Auteur et parolier, Francis Basset connaît la musique et au minimum toutes les chansons. Ses souvenirs, ses humeurs. Bonheur pur Collector !
Toujours en liberté ce Max, Hervé ?
Je ne connaissais que son gros tube Il est libre Max quand j’ai rencontré Hervé Cristiani à la SACEM, où on a bossé ensemble y’a cinq ou six ans. La Commission des Programmes, ça s’appelait. Et ça s’appelle encore. C’est une commission de contrôle des émissions radio et télé où des petits malins déclaraient à la Sacem des textes de plateau, c’est à dire du blabla pour meubler, qui ne valaient que coefficient 1 comme des créations ou des oeuvres originales qui, elles, valaient coefficient 6.
La chaîne de télé envoyait par exemple une enveloppe de 500 000 euros à la Sacem pour qu’elle répartisse l’argent entre les chansons, les sketchs et les textes de plateau d’une certaine tranche horaire. Et bien sûr, des mecs ont eu l’ingéniosité d’inverser le processus. Par exemple, l’animateur appellait une auditrice et lui disait : « Alors Valérie, t’es cool aujourd’hui ? C’est les vacances et il fait beau, t’as bien fait caca ce matin ? » Et hop, il déclarait ça comme une oeuvre à coeff 6, alors qu’un sketch de Devos ou une chanson de Bashung, diffusés dans la même émission, se retrouvaient du coup avec un coeff 1 !!
Cristiani et moi, ainsi que d’autres potes sociétaires élus pour faire ce taf, on téléchargeait les émissions et on débusquait les supercheries. On rigolait bien mais on faisait notre boulot. À la commission, on m’appelait Adolf tellement j’étais implacable avec les imposteurs. J’aurais préféré Eliott Ness mais bon.
On allait bouffer au chinois d’à côté le midi, et Hervé restait à jouer de la guitare, à jouer ses morceaux encore et encore. Il aimait beaucoup ce qu’il faisait. En passant, c’était un super joueur de tennis. Il pouvait rivaliser avec des joueurs classés très haut.
Une fois, je lui avais dit : « C’est bizarre quand même ton « il est libre Max, y’en a même qui l’ont vu voler »… On n’est pas obligés de penser à un oiseau. On peut penser à un voleur, un mec qui choure des trucs. » « Non non, il disait, on pense pas à ça !! » Et moi j’enfonçais le clou : « Remarque, t’as raison. Si y’en a qui l’ont vu voler et qu’il est quand même libre… que fait la police ?! »
Mais il n’aimait pas trop que je déconne avec sa chanson. C’était sa chanson fétiche, il y tenait et il la respectait. Et dans « voler » il ne voyait que le versant poésie. Pas le côté pénal. Moi, les mots à double usage comme ça m’emmerdent un peu. Comme cancer . tropique du Cancer et cancer du poumon.
Du coup, le Tropique du Cancer ne fait pas rêver à outrance. Je pense plutôt à cancer du poumon dont pratiquement tous les potes sont morts : Langolff, Ticky Holgado, Patrice Tison, Max Amphoux, Philippe Lhommet et…Hervé Cristiani. Il a été courageux et y a cru jusqu’au bout lui comme mes autres potes. Je ne sais pas si j’aurais les burnes de me battre comme ils l’ont fait. Putain de saloperie ce tabac. J’ai arrêté y’a 45 ans et ça reste le numéro 1 de mes non- regrets.
Bref, pour tous mes potes tombés par la clope, j’écrirai peut-être un bouquin à la Henry Miller un jour. J’ai déjà le titre : Tropique du Poumon. Ne me remercie pas, Hervé !
À l’attention des pisses-froid bien-pensants qui me traitent de jaloux et d’aigri
Vous m’êtes tombés dessus, suite à la parution de mon papier sur Goldman, arguant de ses 30 ans de carrière et de ses tubes compulsifs à répétition. Sachez que, dans cette rubrique, je m’amuse ! Je n’ai que la prétention de faire sourire. Goldman était un prétexte comme Hervé Vilard, Hallyday, Cloclo ou Gérard Lenorman.
Je ne suis pas là pour juger la carrière de ces artistes ou donner des leçons de chanson ou de bon goût. Je parle de l’angle de l’aventure humaine parce que souvent, grâce à ma « médiocre carrière » de parolier de chansons, j’ai été amené à rencontrer ces chanteurs. C’est pathétique que vous n’ayez regardé que le doigt qui montre, et non la dérision voire la tendresse qui pouvaient se dégager de mes propos.
Je me suis « attaqué » spécialement à Goldman justement parce qu’il était intouchable, roi du tube et personnalité préférée des Français. Qu’est-ce qui vous aurait plu ? Que je me prosterne ? Que je fasse une étude littéraire de ses hits ? Que je dise que j’aurais rêvé d’avoir son talent et de faire sa carrière ? Eh ben non.
J’aurais rêvé d’être Ivanhoé, Guillaume Tell, Eliot Ness ou les héros de mes bandes dessinés de gamin, mais pas Jean-Jacques Goldman, avec tout le respect que je lui dois et l’irrespect que je me suis permis. Et je ne suis pas jaloux de lui non plus, moi humble parolier dont vous n’avez jamais entendu les chansons.
Je suis jaloux de Sting, Lennon McCartney, Chuck Berry entre plein d’autres. Et dans ma culture, je suis jaloux de Jean-Loup Dabadie, Renaud pour son Manu et sa Pêche à la ligne surtout, Jean Fauque pour la Nuit Je Mens et J’ passe pour une Caravane entre autres, Brassens, Ferré et beaucoup d’autres encore, mais pas de Jean-Jacques Goldman. Désolé de ne pas adhérer à votre hystérie d’adoration.
En plus, vous êtes méchants et revanchards. Moi pas. Alors, ne me faites plus chier. Je vous le demande poliment.
Cette époque de tièdes et de formatés qui font sous eux me fait de plus en plus pousser les couilles, et je suis beaucoup plus voyou que poète. La preuve, je vous pisse à l’arrêt… du bus !!
CV à l’arrache
J’ai écumé les orchestres dans des balloches pourris et des dancings de frotte-panses, j’ai vendu des perceuses dans les supermarchés, écrit des bouquins de cul, des chansons pour des artistes connus canadiens ou français et j’ai vécu de ma plume tout en me faisant plumer, j’ai fait le ghost writer, on ne dit plus nègre, pour des bios, j’ai tenté le one man show, j’ai doublé des séries…
J’ai remis cent fois sur le métier mon ouvrage, j’ai crapahuté, je suis tombé dix fois pour m’en relever à chacune, j’ai dégringolé cent marches pour en remonter cent une, j’ai bradé ma confiance en les autres, perdu mon temps dans de vaines expériences, je me suis jeté corps et âme dans l’aventure humaine, m’exaltant, souffrant, crachant ma désillusion et mon amertume.
Et pendant ce temps là, comme un ange gardien, comme un guide, de toute son humble magnificence, de tout son érotisme, de toute sa grandeur d’âme, et bien avant de la connaître, une femme me réussissait ma vie.
Je ne la connaissais pas, elle grandissait de son côté pour m’offrir cette réussite suprême un jour, à moi pauvre chien errant, toujours plus prompt à mordre qu’à faire coucouche panier.
Francis Basset
Merci pour cet article.
J’ai lu avec bonheur et apprécié le franc-parler et la franchise de Francis Basset.
Quel bonheur aussi d’y retrouver un peu d’Hervé et de son inoubliable Max !
Sylvie
Savoureuse 2ème fois pour moi 🙂 Je reviendrai !
Ho la, y’a un bail que je ne me suis détectée de lire les mots d’un Autre qui m’ont tant touchée. Merci M’sieur, je vais revenir vous égrainer, comme un couscous, probable que ça va me rendre un peu heureuse. Comme maintenant.
Patricia