En 1965, Paul McCartney compose le morceau le plus repris de tous les temps : Yesterday. Cinquante-quatre ans plus tard, un film réinvente les Beatles et rend hommage à l’un des plus grands groupes de tous les temps.
Imaginez. Vous vous réveillez un matin dans un monde où Gims n’a jamais existé ! Vous sortez le champagne, quelle que soit l’heure, vous sautez par la fenêtre en faisant des sauts de cabri sous acide, avant de crier votre bonheur au monde entier ! Imaginez maintenant la même chose mais avec les Beatles.
Vous êtes dans un monde où personne ne les connaît, n’a même jamais entendu parler d’eux. Soit vous êtes totalement désorienté, soit vous vous demandez si vous n’êtes pas dans la Quatrième Dimension. Autre option, vous décidez de faire du blé en faisant croire aux autres que vous avez composé tous les morceaux signés Lennon-McCartney-Harrison. C’est ce qu’a choisi Jack Malik, le héros de Yesterday, le nouveau film de Danny Boyle.
Ça ne vous rappelle rien ? Si ? Le film Jean-Philippe avec Fabrice Lucchini sorti en 2006. L’idée du long-métrage anglais aurait donc été pompée sur le français ? Peut-être. Mais on s’en fout, non ? Et la comparaison s’arrête là, car les Beatles sont universels et ont marqué l’Histoire, avec un grand H, de la musique mondiale. Et puis, Ringo Starr et Paul McCartney sont toujours vivants, eux.
Evidemment, un tel film se devait d’être accompagné d’une B.O. digne de ce nom. Alors qu’on s’attendait à ce que figurent un ou deux morceaux interprétés par les «vrais» Fab Four, tout est interprété par Himesh Patel, l’acteur principal du film.
Commençons tout de suite par les reproches. Non, cet album n’est pas pour les puristes. Non, Patel n’a ni la voix de Paul McCartney, ni celle de John Lennon, et encore moins celle de George Harrison. Non, il n’interprète pas Yellow Submarine ou Octopus’s Garden, en résumé aucun morceau signé Ringo Starr. Oui, il interprète surtout des morceaux connus. Oui, le son est assez loin des versions originales, mais on est en 2019 et, pour rappel, ce ne sont toujours pas les Beatles qui jouent et chantent sur cette B.O.
Himel Patesh est doté d’un véritable talent. Il a le sens de la mélodie. Celui du respect des grands Artistes aussi. Yesterday est plus qu’une B.O, c’est un hommage. Si les reprises d’In My Life, She Loves You, Hey Jude (bien qu’un peu modernisée par bidouillages électro interposés), All You Need Is Love (enregistré live), ou Let It Be sont fidèles aux versions originales, celle d’Help !, version live et punk, est surprenante mais ne déforme pas pour autant l’interprétation des Beatles. Peut-être l’auraient-ils interprétée de cette façon, s’ils avaient composé la chanson en 1977.
Même traitement pour Back In The USSR, rythme accéléré, son renforcé. Evidemment, tout ça est à resituer dans le contexte du film. A Hard Day’s Night a aussi été remusclé. Le morceau est joué sur une base noisy qui le rend plus actuel. La base est toujours la même en revanche. Même rythmique, mêmes accords. L’esprit «Beatlesien» pour un employer un beau néologisme, est respecté.
Là où le score de Yesterday se heurte tout de même à quelques difficultés, c’est sur les versions de Something ou The Long And Winding Road. Celles-ci sont dépouillées. Un peu trop même. Si l’esprit acoustique est là, les orchestrations sont un peu plates. Something est joué en acoustique, et là, la guitare électrique manque cruellement. C’est en effet ce qui fait la beauté du morceau, ce qui le rend sublime.
Pour The Long And Winding Road, interprété deux fois, la première version est juste au piano. La seconde est un peu plus nourrie avec batterie, clavier, basse… Il manque tout de même les cuivres. Ces cuivres omniprésents dans la chanson qui en font un véritable chef d’oeuvre.
I Want To Hold Your Hand, en duo avec Lily James, l’actrice principale du film, laisse un avis mitigé. Ce n’est pas loupé. Ce n’est pas réussi non plus. C’est presque quelconque en fait… Dommage aussi qu’il y ait quelques passages signés Daniel Pemberton. Le talentueux compositeur britannique, auteur de nombre de BO dont celles du Roi Arthur : La Légende d’Excalibur, d’Ocean’s Eight, ou encore de Steve Jobs (qui a d’ailleurs marqué sa première collaboration avec Danny Boyle), est aussi le producteur de l’album. Il a réalisé quelques interludes comme Interlude II : Strawberries ou Interlude IV Train Tracks, pas forcément essentiels, qui débarquent comme ça sans prévenir.
Himesh Patel a une qualité. Il n’essaie pas d’imiter qui que ce soit. Il reprend les morceaux à sa façon. Et c’est sans doute pour ça que cet album est un bon hommage aux quatre p’tits gars de Liverpool. Ce n’est d’ailleurs probablement pas un hasard si Ringo Starr et sa compagne Barbara Bach ont apprécié le film et le talent du comédien-chanteur.
Olivia, la veuve de George Harrison a également approuvé le film et la musique. Quant à Paul McCartney, il n’a apparemment vu que la bande-annonce qu’il a tout de même avoué avoir appréciée. Seul le clan Lennon est, pour l’instant, resté muet. Yoko Ono devait avoir mieux à faire…
Laurent Borde
Yesterday (Original motion Picture Soundtrack) / Universal Music / Polydor