À L’Épée de Bois, le roi Arthur tient table ronde. Un spectacle magique et magnifique qui donne à cette rentrée le merveilleux dont on avait besoin. Oyez !
En terre de Bretagne, l’heure est à l’union. La chute retentissante de l’empire romain annonce de grands et profonds bouleversements. Un jeune seigneur natif de Tintagel, fils du diabolique Uther Pendragon, roi des Bretons, et d’Ygerne, veuve du duc de Cornouailles, saisit sa chance et face au péril d’invasions barbares qui menace, appelle à l’unité les barons divisés en luttes intestines. Armé de son épée Excalibur, conseillé depuis ses premiers jours par Merlin, un magicien aux immenses pouvoirs, notamment celui de métamorphose, il va mener bataille et se faire reconnaître roi par ses pairs. Ainsi commence la fabuleuse histoire qu’ont choisi de nous raconter Jean-Philippe Bêche et la compagnie du Rameau d’Or. Qu’ils en soient remerciés et comme il était d’usage en ces premiers âges, que leurs noms soient loués et célébrés ! Ils nous ont régalés !
Arthur, Guenièvre, Ygerne, Morgane la fée, Merlin l’Enchanteur, Mordred l’âme damnée, Lancelot dont la faute précipitera la chute de Camelot et puis Gauvain, Agravain, et le jeune Perceval dont la quête victorieuse sauvera son monde de l’anéantissement, ils sont tous là. Héroïques ou machiavéliques, sublimes et fragiles, purs et tourmentés, sombres et lumineux, ils sont les acteurs du drame épique dont nous sommes les témoins émerveillés.
C’est toute la magie du théâtre et c’est tout le talent du comédien et metteur en scène, Jean-Philippe Bêche, d’avoir su faire que la légende arthurienne nous captive et nous emporte. Une légende menée à la vitesse d’un destrier au galop, où résonnent le fracas des épées et le tonnerre de la bataille, où la haine et l’amour se mélangent, comme souvent quand le bien et le mal s’affrontent à la vie à la mort. Jean-Philippe Bêche a ici remarquablement joué avec l’espace et les murs de la belle Salle en Pierre qui, sans autre artifice que la lumière signée Hugo Oudin, se transforme en salle de la table ronde, en forêt de Brocéliande ou en champ de bataille rougi du sang des vaincus.
Autre très bonne idée, celle d’avoir confié au maître d’armes, François Rostain, le soin de régler les combats. Ils sont engagés et très spectaculaires. La bande son que le percussionniste Aidje Tafial réalise en direct n’est pas moins forte ni inspirée. Enfin, c’est un roi Arthur puissant, habité mais fiévreux, dans l’urgence et aux antipodes des grandes figures hollywoodiennes, que Jean-Philippe Bêche a su aussi composer. Ce qui nous offre de regarder le mythe sous un jour nouveau.
« Ce qui est beau chez lui, c’est qu’il a des rêves qui deviennent utopiques parce qu’il n’a pas perdu la naïveté de penser que l’homme peut se sublimer. Ce qui me trouble chez lui, c’est qu’il n’a même pas vu que son meilleur chevalier qui est aussi son meilleur ami, Lancelot, va succomber à l’amour pour Guenièvre, sa propre épouse. En quelques instants, Arthur perd sa femme, sa reine et son plus fidèle compagnon. Tout s’écroule. C’est terrifiant. Et Camelot s’effondre parce que le royaume a perdu les valeurs qui le définissaient… Oui, il y a une résonance avec notre propre monde, notre époque, où le navire tangue, où ressurgissent des barbaries. L’équilibre est toujours fragile. Nous luttons nous aussi contre nos propres démons. C’est un choix d’être un mec bien. Arthur a fait ce choix. Et il va jusqu’au bout de ce choix. C’est ce que je voulais montrer dans son combat avec Mordred. Jusqu’au bout, il essaie de le sauver… c’est ça qui est beau ! »
Deux ans seulement après avoir écrit sa première pièce (Tony et Marilyn créée en 2016 à la Luna au festival d’Avignon), Jean-Philippe Bêche récidive donc aujourd’hui avec le roi Arthur dont il signe l’adaptation et les textes. Mais on peut penser qu’en réalité, celle-ci lui aura demandé davantage de temps encore. Celui d’être môme, de grandir et finalement de ne jamais tourner le dos à l’enfance.
« Oui, c’est mon Graal (sourire)… J’ai la chance d’être le fiston d’un papa extraordinaire, qui était instituteur et directeur d’école, à la retraite aujourd’hui. Il écrivait des livres, des romans pour la jeunesse, sur toutes les périodes, le moyen-âge comme l’Égypte des pharaons, et ça a nourri mon imaginaire. Ensemble, on parlait déjà d’Arthur et des chevaliers de la table ronde. Et je crois que c’était inscrit dans ma mémoire, dans mon coeur, dans mon sang. Et puis un jour, je voulais monter une pièce mais je ne la trouvais pas. Parce qu’il y a beaucoup d’écrits sur Arthur mais il n’y a pas de pièce. Je me suis dit, c’est qu’il faut que je l’écrive. Et j’ai mis quatre ans pour porter ce spectacle, pour trouver les bons mots, le bon langage… pour moi, c’est énorme d’être arrivé à le monter ! En plus, ici, dans le mythique théâtre de l’Épée de bois… où on est comme à Camelot ! »
En quittant Arthur et ses chevaliers fidèles, résonnaient encore les mots de Merlin à son roi.
« La mort n’a jamais été une fin. Sur ton nom, se bâtiront des mondes. La foudre violente à nouveau bondira pour te replacer sur un royaume d’amour. »
On s’est dit que décidément, c’est beau et c’est bon le théâtre. On s’est même surpris à rêver d’Avalon… C’est dire si on l’a aimé ce roi là.
O.D
le Roi Arthur, une pièce écrite et mise en scène par Jean-Philippe Bêche, avec la compagnie du Rameau d’Or.
Jusqu’au 23 septembre initialement mais prolongé jusqu’au 14 octobre pour cause de succès !