobres, rien n’est moins sûr…
Autre chanson qui donne envie de s’en jeter un, Cold Gin. Écrit dans le métro new-yorkais par le guitariste Ace Frehley en 1973, le morceau sort sur le premier album de Kiss en 1974. Contrairement à l’impression générale, qui veut que Cold Gin parle d’un couple qui se bourre la gueule pour éviter toute relation toxique, le titre évoque en fait une personne pauvre souffrant d’alcoolisme et de la solitude.
Devenu un classique, malgré la gravité du sujet, le morceau donne tout de même envie de picoler dès qu’on l’écoute. Côté musical, en revanche, le quatuor ne s’est pas trop foulé puisque le gros riff de guitare a largement été pompé sur Fire And Water, morceau du groupe anglais Free sorti en 1970. Très apprécié des fans du groupe masqué à talonnettes compensées, Cold Gin est toujours joué par le quatuor américain. Depuis son départ de Kiss en 1982, Ace Frehley reprend lui aussi le titre en version acoustique lors de ses concerts solo.
Du côté de la chanson française ou francophone, nous ne sommes franchement pas en reste. De Serge Gainsbourg à Jacques Brel, en passant par Georges Brassens, Christophe Miossec, Renaud, ou le québécois Jean Leloup, tous ont chanté l’alcool et expérimenté la picole.
Celui qui chante le mieux la chose, c’est sans doute Boris Vian. Je Bois n’est pas une simple chanson, c’est un chef-d’œuvre. Le poète, chanteur et musicien, incarne la souffrance. Ce morceau si sombre, il le vit. Le texte évoque une évidente tristesse, la solitude malgré une vie mondaine bien remplie, et la détestation de soi qui peut pousser jusqu’à l’acte ultime et définitif. Mieux encore, il nous la fait vivre. On ressent totalement tout son mal-être. Là encore, dès les premières notes de la chanson, on n’a qu’une envie : vider une bonne bouteille pour se mettre une mine mémorable.
Certains bobos winners startupers à barbe de trois jours, avec jean troué au genou et baskets blanches aux pieds « pour faire cool », diront que ce titre est un truc de réac’ et que ça ne vaut rien comparé à ce que peut faire Daft Punk. Oui mais non… Il n’y a pourtant pas de dilemme possible. Entre deux joueurs de Bontempi sponsorisés par Honda et un génie indéniable qui a marqué l’histoire de la musique, le choix est vite fait. Boris Vian est inégalable. C’est ça qui est bon. À la vôtre !
On aurait pu aussi parler de Vincent Niclo, Céline Dion, Mireille Mathieu, Vianney, Grégoire, Kanye West, Justin Bieber, ou encore Shakira… Mais on serait tombé dans l’excès. Parce qu’il ne faut pas beaucoup mais énormément d’alcool pour les supporter. Ou les accepter !
Laurent Borde