Avec Douze, la jeune romancière Dot Pierson raconte le chemin d’une femme vers sa liberté. Un manifeste porn et rock, sensible et cru. Irrésistible !
Elle sait cueillir son lecteur, Dot Pierson.
« J’ai eu des hommes plein mon lit, plein ma vie. Des hommes plein les pattes, souvent de manière inadéquate. Des hommes en pagaille, parce que j’aime bien ça. Mon corps est un choc esthétique, un appât du gain, un lâcher-prise aux milles attaches, l’arme de deux mains. On m’a aimée souvent et férocement. Forcément. Mais pas toujours à propos. »
C’est ainsi, au deuxième paragraphe de son prologue, que s’ouvre Douze, son premier roman. En douze étapes, autant de rencontres marquantes et singulières, Douze raconte l’histoire d’une femme d’aujourd’hui. De ses premiers émois à son éclosion, le récit ardent et sincère de son chemin vers la découverte de son corps et de son propre plaisir. On n’avait pas croisé de plume aussi libre de dire depuis longtemps. Peut-être depuis Vanessa Duriès, même si on pense parfois aussi à Virginie Despentes.
Dot Pierson n’élude rien, pas plus qu’elle ne met de filtre. Ses seins, son ventre, son cul « pratique et praticable » , les garçons qui baisent « dans la fureur » , leurs « queues prêtes à foutre » , elle écrit serrée, au plus près des corps qui exultent. Ses amants sont beaux ou pas, propres sur eux ou déglingos, ils la font danser, ils la mettent à genoux, la font trébucher, l’égarent, la perdent. Elles les a tous désirés et aimés certains plus que d’autres, même qu’elle en a bavé parfois. Elle s’est offerte, elle s’est donnée, mais elle a pris un peu de tous. Et appris, surtout. Jusqu’au jour où, enfin, elle s’est trouvée. C’est drôle, bandant et généreux, cash et sensuel. Comme elle.
« J’ai commencé ce livre il y a plus de dix ans. J’avais commencé par écrire une ou deux histoires, un peu comme un journal intime, et puis je l’avais complètement laissé de côté. J’ai ensuite voulu le reprendre avec une amie, dans le cadre d’une conversation épistolaire, elle a préféré ne pas continuer. Je me suis alors demandée ce que j’allais faire avec cette matière-là.
Par ailleurs, je suis journaliste pour Playboy France, et j’ai proposé à Guillaume Fédou, le rédacteur en Chef, de publier certaines de ces histoires. Il a suggéré de monter plutôt un évènement, j’ai alors imaginé « Douze » comme le livre, un spectacle immersif autour de l’intimité érotique qui a vraiment bien fonctionné d’ailleurs.
Encore avant, en travaillant sur le sujet de l’intimité, j’ai découvert le psychologue comportementaliste Desmond Morris, qui explique que pour que deux personnes réussissent à entrer dans une intimité complète et parfaite, il leur faut passer douze étapes, plus physiques qu’intellectuelles. Il pense aussi que les couples ne peuvent pas perdurer dans le temps, s’ils passent trop rapidement sur certaines.
J’ai donc eu l’idée de construire mon récit autour de ces étapes même si je ne les ai pas toutes suivies à la lettre. Et je me suis rendu compte que toutes ces expériences de vie m’ont permis non pas de découvrir une intimité profonde avec quelqu’un mais avec moi-même ! Je crois que l’important, c’était ça !… Et j’ai encore vachement de boulot, ce n’est que le début !! (rires)
Les hommes qui ont déjà lu lui disent que Douze les raconte bien. Mais si Dot Pierson les décrit dans le vif de leurs désirs, elle dit surtout ce qu’est une femme dans nos années indécises, qui voient s’affronter des élans contraires et bouger malgré tout des lignes qu’on pensait immuables. Elle pense comme d’autres que « la rue n’est toujours pas faite pour les femmes, qu’elle ne leur appartient pas » mais elle veut croire que la redistribution des cartes a déjà commencé.
« On acquiert des droits, des libertés, mais ça reste difficile d’être une femme. C’est une quête de tous les jours. Ce livre raconte ça aussi. J’en ai parlé avec mon éditrice (édition numérique l’Allumette-ndlr), elle pense que Douze est presque un acte politique, qui montre qu’on peut avoir une parole libre sans forcément partir dans tous les sens. C’est cru mais pas vulgaire. C’est honnête.
Ça parle de moments intimes et de moments nazes. De capotes, de règles. De fantasmes et de petites lâchetés… et c’est notre lot à toutes, à tous. Ça dit qu’on a tous beaucoup besoin d’amour et qu’on cherche tous au fond la même chose. On cherche à apprendre à s’aimer. Et ça prend du temps, moi je commence seulement (sourire). Pour me recentrer, je me suis d’abord éparpillée (sourire) mais à force de se donner, on finit aussi par récupérer plein de petits bouts des autres, non ? Et ça finit peut-être par faire un grand tout…
… C’est un peu transgressif, je sais… Quand tu vois ce monde ultra-individualiste, ultra-dur où chacun pense à sa gueule, où tu vois des mecs chercher des meufs et des meufs chercher des mecs sur catalogue… ben ouais, je suis une Hippie, moi (rires) !! En même temps, je suis hyper-old fashion comme fille (sourire) ! Je suis fidèle, je veux un mec, des enfants ! Mais je pense qu’il faut aller au-delà de cet hyper-individualisme…
Il faut communiquer davantage, en fait. Comme entre les hommes et les femmes. J’en discutais avec une amie il n’y a pas longtemps, on parlait de cunnilingus, et on se disait qu’il y a plein de mecs qui ne savent pas faire. Comme nous avec la fellation. Mais le seul manuel, ce serait de se parler, de banaliser cette communication. Je crois en plus que tout se règlerait si tout le monde avait une sexualité totalement épanouie. Il n’y aurait plus de guerre ! Si chacun, chacune, avait une sexualité agréable, consentante, consentie, il n’y aurait plus de problèmes (sourire) !! »
Quand elle n’écrit pas, probablement le seul moment où elle tient en place, Dot Pierson a beaucoup besoin de parler. Elle chante, joue du saxo, écoute de la musique, son roman intègre d’ailleurs sa propre bande-originale, du très bon son… très. Elle fait souvent la gueule, ourdit des spectacles étonnants où le spectateur est invité ne pas somnoler dans son fauteuil mais au contraire à s’immerger debout ébahi dans des univers riches et foisonnants, comme Heroes qu’elle reprendra à la rentrée où, avec sa bande de talentueux, elle a tout de même réuni, le temps d’une nuit troublante et incroyable, Sartre, Miller, Warhol, Bowie, Pollock, Basquiat et quelques autres.
Elle dit ensuite ne pas très bien cuisiner, ni patiner à roulettes, ni même conduire. Mais elle sait se poser des questions et en poser aux autres. Sa façon à elle d’avancer. Avec ce sens qui fait sa signature de la dérision, de la profondeur de champ et de la transgression, Dot Pierson contribue à rendre le monde plus joyeux et plus bordélique. Et c’est tant mieux.
« Ben, évidemment !! À la fin, on meurt… on le sait. Autant se marrer ! Manquerait plus qu’on se fasse chier !! On n’est pas là pour sucer des glaçons ??!! (rires) »
O.D
DOUZE, petit précis de pornographie, le premier roman de Dot Pierson.
Paru aux éditions du Nouvel Attila, ainsi qu’aux éditions de l’Allumette.