Ces images qui nous regardent: la campagne estivale Chanel

Ces Images-Chanel-Paris Bazaar-Ghis

Les plus belles pépites du comique ne sont plus au cinéma ou au théâtre. Il y a bien plus hilarant. Et c’est partout. C’est la pub. Aujourd’hui, Chanel.

Dernier exemple la campagne estivale de Chanel. Que voit-on ?

Dans un noir et blanc charbonneux, une rue glauque, où se tient une jeune femme qui fait commerce de ses charmes, le regard crânement fixé sur l’objectif.

  

1. D’entrée, le niveau de « mais-qu’est-ce-que-c’est-ce-truc !? » donne le ton : high level d’illisibilité, presque d’ésotérisme.

Car qui peut comprendre que, pour l’été 2018, Chanel parie sur le noir et blanc (c’est de saison ?) et la mise en scène d’un tapin, sur un trottoir peu amical, quelque part entre La rue sans joie – chef-d’œuvre, mais cafard assuré, de l’Allemand G.W. Pabst, 1925 – et Dédée d’Anvers, drame portuaire glauque, avec Simone Signoret (sublime) en pute vengeresse, 1948 ?

Pourquoi nous transporter dans l’Entre-deux-guerres ? 

Et le métier de mademoiselle, ça doit nous dire quoi ? « Soyez pute » ? « Beyatch, c’est chouette” ? “Toi, jeune femme, si tu kiffes Chanel, prends des airs de micheto»

Voilà donc Chanel, fleuron du luxe français (8,6 milliards d’euros de chiffre d’affaire l’an dernier), qui incite ouvertement à jouer les « puputes » !

Sur le plan éthique, on ne va pas se mentir, c’est modérément glorieux : reste-t-il, même vaguement, même de loin, des féministes chez Chanel ? 

Et sur le plan politique : huuum, juste après l’affaire Weinstein, c’est peu inspiré dirons-nous.

2-3. D’autant que la « créa » s’est lâchée, free style total, pour appuyer l’effet interlope du visuel : avec, en arrière-plan, deux types douteux – un mac et son acolyte – qui traînassent, et pompon sur le bonnet, un gosse sorti d’on ne sait où, aux allures de poulbot. Figure d’autant plus anachronique, qu’en 2018, il n’y a plus guère d’enfants dans les rues de Paris à cette heure-là (ah, suis-je c** à manger des radiateurs : nous sommes dans les années 40, c’est vrai).

 

4.Mais le détail le plus croustillant, celui qui donne une touche de perfectionnisme (que l’on saluera) à cette entreprise absurde, c’est, dans l’ombre, presque indicible, la silhouette d’une Porsche Panamera. On n’y prête aucune attention si l’on regarde le visuel distraitement, vite fait, chez le coiffeur.

Et pour cause, c’est un clin d’œil pour initiés : la Porsche Panamera étant LE véhicule associé à l’affaire DSK.

J’avoue avoir souri en m’en apercevant. Je suis même allé vérifier le profil de l’auto avec la Porsche en question : pas de doute, c’est bien une Panam’

Et là, force est de constater que chez Chanel, OK, on fait portnawak, mais on a du culot : sortir un visuel cafardeux, pro-tapin, DSK friendly et juste 0% féministe, par les temps qui courent ça confine au sit-in contestataire !

 

5. Le plus amusant, à l’arrivée, est de réaliser que Chanel ne sait pas quoi nous vendre : un univers ? Mouais, super, ça fait rêver… Des fringues, des pompes, du luxe ? Mais où ? Toute l’image est dans l’ombre ! Un soupçon de provoc’, genre « regardez-comment-kcé-k’on-est-destroy-f*** le féminisme ! » ? 

Mais qui croira qu’une maison qui a réalisé l’an dernier1,5 milliard d’euros de bénéfices – avec une marge opérationnelle de 28% (!) – etune croissance dans tous les secteurs :  prêt-à-porter, parfums, cosmétique, etc. – est une maison sulfureuse ?

Une héritière fatiguée du Dakota ? Une concubine écervelée de Shanghai ? Paris Hilton, les classes de CP des Yvelines, Kim Kardashian ? Mon ancien professeur d’Histoire Médiévale (perdu dans l’étude de la Papauté, quelque part entre le XIIIe et le XVe siècle… alors forcément, sur Chanel, il reste crédule) ? 

Bref, c’est pas gagné.

Olivier Ghis

Publié dans Pub

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