Dans les Yeux de Totto Chan : « Mulholland Drive »

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Psychologue, psychanalyste, Totto Chan propose son regard de femme sur le cinéma, sur l’amour et le désir qui animent le cœur des plus grands réalisateurs. Aujourd’hui, David Lynch et Mulholland Drive.

“A love story in the city of dreams”…

Mulholland Drive est un thriller psychologique, américano-français écrit et réalisé par David Lynch, sorti en 2001. Il obtient le prix de la mise en scène au Festival de Cannes la même année et l’Oscar du meilleur réalisateur l’année suivante.

Écrit et réalisé initialement en 90 minutes pour servir de pilote de série télévisée, le projet n’emporte pas l’adhésion. David Lynch décide alors d’un faire un long-métrage de 147 minutes et reprend ainsi la main sur son histoire.

À Hollywood, Rita, qu’interprète Laura Harring, superbe brune aux pommettes saillantes et aux lèvres pulpeuses, devient amnésique suite à un terrible accident de voiture, en pleine nuit, sur la route de Mulholland Drive. Elle fait la rencontre de Betty, magnifique Naomi Watts, tout en tendresse, une actrice en devenir qui vient juste d’arriver à Los Angeles. Aidée par celle-ci, Rita tente de retrouver la mémoire ainsi que son identité. 

Cet immense film, à l’abord énigmatique, enveloppé d’une musique envoûtante composée par Angelo Badalamenti en tandem avec David Lynch, s’appréhende comme une rêverie éveillée, d’allure cauchemardesque et délicieusement déroutante. David Lynch aime jouer avec nos perceptions, brouille les pistes, se moque des frontières du temps et de l’espace.

Aucune interprétation univoque n’est possible. Chaque petite scène peut être close sur elle-même et s’ouvrir sur une perception onirique, psychanalytique, polysémique. En effet, le rapport au rêve et à l’inconscient traverse le film de part en part, et renvoie le spectateur, dérouté, à ses propres désirs et réminiscences pulsionnelles. 

Rita la brune/ Betty la blonde, deux visages pour une seule femme. L’une en quête d’identité, l’autre en quête d’amour et de reconnaissance, évoquent le célèbre film d’Ingmar Bergman, Persona, avec le thème de l’ambivalence amoureuse entre deux femmes, qui n’est autre que la question du double imaginaire féminin, vu par un homme, à la fois lumineux et obscur. 

Dans Mulholland Drive, ces visages aux contours physiques parfaitement opposés, chevelures brune/blonde, s’estompent puis se superposent pour ne faire qu’un. Celui d’une seule femme blonde. 

David Lynch, en amoureux des femmes et de leurs corps, nous livre ici une réflexion sur le rêve comme renversement poétique de la fragilité et de la violence faite aux femmes. Elles retrouvent ainsi dans le rêve leur puissance créatrice et leurs désirs charnels, unissent leur solidarité de femmes face au monde brutal des hommes. 

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Malheureusement, la réalité mélancolique rattrape bientôt ces deux femmes, amies dans la rêverie éveillée mais qui redeviennent dans la réalité des ennemies rivales, au point de succomber violemment l’une après l’autre, piégées dans l’illusion mortifère du mythe hollywoodien. 

Car, au-delà de cette terrible “love story in the city of dreams” comme aimait l’appeler David Lynch, le cœur du film est une critique au vitriol adressée au système patriarcal hollywoodien, qui broie la créativité des réalisateurs et humilie les actrices, en renvoyant chacun au « Silencio ». 

Là est sans aucun doute le vrai message du film, qui en fait une œuvre hautement politique et profondément subversive. 

Totto Chan

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