Dans l’Isba de Boris : « C’est toi, Ticky ? »

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Londonien et Parisien, il est auteur, acteur et parolier. Il est l’homme aux mille chansons. Il s’appelle Boris Bergman. Et souvent, il se souvient…

Pas besoin de frapper, la porte est ouverte.
Il paraît que j’écoute mon rock’n’roll à trop grande écoute… alors je n’entends pas les amis quand ils se posent sur le sofa.

Magique…

-« C’est toi Ticky ?… Bien… À droite sur l’étagère, oui c’est ça… Entre la statuette d’Astro Boy et la tronche de Buddy Holly dessinée par Guy Pellaert… Tu vois ?… T‘arrives à lire le proverbe du jour ?… : Celle qui s’assoit sur le nez de Pinocchio le pousse au mensonge. » À dire avec l’accent chantant de Ticky Holgado bien sûr.

Mon Ticky que j’ai revu un jour avant que l’autre saleté à la faux t’emmène de l’autre coté du miroir sans François Perrier, sans Maria Casarès…

Claude Lelouch te sourit… Il sait que tu vas tout donner.
Il te fait signe que tu peux y aller.
Tu auras joué le rôle de Dieu deux fois. La première et la dernière.

©Jean-Marie Marion

Petit soleil d’hiver sur le panneau à l’ancienne de cette galerie des Champs.
On peut y lire : « Éditions tro Essex – Éditions musicales. Fond du couloir à gauche » . Pas d’ascenseur, 3é étage gauche. Je suis en retard. Jacques Poisson, le D.A de l’édition va me faire les gros yeux et puis il m’annoncera qu’Harold Leventhal, l’homme qui a découvert Dylan, s ‘il vous plait, a demandé au dit D.A si je serais d’accord pour traduire les chansons de Pete Seeger,  à ses cotés, sur la scène de l’Olympia. Mon premier Olympia.

Sortent du bureau de Mr Poisson, tendre version bordelaise du Major Thompson, les membres du groupe Martin Circus avec Gérard Blanc en tête. Derrière la porte, Jacques Poisson s’entretient avec le manager du groupe. Le manager a l’accent qui sent bon la garrigue. Il sort à son tour, se présente :

– « Bonjour Boris, je m’appelle Ticky Holgado… pour toi ce sera Ticky. »

Comment savoir que quelques mois plus tard , au mois de juin 73 je crois, Ticky aux cotés de Denise Glaser m’encouragera du 2é rang du balcon de l’Olympia. En bas, Pete Seeger et moi. Ça sonne bien non ? Je lui arrive a hauteur de banjo. Ticky me dira plus tard qu’il a pensé en nous voyant à « Junior et George », les deux ours du dessin animé …

À partir de ce jour, nous allons faire plus que nous croiser. Car même si je ne l’accompagne pas régulièrement dans ses descentes et montées nocturnes, le fil rouge est solide et pas prêt de casser.
Brenda Jackson, encore un ange disparu, alors en charge des courts métrages et des clips à Canal me donne des sous pour réaliser un clip pour Isabelle Périlloux.

Nous dévalisons un magasin de farces et attrapes.
Les oreilles de l’éléphant, Jean-Pierre Kalfon, seront confectionnées à base de sacs poubelles.
Paul Ives portera pour son plus grand plaisir les oreilles de Mr Spock.
Ticky, en costume de langouste, sera l’ arbitre d’ un match de boxe entre deux kangourous.
Le premier s’appelle Rufus et le deuxième, Thierry Frémont.
Dans les dernieres minutes de ce clip musical, Ticky finit écrasé par le chariot travelling de la caméra.

Ticky va ensuite tenir le rôle principal de l’Enfant au Trapèze, l’un de mes courts métrages. C‘est la belle de partout Thérèse Liotard qui lui donne la réplique.

En… ? C’était quand ?… Je ne sais plus mais ensuite, Ticky me coache pour le rôle du vilain réalisateur de pub… je suis sûr qu’il y en a de gentils. Je dois alors partir dans un mois à Montréal et je ne veux pas décevoir le réalisateur, Denys Arcand. Le Ticky qui se connaît bien, me chuchotera :

-« Toi et moi, Boris, avons des visages en caoutchouc… Alors quand tu es en gros plan , ne fais rien… Dans notre cas, ne rien faire c’est en faire beaucoup. »

-« Merci pour le conseil, Ticky… Je suis pas prêt de l’oublier… »

Nous allons à l’occasion écrire des scenarii pour des films qui ne verront jamais le jour. Mais au nombre de fous rires et de calumets, le jeu en valait la chandelle.

La tienne, tu l’as brûlée par tous les bouts avec tendresse, application, en sachant que le crabe n’était pas loin… Il se frotte les mains, le salaud ! Mais Ticky s’en fout. Il fourmille d’idées. La mort attendra.

Ce vieux chat de Guy Pellaert allait pour sa septième vie redonner un visage à Pravda la Survireuse. Jacno était en studio, et allait nous sortir une jolie perle rock’n’roll. Sylvain Krief, tout en laine polaire, avait déjà son billet Montréal-Paris pour nous refaire un peu de Jazz au New Morning. Francis Lai venait de poser sa voix sur notre chanson. La dernière. La moissonneuse au sourire désagréable est venue les faucher. Comme ça, sans prévenir…

À bientôt, veilles canailles.
Albatros saltimbanques, on vous coupe les ailes trop tôt.
Et que font ces deux points rouges au coté droit de votre cou ?

Dans l'Isba de Boris-Ticky Holgado-2-ParisBazaar-Boris Bergman-Marion©Jean-Marie Marion

Ça fait du mal et ça fait du bien d’évoquer le Ticky par une journée où je me l’imagine jouer aux échecs avec le dabe, le mien, tout en se faisant allumer le pétard par le diablotin de service. Les flammes, l’enfer n’en manque pas. Et puis, ça doit être plus marrant que le paradis.

Si tu vois Marcel (Proust ), dis-lui qu’il avait raison : «Le comble de l’intelligence reste encore la bonté».
Nous en parlerons tout à l’heure dans mes gogues…

C’est là que je te parle tous les jours Ticky…

Et en plus, tu me réponds.

Boris B

3 thoughts on “Dans l’Isba de Boris : « C’est toi, Ticky ? »

  1. Ticky Holgado…
    Un coeur sur pattes…
    Drôle, tendre, généreux…
    Je l’ai connu lorsqu’il était manager de Martin Circus que nous suivions à l’époque avec une copine, en stop !!!…
    Il était avec nous comme un grand frère, d’une gentillesse délicieuse…
    Ça fait du bien d’entendre parler de lui de cette façon…
    Merci, Monsieur Bergman !!!

  2. Savoir parler de ceux que l’on a aimés, que l’on aime, juste pour leur donner encore un peu d’amour, n’est pas donné à tout le Monde…
    Merci Monsieur BERGMAN pour ce partage « gratuit » qui n’enrichit que ton affect !

  3. Je n’ai jamais rencontré Ticky Holgado mais apparemment il représentait une certaine folie, une bienveillance, une insouciance liée aux années soixante et merci à Boris Bergman de nous livrer ces jolis souvenirs !

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