Camille contre Claudel : la voix d’une femme libre qui rêvait d’absolu

Camille contre Claudel-une-Paris Bazaar-Marion

Avec Camille contre Claudel, Hélène Zidi retrace la vie de la géniale sculptrice et compose un hymne sensuel et vibrant à la liberté. Une histoire d’hier, un combat d’aujourd’hui.

C’est une vieille femme qui sort de l’ombre. Un masque de rides et de tourments sur un visage qui pourtant a dû sourire à la vie, à l’amour, et s’ouvrir à la lumière du jour mais il y a longtemps. C’est la voix au timbre abimé d’une âme en souffrance qui nous parle de ce qu’elle subit et de ce qu’elle a enduré. Depuis toutes ces années, au moins une éternité, qu’elle vit ici. Enfermée chez les fous. Condamnée à l’enfer perpétuel, elle n’est plus du monde des vivants, elle n’appartient pas encore tout à fait au royaume des morts. Elle a tellement aimé, elle a encore tant à dire. C’est elle. C’est Camille Claudel.

On l’a jugée folle à lier, on l’a emmurée vivante mais ce soir, elle se souvient de tout. Elle remonte le cours de sa tragédie et revoit celle qu’elle était dans la magnifique déraison de ses vingt ans. Nous la voyons aussi. Incarnée par Lola Zidi, belle, talentueuse, insoumise et amoureuse. Va se nouer alors entre cette Camille d’hier et celle qu’elle est devenue, magie du théâtre et force du texte d’Hélène Zidi, un incroyable dialogue, beau et surréaliste, qui nous dira qui elle était vraiment et de quels feux ardents elle s’est lentement consumée. Un voyage au bout de sa vie, jusqu’au début de sa nuit, qui ne laisse ni indemne ni en paix le spectateur pris à témoin.

« C’était une précurseuse. Une femme libre, entière, intègre dans sa vie comme dans son travail, raconte l’auteure comédienne et metteuse en scène Hélène Zidi,  j’ai eu la chance de pouvoir toucher ses sculptures, on sent toutes les vertèbres, c’est absolument fascinant ! Elle est au plus près de la vérité tout le temps ! 

J’aime son caractère. Elle va jusqu’au bout. Elle a aimé comme une folle. C’est une passionnée, quelqu’un qu’on ne muselle pas, qui dit les choses tout haut même si ça ne plaît pas, qui n’est pas politiquement correcte pas plus qu’elle ne se laisse acheter… J’adore cette femme pour tout ça et tout ce qu’elle représente. » 

Camille contre Claudel-Hélène Zidi-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

Amoureuse d’un homme de vingt-quatre ans son aîné, esprit libre dans une société corsetée de règles et de principes, femme dans un monde verrouillé par des hommes, artiste géniale et visionnaire qui bousculait les gardiens du temple, elle était tout ça à la fois, l’aînée des Claudel. Et c’est ainsi qu’Hélène Zidi a choisi de nous la montrer.

« Je ne crois pas à la théorie de la folie de Camille Claudel. Je crois plus à une Camille parano. Mais enfin, on le serait à moins que ça, parce que franchement ils s’y sont tous mis !  Aujourd’hui, on ne l’enfermerait pas pour ça. À l’époque, on enfermait beaucoup trop facilement. 

Et puis ce qu’il faut savoir c’est qu’il y avait deux génies dans une même famille. On a souvent deux couillons (rires) mais deux génies, c’est moins courant. Elle s’est retrouvée face à un frère plus consensuel, qui convenait beaucoup plus à leur mère qui était très conservatrice et qui a d’ailleurs dû s’étouffer de rage quand Camille a invité un dimanche à la table familiale son amant et la compagne de celui-ci ! À la mort du père, tac, ils l’ont fait enfermer. Et ils ont coupé tous les ponts.

Ensuite, quand les gens sont séniles, Alzheimer ou schizophrènes à ce point-là, ils ne vivent pas si vieux. Ils meurent assez précocement de leur dégénérescence. Comment expliquer, si elle était aussi folle qu’on a bien voulu le dire, qu’elle soit restée vivante jusqu’à 79 ans ? En outre, dans des conditions de vie épouvantables ?! »

Camille contre Claudel, ce sont les deux voix d’une même femme à deux âges de sa vie portées chacune par Hélène et Lola Zidi, une mère et sa fille. Une rencontre comme une mise en abyme.

« Je voulais écrire sur Camille Claudel mais je ne trouvais pas l’angle d’attaque. Un jour, j’ai regardé Lola. On se ressemble beaucoup. Je me suis dit : « Oh là là… qu’est-ce que je dirais à la jeune fille de vingt ans que j’étais, avec tous ses espoirs sur les hommes, sur l’amour ? Sur le théâtre, sur ce métier, ce milieu qui a des codes particuliers, comme dans la sculpture ? Où est-ce que j’irais me prévenir ? Est-ce que je referais la même chose ? »… Là, j’ai su que j’avais trouvé.

Cette pièce représente beaucoup pour moi. Ça a du sens de parler de Camille que je respecte infiniment et en qui je me reconnais et ça a du sens de jouer avec ma fille. C’est un beau cadeau d’être avec elle… (silence ému)… je trouve que c’est fort ! »

Camille contre Claudel-Lola Zidi-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

« J’ai toujours rêvé d’interpréter Camille Claudel, confie Lola Zidi. Comme elle, je suis une grande amoureuse (sourire). C’était un génie. Elle était passionnante et d’une grande modernité. C’est aussi une femme qu’on a fait taire, il fallait lui redonner la parole ! Elle était une femme dans un milieu d’hommes… comme nous le sommes nous-mêmes encore aujourd’hui. Donc, l’histoire date mais elle est en même temps très actuelle. 

Et puis, le rôle est magnifique. Hélène a écrit une pièce absolument incroyable ! C’est un exutoire pour moi. Je me sens à ma place. Je me sens bien. Elle me répare, Camille. Ça me permet d’être beaucoup moins chiante dans la vie (rires). C’est une chance ! »

Omniprésent tout au long de la pièce, celui qui a tant compté pour Camille Claudel et à qui elle a tout sacrifié, sa jeunesse comme ses espoirs, Rodin. L’ébauche de son buste fait figure de troisième personnage. Et c’est Gérard Depardieu qui, à la demande d’Hélène Zidi, a tout de suite accepté de retrouver celui qu’il incarnait en 1987 dans le si beau film de Bruno Nuytten, en lui prêtant sa voix sans contrepartie aucune. L’élégance généreuse des grands.

De son aube lumineuse et prometteuse jusqu’à son crépuscule amer et révoltant, une femme trop libre pour son temps renaît donc aujourd’hui par la volonté de deux autres femmes qui ont choisi de lui redonner son souffle, sa voix, sa dignité en somme. Un moment fort. Un instant rare. Qui certes n’est que du théâtre. Qui surtout n’est que justice.

O.D

Camille contre Claudel, une pièce écrite et mise en scène par Hélène Zidi.

Avec Lola et Hélène Zidi, et la voix de Gérard Depardieu.

Jusqu’au 9 février au théâtre du Roi René à Paris.

Il a ouvert ses portes en mars 2017, découvrez à votre tour le musée Camille Claudel à Nogent sur Seine.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

VOUS AIMEZ ? REJOIGNEZ-NOUS ET ABONNEZ-VOUS !

DÉCOUVREZ MAINTENANT