Le Rock’n’Râleur vous livre ses anecdotes que lui inspirent des célèbres Gimmicks Rock qui demeurent dans son cœur et dans son froc. Aujourd’hui, Venus des Shocking Blue !
Ce gimmick de la chanson des Shocking Blue, Venus, est lié à mes années scolaires dans un collège catholique. Mais ce sont peut-être les plus belles années de ma vie malgré le rappel permanent de ma condition sociale. C’était un collège huppé et élitiste, et moi j’étais un plouc.
Viré de deux lycées quand j’avais 15/16 ans, mes vieux se sont saignés pour me mettre dans cette école privée à Pont-Audemer, à une trentaine de kilomètres de Deauville. Y’avait que des fils à papa dans cette école. Fils de directeurs de supermarchés, de labos pharmaceutiques, de cliniques privées… Ils venaient des quatre coins de la France.
Et moi, mon vieux travaillait au bac de Quillebeuf-sur-Seine. Il faisait embarquer les voitures. Régime sec.
Certains pensionnaires passaient leurs week-ends à Londres et revenaient le lundi avec les derniers disques des Stones, Beatles, entre autres Lovin Spoonful ou Kinks. Je bénéficiais de ces disques en primeur, souvent avant qu’ils ne sortent à Paris.
Je repiquais les harmonies à la guitare et je rejouais toutes ces merveilles des sixties aux mecs dans le dortoir. Ils me snobaient un peu et je sentais confusément qu’il fallait que j’en fasse des kilos pour me faire accepter.
Y’en avait un qui jouait du Brassens et du Guy Beart et les autres lui disaient : » Tu nous fais chier, Marette-je me souviens qu’il s’appelait Marette, Guillaume Marette- donne ta guitare à Basset ! » Et j’ y allais de mon Summer in the City, Get Back ou Purple Haze.
J’ai eu confirmation que je devais en arriver là pour être des leurs par l’un d’eux, trente ans plus tard, dans un supermarché de la région rouennaise.
Il m’a reconnu, après toutes ces années. Luis-Philippe de Habreu, il s’appelait. Vieille noblesse portugaise. On a discuté un moment dans la galerie marchande et il m’a confié avec une certaine tendresse que si, à l’époque, ils m’avaient accepté parmi eux, c’était parce que je les impressionnais à la guitare. Sinon ils m’auraient laissé à l’écart comme un fils de prolo que j’étais.
J’ai mesuré alors la violence sociale de l’existence. Les bonnes cartes que je n’avais pas eues en première main et le bon jeu qu’il m’avait fallu me concocter tout seul.
Merveille de vie, malgré tout.
Francis Basset
Lire le Gimmick Rock du Rock’n’Râleur, c’est bien.
L’écouter, c’est très bien aussi… En plus, il y a la guitare !