Auteur et parolier, Francis Basset connaît la musique et au minimum toutes les chansons. Ses souvenirs, ses humeurs. Bonheur pur Collector !
Perathoner. Il y a de l’orage dans l’air, il y a de l’eau dans le…gaz, dans la chanson parfois…
Serge Perathoner est compositeur, claviériste, arrangeur et directeur musical, comme le résume Wikipedia, mais « de l’intérieur » il est beaucoup PLUS que ça. Quand je dis « de l’intérieur » je parle du coeur et des professionnels et amis. Son nom est souvent associé à celui de Jannick Top dont j’ai parlé ici même lundi dernier. Tous deux ont fait partie de cet âge d’or de la chanson française et canadienne, de cette dimension artistique où ils oeuvraient pour et avec Michel Berger, France Gall, Céline Dion, Luc Plamondon, entre beaucoup d’autres non moins talentueux.
Si je connais moins Serge que Jannick , et sûrement grâce et à cause de Jannick, j’ai réussi à lui extorquer quelques anecdotes, prélevées sur sa carrière de laquelle on pourrait en extraire cinq ou six, comme de la pierre à bâtir de solides et belles demeures.
« J’ai fait le premier Bataclan de Jane Birkin en 87. Tout le monde et surtout la production, était angoissé parce qu’elle était censée ne pas avoir de voix. Les consignes pendant les répétitions étaient donc de ne pas jouer fort pour ne pas la couvrir. Mais son charisme a finalement arrangé le coup et affirmé son timbre.
« Avec le temps » de Léo Ferré faisait partie du répertoire. J’étais au piano et elle était assise à côté de moi. Grande émotion durant la chanson et soudain une larme coule de son oeil. J’étais pris dans l’histoire, et puis fin de la chanson et applaudissements. C’était donc la première. Et le lendemain, on refait ce même titre qui faisait partie du tour de chant, et au même mot du même vers, la larme sort de l’oeil. Je me suis dit : « Alors elle, elle est trop forte ! »
On a joué pendant un mois et demi et tous les soirs, au même moment sur le même mot, déclenchement de la larme -en deux mots donc- ça s’appelle du professionnalisme ! »
Souvenir avec Michel Berger, pendant la comédie musicale la Légende de Jimmy au théâtre Mogador en 90.
« J’avais fait les arrangements et la direction musicale. Je bossais avec mon programmeur et Michel passait nous voir tous les jours pour savoir l’avancement des titres. Un midi où on avait déjeuné au restau, on est arrivés une demi heure en retard au studio. Et Michel était du genre précis, rigoureux, toujours à l’heure. La perfection dans le taf.
Du coup, nous on était un peu mals en arrivant au studio mais il souriait ! Il était au piano. Je commence à m’excuser et il me dit : « Non non, ça tombe très bien, il me restait un titre à composer et je l’ai fait en dix minutes. Ça s’appelle Géant. » Voilà. Il avait amorti les dix minutes comme d’autres auraient passé un coup de fil ou parcouru le Parisien. À quelque chose malheur est bon, dirait madame Couillaud.«
Et y’a eu Johnny… l’incontournable.
« On était au studio Gang. C’était pour l’album Cadillac, avec Rhoda-Gil et Jean Pierre Bucolo pour les musiques. Johnny n’était pas au studio parce que pendant les enregistrements, il s ’emmerdait. Donc, il est arrivé très tard le soir. Super sympa, presque timide et gênée, l’idole. Et légèrement éméchée. Et comme plein de monde passait dans le studio, y’avait des verres qui traînaient avec des restants de bière, de Ricard, de whisky, de gin… Et Johnny a sifflé tous les fonds de verre à la suite. Et il a écouté les titres, très content. Et il s’en va vers deux heures du matin.
Les studios Gang se situent dans une cour pavée en plein Paris avec des gens qui habitent au dessus. Il était venu en Harley, garée au beau milieu de la cour. Et il commence à la démarrer dans un boucan épouvantable. Y’avait des consignes comme quoi fallait quitter le studio en silence dans ces tranches horaires mais Jojo… bon.
Et il se met à donner de l’accélérateur à vide, vraam vraaaam, comme un vrai rockeur. Les gens commencent à se mettre aux fenêtres et à gueuler, ils ne savent pas que c’est Hallyday, ils s’en foutent de toute façon, ils veulent dormir. Et Jojo finit par recevoir des oeufs sur la tronche ! On regardait ça, sidérés. Et lui, imperturbable sur sa moto, vraam vraaaam, tout en essayant d’esquiver les oeufs. Il a fini par démarrer et s’est cassé, grand seigneur, avec des oeufs explosés sur le Perfecto.«
Serge m’a confié d’autres anecdotes, tout aussi inédites et truculentes mais j’ai été obligé de faire un tri arbitraire. Et de me rendre compte quand même, que la vie n’avait pas été trop chienne avec le Basset.
Distri-biteurs automatiques
Avec la fermeture des maisons closes, la chasse aux prostituées et l’amour virtuel frustrant, on va en arriver aux distri-biteurs automatiques.
On va se pointer devant l’appareil, un peu dans un renfoncement à l’abri des regards et il nous dira : « Sélectionnez votre sensation : vagin- bouche-anus. » Une fois qu’on aura choisi, il nous proposera un timing : « 3 minutes, 5 minutes, 10 minutes. » Puis : « Payez ! » Une fois qu’on se sera acquitté du montant : « Introduisez votre sexe ! » On appuiera alors sur Start et on s’envolera pour le bonheur. Sauf bug ou fausse manip où on aura droit à : « Retirez votre verge ! » Et on reprendra le cycle au début. Un petit film pornographique choisi au préalable défilera sur un écran grand comme un écran de tablette sous notre blaire. Ou alors on se passera notre propre film ou on regardera des photos perso sur notre portable.
Surtout, éliminer l’humain et le contact le plus possible. Tout doit se robotiser et la technologie doit prendre le pouvoir dans tous les domaines. Surtout le cul puisque c’est ce qui fait tourner le monde. Avec le pognon.
Après éjaculation, l’appareil s’auto-nettoiera comme les sanisettes Decaux. Les éjaculateurs précoces qui auront casqué pour dix minutes l’auront dans le cul, si j’ose dire. Et l’appareil ne rendra pas la monnaie. Les bruits d’orgasmes mâles seront enregistrés pour servir de fond sonore dans les librairies pornos.
Moi je dis que c’est beau le progressisme parce que c’est basé sur la décadence. Et quoi de plus beau, de plus pur qu’une décadence ? C’est ludique comme une euthanasie programmée, c’est jouissif comme une auto-destruction et ça évite de passer pour un ringard, un passéiste, un rétrograde, voire même un facho. Ce qui est quand même le but suprême de notre venue sur terre.
On pourra mettre ces distri-biteurs dans les entreprises, dans les écoles et les restaurants . Et surtout dans les lieux publics, comme les défibrillateurs. Et je ne parle pas de la baisse de la démographie qui va se répercuter bénéfiquement sur l’écologie. Trop fort Basset.
Ils allaient si bien ensemble
Il nous est arrivé d’être témoins de ce genre de situation où la nana n’aime plus son mec et crée l’inquiétude autour d’elle. J’ai pris la femme parce qu’elle est, à mon sens, plus ancrée que l’homme dans la fidélité et l’honnêteté. « Ils allaient si bien ensemble« , « ils étaient tellement amoureux« , « on enviait leur connivence, qu’est-ce qui a bien pu se passer ? » Eh ben, il s’est passé qu’elle est tombée follement amoureuse d’un autre homme.
Au début c’était un jeu d’accointances, de goûts communs, de vibrations dans le même domaine et puis ça a gagné dans un autre registre, petit à petit . « Like a cancer grows » comme chantaient Simon et Garfunkel dans The Sound of Silence. Mais là c’est un beau cancer. Un cancer qui fait mourir, mais d’amour. Alors les amis communs cherchent à faire quelque chose, ils organisent une thérapie par la parole pour voir où ça a merdé et rapiécer la voilure du beau bateau d’amour avec capitaine Troy à la barre. Mais la casquette a changé.
L’ex-amoureuse de son mec écoute les autres palabrer mais c’est comme s’ils pissaient dans un violon. Le violon c’est pour le nouveau maintenant. Et la harpe, et les oiseaux, et les petits coeurs et toute la foule des attirances nouvelles. Sa Vérité à l' »adultérine » désormais c’est l’autre. Celui qui était sur le banc de touche et qui attendait. Et il a bien fait parce qu’il a fini par la toucher la belle. Du bout du coeur et du bout des doigts. Et les bonnes volontés continuent de s’évertuer à rétablir les amours de base.
Mais elle, comme une gazelle capturée qui accepte de manger dans la paume de son hôte, appuie ses petites cornes contre la barrière de l’enclos. Sa Vérité n’est pas d’être enfermée et d’être nourrie à coup sûr mais d’être libre et de courir, quitte à être déchiquetée par un fauve (allégorie empruntée à Saint-Exupéry). Ainsi sont la grandeur et la vacuité de l’amour et de la vie. Et du jeu du hasard des rencontres qui la changent inexorablement.
Francis Basset