Auteur et parolier, Francis Basset connaît la musique et au minimum toutes les chansons. Ses souvenirs, ses humeurs. Bonheur pur Collector !
J’ai jamais su où c’était, moi, la Patagonie !
Tue-Moi est une chanson qui figurait sur l’album de Franck Langolff, Normal, sorti en 1986. En passant, si j’avais su que Normal allait servir de slogan à l’autre vessie pour sa campagne, j’aurais appelé l’album Fibrome ou Choucroute mais pas Normal. Et donc, il doit me refiler des droits là-dessus, ce pauvre être. Bref, je l’aime bien, ça crève les yeux. Faut juste pas que je le croise.
Pagny à enregistré Tue-Moi parce que Vanessa Paradis qui avait fait les choeurs sur l’album (avec moi), sortait avec lui à l’époque. J’aime bien l’expression « sortir avec quelqu’un » . Ça fait tout de suite théâtre, promenades en bords de Seine et dîners rendus, alors que c’est juste une histoire de sommier où l’on s’explique, en empêchant les punaises de lit de roupiller et les acariens de s’enculer.
Donc, Pagny à repéré la chanson. Et l’a enregistrée. Et il a bien fait parce qu’il en a fait un tube qui me permet de vivre encore de mes droits d’auteur, plus de trente ans plus tard. Mal, mais j’en vis. Quand la chanson est sortie, je ne savais même pas qu’il l’avait enregistrée, le Patagonien. Et non pas le Pentagonien. Mais on n’est pas à l’abri d’une candidature. C’est comme ça qu’on reconnaît cette époque, c’est qu’elle ose tout.
Et comme la chanson cartonnait, Mick Lanaro, son manager à l’époque, à tenu à me présenter la star. Qui habitait Sèvres et qui se levait tard. Rime et balancement du vers. On attendait depuis longtemps quand un moment donné il s’est levé. Embrumé, avec la marque de l’oreiller dans les cheveux. Lanaro a fait les présentations : « Florent, Francis Basset… Francis, Florent. » .
Tant et si bien que quand j’ai dit que je devais rentrer sur Paris, il m’a dit : « Je te raccompagne ! » J’ai dit : « Ok ! » J’échappais au métro et je rentrais confort en bagnole. On est sortis et j’ai alors vu une moto. J’ai décliné l’offre, comme quoi j’allais finalement flâner un peu dans Sèvres où y’a plein de trucs à visiter. Je ne me voyais pas grimper derrière Florent. Avec ma taille et mes 90kg, j’aurais eu l’impression de monter sur un cheval de rodéo en me tenant au pommeau de la selle.
On s’est revus plus tard, avec Langolff. Il nous avait raccompagnés à Saint-Lazare en vraie voiture cette fois. Il nous avait confié qu’il s’y était repris à vingt fois pour avoir la bonne intention dans « tendresse de merde » à la fin de Tue-Moi. Fallait que « merde » soit bien chargé et sente le vécu. C’est marrant, dans la version originale, Langolff l’avait balancé du premier coup le « tendresse de merde » , bien senti, bien dérangeant, bien politiquement pas correct.
Florent n’était pas au mieux. Vanessa venait de le larguer et il a pleuré devant nous. Du coup, il ne nous a jamais repris de chansons et n’a jamais voulu travailler avec nous. On l’avait vu minable et il ne voulait plus de témoins de sa faiblesse. C’est beau pourtant, des larmes de largué. C’est du vrai beau chagrin. Mais il faut savoir se faire désaimer. Savoir désaimer… apprendre à désaimer…
L’Aigri, le Retour !
Tu es comme ma fille et je suis vraiment ton amoureux. Je te regarde t’amuser, attendri. Je t’observe, timide au début, puis allant vers les autres. Tu t’enhardis, tu prends confiance en toi, tu m’oublies. Et ça me rend heureux que tu m’oublies parce que je sais que c’est pour revenir vers moi encore plus fort.
Vers moi ton amour qui ne te bridera jamais, qui ne te jugera jamais. Moi qui désire de toute mon âme que tu ne sois jamais frustrée de rien, dans cette vie où tout peut basculer d’un moment à l’autre. Ou d’un mot menthe à l’eau. Cette menthe à l’eau de ton enfance où je te ressens comme ma petite fille.
Oui je sais, Eddy Mitchell, « les yeux couleur menthe à l’eau... » Mais cette chanson m’a toujours gonflé. En général, on me balance toujours des référents attendus qui me font bailler. Par exemple, si je dis : » Faut être concentré pour voir un film comme ça, faut pas aller en salle. Je vais avoir droit aux coups de genoux dans mon fauteuil derrière et au sac de pop corn. J’ai pas envie. » Et l’autre, il me sort du Goldman : « Je vais te donner envie d’avoir envie !! » Oh non !
Mais qu’est ce qu’ils y trouvent tous à cette chanson ? Ça fait tricotage philo pour les Nuls. « J’ai envie d’avoir envie de péter. » Et non pas de « Peter« . C’est pas pareil. C’est pas la chanson en elle-même ou que j’en veuille à JJ l’Amoroso, c’est que ce soit érigé en must ce genre de branlette. Les chiens hurlants : « Cette chanson est formidable et ta gueule. Y’a pas de « oui mais ». Et t’es jaloux, t’aurais bien voulu l’écrire ! » Ben non. Pas celle-là.
Peut-être Je ne Sais Pas de Brel, ou le Petit Garçon de Dabadie, ou The Boxer, Yesterday, ou La Nuit, Je Mens, mais l’Envie d’avoir Envie, non. J’ai envie d’avoir envie de vous dire de me mettre J‘aime tes Genoux à la place.
Même combat avec Il Voyage en Solitaire. La référence absolue depuis des décades. On a juste le droit de bailler d’admiration ou de tomber à genoux. Et moi cette chanson me fait chier. « Il voyage en solitaire et nul ne l’oblige à se taire. » Voilà, tout est dit. C’est coulé dans le bronze. C’est évident comme le gel en dessous de zéro, et que si ça brûle c’est que c’est chaud.
-« Tu voyages en solitaire ?
– Oui. Grave !
– Donc, nul ne t’oblige à te taire ?
– Non. À me traire non plus. Je fais ça quand je veux.
-Dis donc, quel confort de vie !
-N’est ce pas ?! »
On va encore me dire que je suis aigri parce que je devrais avoir les boules d’attaquer les mythes. Mais je voyage en solitaire et donc, conclusion ?… voilà.
Un Enfant de Toi
Tu as des enfants et ils sont grands maintenant, mon Amour. Mais je te propose quelque chose. Pour que tu penses enfin à toi et que tu t’aimes infiniment, tu seras ton propre enfant.
Dans une espèce de tendre schizophrénie, tu veilleras sur toi, tu t’occuperas de toi, toi qui t’es toujours occupée des autres. Tu te berceras dans tes propres bras quand tu auras de la peine et moi je veillerai sur vous deux.
Tu joueras avec tes poupées ou tes petites voitures, si tu te veux tour à tour petite fille ou petit garçon.Tu te feras ton éducation et tu découvriras le monde avec émerveillement. Tu seras ton propre enfant et tu t’élèveras toute seule, toi qui es déjà si haute pourtant, inaccessible comme les étoiles et pure au fond de toi comme les neiges éternelles. Voilà.
Ce ne sera pas très difficile et je te le prouverai en te chantant la chanson de Dylan dont le refrain dit :
« Elle prend comme une femme/ elle fait l’amour comme une femme/ elle souffre comme une femme/mais elle fond en larmes comme une petite fille. »
Et ça te fera du bien de pleurer sur toi-même mon amour parce que tu ne l’as jamais fait. Tu te trouvais d’autres priorités que de t’apitoyer sur ton propre sort. Mais en étant ton propre enfant, tu vas enfin voir toutes tes qualités, tous les trésors inexploités que tu as en toi et que tu n’as jamais soupçonnés.
Tu vas voir comme tu parles bien, comme tu écris bien, comme tu es inventive, surprenante et drôle. Et tu quêteras le compliment auprès de ton double adulte, déjà en admiration permanente de toi.
Alors, de t’être toi-même élevée dans cet amour et dans cette confiance, tu l’aimeras enfin le vilain petit canard que tu croyais être.
Et moi, je me reposerai enfin de cette merveilleuse fatigue d’être toi.
Francis Basset