Le 4é festival du Film Insolite de Rennes-le-Château ou le bonheur de la marge

Aux autoroutes de la culture qu’on ne présente plus, on peut préférer les chemins de traverse qui étonnent. Dans l’Aude, l’insolite est là qui nous tente.

Ça commence bien. Et d’entrée ça nous embarque ailleurs. Quand on lui pose la question de savoir ce qui a bien pu susciter en elle cette insolite envie de festival, la comédienne Fanny Bastien répond simplement : « le Ciel ! » Et ajoute que l’air qu’elle a respiré ici, le sol qu’elle a foulé lui ont permis, il y a quelques années, de remonter jusqu’à sa propre source. Une de ces rencontres simples et essentielles qui ensuite vous font voir la vie autrement.

Elle a donc d’abord commencé par aimer cette terre occitane, magique, alchimique et ferreuse des Corbières. Ses pas l’ont mené tout en haut de ce piton rocheux, où se découvre la commune de Rennes-le-Château. 71 habitants au dernier recensement. Et dont personne n’aurait sans doute jamais entendu parler s’il n’y avait eu ce curé aussi fortuné que dispendieux qui, durant son ministère à la fin du 19é siècle, engagea des travaux inouïs d’embellissement de son église tout en menant grand train. Il s’appelait l’abbé Saunière. Un simple curé mais avec des goûts de cardinal, imaginez ça. Lui et son supposé fabuleux trésor ont fait fantasmer bien des chercheurs de bonne fortune et ont accessoirement fait celle de quelques riants charlatans.

Les années ont passé, forgeant la légende, et Rennes-le-Château, qui en temps normal ne dispose même pas d’un écran, est devenu l’écrin d’un tout jeune festival de cinéma aux antipodes des gros barnums habituels. Ici, pas de strass ni de stars qu’on ne voit que de loin, et encore en jouant des coudes, mais des personnalités attachantes, disponibles dont l’oeuvre a su s’inscrire dans le temps. On pense à Pierre Richard, Andréa Ferréol, Jan Kounen ou Jean-Claude Dreyfus. On n’oublie pas Jean-Pierre Mocky, Gérard Lanvin et Olivier Marchal. Lors des trois premières éditions, tous ont répondu présent à l’invitation que Fanny Bastien et son compagnon, le comédien Geoffroy Thiebaut, leur ont envoyée. L’une et l’autre ont d’ailleurs pour l’occasion fondé une association, « les Bâtisseurs de l’Insolite »… on ne peut que dire oui à ceux qui prennent le temps de rêver et savent inviter à tous les voyages.

Cette année, l’un des plus beaux sera au coeur des échanges. Le voyage, pour certains, de toute une vie et qui fascine depuis au moins la nuit des temps. Le Graal et la quête de l’immortalité. Thème autour duquel s’articuleront des conférences et des rencontres qui promettent de nous faire veiller tard à la table ronde.

« On a besoin de spirituel, explique Fanny Bastienon a besoin de rêver et le Graal fait rêver. Toutes les cultures ont une histoire avec le Graal. Ce mythe transcende toutes les différences, c’est passionnant  ! Le Graal, c’est une coupe, un chaudron… peu importe à vrai dire, c’est d’abord le réceptacle d’un amour et d’une joie incommensurables. C’est en ce sens qu’il symbolise le plus grand trésor du monde ! »

Faire, comme elle le fait, le pari de l’insolite n’est d’ailleurs pas sans rappeler la propre quête de Perceval. Ponctué de moments de joie et de grâce mais semé d’obstacles, jalonné de doutes et de questionnements, le chemin de Fanny Bastien n’a rien de l’autoroute du soleil. Il a surtout cette qualité rare de ne s’être jamais écrit autrement que librement. On se souvient d’elle dans « Pinot, simple flic » de Gérard Jugnot, on n’oubliera pas non plus sa présence magnétique dans le très beau et très sombre « Poussière d’ange », d’Édouard Niermans aux côtés de Bernard Giraudeau.

©Jean-Marie Marion

Alternant films d’auteurs et comédies populaires, l’artiste a tourné le dos aux plans de carrière et n’a jamais accepté d’être seulement belle et se taire. Aujourd’hui encore, demain l’intéresse plus qu’hier. Ce sont tout à la fois ses désirs de cinéma et sa soif de découvrir qui, indubitablement, donnent à ce jeune festival son incontestable supplément d’âme.

« Je me questionne énormément. Tout le temps…se tournant vers son compagnon Geoffroy Thiebaut, hein ?… Geoffroy peut le dire, il en a marre lui ! (rires de l’un et de l’autre) Parce que je me suis beaucoup battue pour que ce festival soit comme je le voulais. Déjà, chaque invité vient avec quelque chose dans la main. Personne ne vient aux frais de la princesse sans rien donner. Ensuite, je veux  faire revenir des gens et des films qu’on a un peu mis à l’écart. Des films parce qu’il y a le diktat des genres et que je m’en fous ! Moi j’aime le cinéma d’auteur comme le cinéma populaire. Des gens, parce qu’on les trouve trop vieux alors qu’il n’y pas de vieillesse dans ce métier, juste des anciens ! Quand tu vois Pierre Richard, qui nous a fait l’honneur d’être notre parrain pour la première édition, ce qu’il fait à 86 ans !! Tu hallucines ! Tu te dis que c’est cool de vivre, de grandir et de devenir un ancien… Dans la création, il n’y a pas d’âge et il n’est jamais trop tard ».

Il n’est jamais trop tôt non plus. Si le Festival du Film Insolite a programmé le jeudi 9 août une formidable soirée autour de l’oeuvre de Terry Gilliam avec et entre autres la projection de « l’homme qui tua Don Quichotte », il s’ouvrira cette année encore aux jeunes talents. En l’occurrence, des collégiens et lycéens de la région Occitanie, qui présenteront les courts-métrages qu’ils ont réalisés sur le thème du Graal. Un concours présidé par l’éditeur et écrivain Éric Naulleau.

L’irrésistible série « Kaamelott » d’Alexandre Astier, qui sera projetée sur grand écran, offrira aux plus jeunes, comme à ceux qui le sont moins et qui ont souvent confondu, de se faire une autre idée du roi Arthur, de Merlin, Lancelot et de tous leurs potes de la table ronde. Et c’est au comédien Sergi Lopez que reviendra cette année le beau rôle du parrain du festival.

Les 9 et 10 août prochains, le 4é Festival du Film Insolite de Rennes-le-Château, à l’écart des routes balisées et loin des tumultes balnéaires, votre prochaine parenthèse estivale. Pour retrouver le goût du mystérieux et le sens du merveilleux.

O.D

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