Triste mois de septembre pour nous, qui comme vous, aimons la musique. À la trop longue liste des artistes que ces derniers mois ont vu partir, s’ajoute le nom de « Toots ». Dans la légende de son vivant, dans nos souvenirs pour longtemps.
Le coronavirus nous aura décidément fait beaucoup de mal. Les masques en permanence, les restrictions de liberté, les malades trop nombreux, la buée dans les lunettes à cause du masque (si si!) et tant d’autres choses… Cette pandémie pourrie a aussi tapé bien fort sur le monde de la musique.
Manu Dibango, Ellis Marsalis, Christophe, ou encore Dave Greenfield (clavier des Stranglers) sont quelques uns des artistes attrapés par la pandémie. Plus récemment, c’est une légende qui s’est barrée de la planète. Frederick Nathaniel Hibbert, dit Toots a passé l’arme à gauche le 11 septembre. Vous ne le connaissez pas ? Mais si, il était le leader du groupe reggae Toots And The Maytals.
Et attention, car nous ne parlons pas du premier venu capable de choper une guitare pour entamer Sarbacane de Cabrel afin de se choper une blonde décolorée tatouée avec un palmier sur l’épaule et bourrée à la Jenlain. Non, là on est sur du très lourd. On évoque la mémoire de l’inventeur du mot «reggae». Rien que ça !
En 1967, le Jamaïcain, originaire de la ville de May Pen, une des plus importantes de l’île, sort un morceau intitulé simplement Do The Reggay. À l’époque, le reggay n’est qu’une danse à la mode en Jamaïque. La rythmique allait si bien avec les mots posés dessus que l’amalgame fut vite fait. Le mot «reggae» était né.
Jusque là, Toots et ses copains donnaient plutôt dans le ska. Il a su inventer un mélange entre ska, blues, et rock’n’roll, avec quelques notes de percussions caribéennes pour en faire un rythme syncopé reconnaissable entre tous. Il a, évidemment, largement inspiré Bob Marley. Mais pas seulement.
En 1979, The Specials reprenait Monkey Man, morceau écrit par Toots en 1968 et sorti en 1969 avec les Maytals. Cet énorme succès fut repris par divers artistes dont Amy Winehouse, No Doubt, The Rolling Stones, et même Kylie Minogue.
Toots a d’autres succès à son actif comme Pressure Drop ou l’inévitable 54-46 (That’s My Number) dont les paroles décrivent le temps passé par Toots lorsqu’il s’est fait coffrer par la police jamaïcaine pour possession de Marijuana. Là encore, le morceau a été repris par de nombreux artistes dont Jeff Beck, Ernest Ranglin, Major Lazer, ou encore l’insupportable et largement dispensable Vanilla Ice.
La rythmique, inspirée du morceau Train To Skaville des Ethiopians (autre groupe jamaïcain de renom), semble avoir largement inspiré The Clash pour son morceau The Guns Of Brixton, sorti en 1979 sur le mythique album London Calling.
Au cours des années 2000, Toots a multiplié les collaborations, et probablement les chèques avec plein de zéros pour entretenir sa baraque de Kingston. Il a joué avec Eric Clapton, Keith Richards, Willie Nelson, les Red Hot Chili Peppers, et même Raphaël sur le morceau Adieu Haïti…
Toots Hibbert restera à jamais comme une des légendes du reggae comme Jimmy Cliff, Sly Dunbar, Robbie Shakespeare, ou Peter Tosh. Son dernier concert remonte à janvier 2020. Quelques mois plus tard, le 11 septembre, il décède à 77 ans, dans un hôpital jamaïcain, fauché par cette saloperie de coronavirus.
Autre mort, celui-là depuis plus longtemps, Marc Bolan. Mais j’avais à coeur de rallumer la flamme glam de sa mémoire. Car ce garçon était l’incarnation même de ce qu’on a appelé le glam rock. Une époque que les moins de vingt ans… mais que les moins de cinquante qui sont restés curieux passionne encore.
Paillettes, satin, pantalons pattes d’éph, platform shoes… Son style sera repris à de multiples reprises par Marilyn Manson époque Mechanical Animals, par Mötley Crüe, ou encore Prince.
Il est, avec son ami et rival David Bowie, un des inventeurs du glam rock. La chanson de Bowie Lady Stardust, sortie en 72 sur l’album Ziggy Stardust, est considérée comme un hommage au chanteur de Tyranosaurrus Rex. Très critiqué de son vivant, considéré comme un chanteur pour midinettes, Marc Bolan a ensuite été reconnu à sa juste valeur, comme un grand rocker disparu beaucoup trop tôt.
Le 16 septembre 1977, il est tué sur le coup lors d’un accident de voiture. Le bolide, conduit par sa copine Gloria Jones, s’enroule autour d’un arbre. En ayant la mauvaise idée de mourir un mois après Elvis, sa mort, et sa mémoire, furent rapidement éclipsées par les médias de l’époque et certains musiciens. Heureusement, il reste les morceaux de Bolan avec ou sans T. Rex comme Jeepster, Hot Love, Telegram Sam, ou l’inévitable Get It On (Bang A Gong).
« Pourquoi évoquer ici et aujourd’hui Marc Bolan, dites, Tonton Borde ? » Me demanderez-vous avec cette ironie agaçante qui fait votre charme mais reste agaçante. Parce que j’en ai envie et que ça devrait vous suffire ! Et comme je vois d’ici les incrédules rester fidèles à eux-mêmes et ne pas y croire, parce que l’album Angelheaded Hipster est sorti récemment, et que c’est une très bonne raison de plus ! Est-ce que ça vous suffit-il comme ça ?… Bon.
Au programme, 26 titres de Marc Bolan et T. Rex repris avec plus ou moins de réussite. Si la version de Cosmic Dancer par Nick Cave est surprenante et sublime, celle de U2 et Elton John pour Get It On est franchement foireuse. Au moins autant que celle de Children Of The Revolution par Kesha.
Nan, franchement, si vous voulez réécouter T. Rex ou Marc Bolan en solo, rien ne vaut les originaux !
Enfin, quasiment personne n’en a parlé et pourtant… Sid Mac, chanteur et co-fondateur du groupe punk hardcore légendaire américain Bad Brains, est mort le 9 septembre. Il n’est resté qu’un an au sein du groupe mais c’est lui qui a fortement contribué à l’esprit punk et violent des débuts, avant que les Bad Brains ne s’orientent vers le reggae. Les causes de sa mort n’ont pas été révélées…
Laurent Borde