Elle aime, Hélène. Elle aime aimer et prendre le temps de l’écrire. À l’encre de ses émotions, au fil de ses rencontres, ses lettres s’affranchissent de toutes les barrières. Comme seuls les mots savent le faire quand ils viennent du coeur.
« Permettez que je vous écrive, Monsieur Gérard Lanvin.
Permettez que le long de ces quelques lignes je m’accorde un moment de calme. Que le temps que mes mots aillent vers vous, je puisses fuir un peu, juste un peu, le brouhaha terrible de ce monde. Permettez et acceptez également que je vous appelle Monsieur pour faire fi d’une époque qui, sans retenue et sans honte, interpelle, vocifère et ne sait parler sans acrimonie.
Cette lettre que je vous adresse, si vous le voulez bien, sera comme un refuge, un temps suspendu.
Je pourrais faire défiler les mots complaisants sur votre chemin d’acteur tant ce dernier nous comble, jouant de nos émotions avec aisance. Nous vous devons sur grand écran de nombreux bonheurs de rires et de larmes, des yeux écarquillés comme pour mieux nourrir l’âme de ce plaisir que seul le cinéma sait offrir et que l’acteur que vous êtes sert à merveille.
Il est une particularité chez vous, Monsieur, que je me plais à souligner ici, ou plutôt ici-bas, si vous m’accordez ce clin d’oeil, le succès ne vous a pas abimé, il ne vous a pas rendu hautain. Quand le micro, ou la caméra d’un journaliste viennent vers vous, vous n’oubliez jamais que vous êtes avant tout un citoyen. Et ce qui est séduisant et fait réfléchir en même temps, un citoyen du monde. À l’heure où beaucoup ne scrutent à la loupe que l’état de leur paillasson, c’est réconfortant.
Je pourrais ainsi, sans nulle contrainte, égrener tout un chapelet de qualités humaines qui émanent de vous mais j’en oublierais la genèse de cette lettre, son point de départ qui fut pour moi aussi soudain que surprenant.
16 octobre 2023. Il est 21 heures, et rien de ce que j’ai pu voir ou entendre, ces derniers jours ne me donne envie de rester devant le petit écran. Je n’ai guère aimé ce mois d’octobre. Je crois d’ailleurs que je n’ai pas aimé non plus les précédents, ni les suivants. Machinalement, je passe de chaine en chaine et puis…
Un son, des lumières bleues. Dans la pénombre, une silhouette familière que je devine au centre d’une petite scène, devant le micro. Et ces mots : «Fatigué de me trouver dans ce monde connecté… » 48 minutes et 22 secondes plus tard, je suis tout autant conquise que surprise.
J’avais lu, il y a de cela quelque mois, de la plume d’un confrère et ami Olivier Daudé, l’histoire de votre aventure commune : cet album qui unit vos mots sur les notes de Manu, l’un de vos deux fils, dont il serait indécent d’omettre le talent tant il est criant. J’avais été émue par le lien de cette filiation, la sincérité sans fard de votre témoignage commun.
Mais je l’avoue, sans fierté, si j’avais écouté un ou deux titres, je n’avais pas eu le temps de m’arrêter sur l’album tout entier, car comme vous le dites si bien : «Rien ne passe plus vite que le temps.» Cette escale au Havre, à travers le petit écran, ce lundi soir sur la scène du Magic Mirrors m’a réconciliée avec le quotidien, avec la vie et les instants qui peuvent l’adoucir, comme ce rendez-vous avec vous.
Et j’ai raison de vous appelez Monsieur. Les musiciens, les choristes, votre fils, tous ceux qui vous entourent et font route avec vous sur scène en sont la preuve. Celle qu’un homme sincère, intègre et respectueux fédère sans faille.
Vous baissez les yeux ? Vous rougissez un peu ? Le compliment est bien plus difficile à accueillir que les critiques nourries de fiel et notre monde a malheureusement perdu cette affection pour la bienveillance. Mais je prêche un convaincu, je crois.
Je me dois de conclure, Monsieur, avec ce qui vous rend encore plus admirable à mes yeux : la longévité des battements de votre coeur pour une seule et même héroïne pendant plus de trente ans. C’est ce que j’appelle faire honneur au sentiment amoureux, aussi complexe que soit ce dernier.
Veuillez, Monsieur Lanvin, accepter mes plus chaleureuses salutations.
Avec tout mon respect. »
Hélène Lacore-Kamm
(Photo : Jean-Marie Marion-www.jeanmariemarion.com)