Dans les Yeux de Totto Chan : Les Parapluies de Cherbourg

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Psychologue, psychanalyste, Totto Chan propose son regard de femme sur le cinéma, sur l’amour et le désir qui animent le cœur des plus grands réalisateurs. Aujourd’hui, Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy.

 

À l’automne 1957, Geneviève Emery, âgée de 17 ans vit à Cherbourg avec sa mère, veuve. Elle l’aide dans sa boutique nommée « Les Parapluies de Cherbourg ». 

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Amoureuse de Guy Foucher, un beau jeune homme, Geneviève doit affronter la réticence de sa mère, qui ne voit pas d’un bon œil la condition modeste du prétendant. En effet, le jeune homme, mécanicien dans un garage, est élevé seul par sa tante et marraine Elise, qui est gravement malade.

Geneviève apprend que Guy est mobilisé en Algérie, où il doit faire son service militaire. C’est un véritable déchirement pour les deux amants, qui vivent leur première et unique nuit d’amour la veille du départ de Guy. 

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Geneviève, éperdument amoureuse, promet de l’attendre, mais les nouvelles sont rares et la jeune femme se désespère de voir revenir l’homme qu’elle aime, alors qu’elle est enceinte de lui. Sa mère, endettée, accueille la demande en mariage d’un diamantaire, Roland Cassard, qui est tombé sous le charme de Geneviève. Il est prêt à racheter les dettes du foyer, à épouser Geneviève et à prendre en charge l’enfant à naître. Geneviève, de guerre lasse, finit par accepter la proposition.

Guy revient à Cherbourg, démobilisé car blessé à la jambe. Il découvre que Geneviève et sa mère sont parties à Paris et que la boutique est transformée en blanchisserie. Désespéré, il perd goût à la vie et démissionne de son travail. 

A la mort de sa marraine, il se rapproche d’Hélène. Cette dernière s’était occupée de la malade de longues années. Guy l’épouse et a un fils, François. Avec l’argent laissé en héritage par sa marraine, Guy ouvre une station-service à l’entrée de Cherbourg et coule des jours heureux avec sa famille. 

Mais à la veille de Noël, de passage à Cherbourg, Geneviève s’arrête par hasard à la station-service. Guy l’invite à s’expliquer sur son départ et apprend qu’il a une fille, prénommée Françoise, qui attend sa mère dans la voiture. Les explications sont brèves. Geneviève, devenue une femme bourgeoise au regard triste, ne s’attarde pas. A son départ, Guy préfère jouer avec son fils dans la neige, son passé désormais derrière lui.

Ce film est le troisième de Jacques Demy, après Lola et La Baie des Anges. Le film musical, très audacieux pour l’époque, a été scénarisé par le cinéaste, qui a imaginé tous les dialogues chantés. Loin d’être une comédie musicale, avec une alternance de dialogues parlés et de chansons, ce film est une histoire chantée, aux répliques souvent gaies et ironiques, et formidablement accompagnée par la musique de Michel Legrand. 

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Le choix des couleurs saturées peut surprendre également dès les premières scènes. L’idylle entre les deux jeunes amoureux, apparaît ainsi délicieusement fraîche et naïve, et enchante le spectateur qui se laisse peu à peu charmer par cette jeunesse idéalisée, aux sentiments purs et exaltés.

L’audace de ce film tient aussi au contexte social, les événements d’Algérie, rarement évoqués au cinéma à cette époque ou par petites touches en 1962, comme dans Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda ou dans Adieu Philippine de Jacques Rozier.

Réalisé en trois tableaux datés, le film débute par l’annonce du départ de Guy pour l’Algérie en novembre 1957. L’histoire s’assombrit de manière réaliste et très brutale. 

Magnifiquement filmée par un Jacques Demy sans doute amoureux, Catherine Deneuve prête à son personnage les rondeurs douces et enfantines de son visage mais aussi les yeux rougis par le chagrin qui l’étreint, avec une sincérité bouleversante. Déchirée par ce départ inattendu, elle est seule sur le quai de la gare à crier « Je t’aime » à son amour en guise d’au-revoir. 

Incarné par le beau Nino Castelnuovo, Guy est seul lui aussi, devant le destin qui le saisit sans ménagement. Cette scène d’une grande tristesse révèle peu à peu la mélancolie poignante de cette histoire d’amour contrariée par la Grande Histoire. 

Car si Geneviève fait le choix de la raison, lors du deuxième tableau, ce n’est pas par oubli de son amour pour Guy, mais par peur de la précarité des conditions de vie pour elle et son enfant, alimentée par les propos pragmatiques de sa mère. 

Le riche diamantaire Roland Cassard, joué par Marc Michel -violemment déçu par sa précédente histoire d’amour dans Lola– propose à Geneviève de devenir son épouse, en demandant sa main à sa mère. En acceptant cette honnête proposition, Geneviève trahit ainsi son amour de jeunesse.

Le troisième tableau signe le retour de Guy à Cherbourg après sa démobilisation, en mars 1959. Le jeune homme est blessé à la jambe, mais il a mûri. Après une période d’accablement, il fait face à l’absence et au départ de Geneviève. Il revient à la vie et au désir en épousant une femme dévouée qui lui donne un fils. Sa marraine lui a laissé suffisamment d’argent pour gagner son indépendance matérielle. 

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Lorsqu’il revoit Geneviève, il n’attend plus rien d’elle, sauf quelques informations. Après un bref échange, il lui demande de ne pas s’attarder, son fils et sa femme vont bientôt le rejoindre. Le regard empli de nostalgie se lit sur le visage de Geneviève au moment où elle s’apprête à quitter la boutique de la station-service. 

Ce regard, c’est peut-être le nôtre. Celui de nos propres idéaux. Celui de nos renoncements. 

Sans doute est-ce cela devenir adulte.

Totto Chan

Les Parapluies de Cherbourg est un mélodrame musical de production franco-allemande, de Jacques Demy, sorti en 1964. Il est recompensé par la Palme d’or au Festival de Cannes de 1964, du Prix Louis-Delluc et connaît un immense succès international.

Lire Totto Chan est un bonheur. L’écouter est une joie !

 

 

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