La Bande Originale d’un Rock’ n’ Râleur : un Mec au Top, Jannick !!

Jannick Top-Rock'n'Râleur-ParisBazaar-Basset

Auteur et parolier, Francis Basset connaît la musique et au minimum toutes les chansons. Ses souvenirs, ses humeurs. Bonheur pur Collector !

Jannick Top, le bien nommé 

J’ai travaillé pendant trois ans à la Commission des programmes de la SACEM avec lui. On se retrouvait tous les mardis pour débusquer les impostures. Comme je l’avais expliqué pour Hervé Cristiani, avec qui j’ai travaillé  trois ans à cette même Commission des programmes, des petits malins d’animateurs s’amusent à faire passer des textes de plateau « Bonjour à  tous, il fait beau aujourd’hui, vous avez bien fait caca ce matin, Gilbert ? » pour des oeuvres originales qui valent coefficient 6 , comme des chansons de Brel, Renaud ou Michel Berger ou des sketchs de Raymond Devos ou Blanche Gardin, alors que leur blabla rudimentaire ne vaut que coefficient  1. 

C’était donc à  nous, Jannick, moi et les autres membres de la Commission de télécharger les émissions et de séparer le bon grain de l’ivraie. Parce qu’avec cette façon de procéder, certains aller chercher leurs droits d’auteur trimestriels avec une brouette. J’étais assis à deux mètres de Jannick et je regardais ce monument de la musique faire son travail. Je bossais à côté de cette montagne de swing qui avait joué dans Magma et accompagné Berger, France Gall, Scheller, Dutronc, Hallyday, Lavilliers, et travaillé avec Ennio Morricone.

Il était avare d’anecdotes sur ceux qu’il avait accompagnés. Pourtant, il en avait rattrapé des « pains de mesure » comme on dit dans le jargon musicien. Et il en avait supporté des égos de soi-disant chanteurs qui confondaient un son de piano Rhodes avec un son guitare et qui ne différenciaient pas un si bémol d’un chauffe-eau. Il restait discret mais un jour il s’est lâché.

Il faisait les arrangements pour un groupe de rap du 93 et il avait étalé ses scores sur la console du studio d’enregistrement. Les rappeurs ont alors fait cercle autour de lui en se poussant du coude et en se foutant de sa gueule : « Ouah, Mozart, Mozart ! » Pliés de rire, les rappeurs. Jannick s’est aperçu que les temps avaient vraiment changé. C’était très mal vu dans « ce qui se faisait aujourd’hui  » de savoir lire et écrire la musique. Bientôt, on va se foutre du chirurgien qui met un masque et opère avec un scalpel désinfecté. 

Alors du coup, Jannick est allé écrire ses arrangements en douce dans les chiottes du studio pour ne plus être sous le coup des « moqueries ». Parce qu’évidemment, pour la bien pensance, tout ça n’est pas bien méchant. Et puis, hein, se faire traiter de Mozart, c’est quand même flatteur !

Dans le même genre, il avait été confronté à  un « chahutage » du même tonneau dans le métro. Il habitait porte de Vincennes et sur cette ligne de métro un jour, au moment de descendre à un arrêt, il dit à une jeune nana un peu bousculée derrière lui : « Je vous en prie mademoiselle… » pour qu’elle descende en toute sécurité. Un mec derrière Jannick, pieds sur les sièges, l’a désigné à ses potes : « Oh l’autre, lui ! Mademoiselle, je vous en prie mademoiselle ! » Ils se tapaient sur les cuisses de rire. C’était tellement surréaliste pour eux de laisser passer une jeune femme et de lui dire : « Je vous en prie mademoiselle… » C’était comme si Jannick avait dit : « Sans vouloir faire commerce d’amitié à votre encontre et avec tout mon respect, je vous prie, céans, de passer devant moi. C’est une prière qui vaut commandement mais je ne suis que votre serviteur, mademoiselle.«  

Pour rester dans l’ambiance rap, on avait le projet Jannick et moi d’adapter sur le mode rap cette vieille chanson d’Ouvrard : Je n’suis pas Bien Portant. « J’ai la rate qui s’dilate, j’ai le foie qu’est pas droit, j’ai le ventre qui se rentre, j’ai l’pylore qui s’colore, l’estomac bien trop bas et les cotes bien trop hautes… »

Et puis y’a eu la vie. Et j’ai appris qu’il n’était pas très bien portant non plus en ce moment…ce sont toujours les meilleurs qui ne sont pas bien portants.

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De l ‘arrière-train où  vont les choses…

Du train où va le politiquement correct, inversement proportionnel aux crimes de sang, précisons-le toutefois, on n’aura bientôt plus le droit de s’insulter pendant l’acte sexuel pour donner du piquant à l’histoire.

Le bBig Brother du sexe va venir nous traquer jusque dans nos chambres à coucher, les alcôves et les sous-bois. Ainsi les : « Tu me fais jouir mon salaud, continue, t’arrête pas !! » va devenir : « C’est agréable ce que je ressens par tes bons soins mon gentil partenaire et amant régulier ! » Et : « Je vais t’en mettre plein la ch…avec ma grosse qu… !! Je vais te tirer les larmes, ma chaudasse ! » va devenir :  » Je vais m’attarder en toi par un mouvement régulier avec mon pénis ici présent, qui en vaut un autre tu me diras. Mais y’a pas d’obligation, jolie petite Sheila, jolie petite Sheila, c’est toi qui as pris mon coeur… »

Voilà à peu près où on en est. Je suis bien content d’avoir pris ce qu’il y avait à prendre pendant les trente glorieuses, bande d’enculés ! Oh, pardon.

Cela dit, je voudrais bien savoir quel est le but sous-jacent de tout ça. Pour l ‘Éducation nationale, je sais. La simplification de l’orthographe par exemple c’est pour que les plus nuls aient la sensation de maîtriser la langue en écrivant « farmacie » ou « falus », voire même carrément « bite » . Mais pour le sociétal ? C’est quoi la finalité ? Encore plus de moutons pour dissuader les loups dans la bargerie comme moi en les gavant ? Et pourquoi on ne peut plus s’exprimer en relief, à la Audiard ?

Parce qu’un gros, une lesbienne, un ajusteur pourraient être choqués par un mot malencontreux ou collatéral ? Et alors ? Ils en mourront moins que d’un tir de Kalachnikov en terrasse de café ou que d’un égorgement dans les transports en commun. Pourquoi un tel grand écart entre la violence réelle qui envoie au parc à losers avec fleurs en plastique et pierres tombales, et la « violence » de certains mots « stigmatisants » ? C’est quoi le but ? L’égalité totale ? Sans la liberté et la fraternité ? J’avoue que je fatigue un peu. 

L’idéal pour survivre psychiquement dans cette époque serait de se faire reformater le cerveau. Une bonne trépanation et hop, on remplace l’odeur de la rose par celle de la merde de chien et on vire tous les codes d’honneur pour les remplacer par les Cinquante Nuances d’Enculer tout le monde. Ainsi roustait Parlathoustra… ma tête est malade.

Sanson-Rock'n'Râleur-ParisBazaar-Basset

Coupez ? On la refait !

Insupportables ces gens qui vous coupent la parole. Avec la même froideur clinique, la même intrusion déshumanisée qu’un GPS. Vous avez à peine exprimé votre pensée que l’autre vous coupe comme si vous le barbiez depuis un quart d’heure. C’est du viol cérébral. Un irrespect dont je ne peux plus m’accommoder. J’ai envie de baffer lourdement dans ces moments-là.

Et ça leur paraît d’autant plus naturel à ces gougnafiers qu’ils le voient à la télé. Le « vu à la télé  » aura fait beaucoup de mal. Aussitôt que quelqu’un développe une idée, argumente, intéresse, l’autre en face le coupe pour le ramener au milieu du ring de l’ineptie et du prêt à penser.

J’aimerais tant me reprendre à croire en l’humain…mais non. Alors je regarde une émission animalière où un hérisson s’occupe de ses petits. Ou un chat qui prend le soleil sur un rebord de fenêtre. Comment peut-on délibérément faire du mal à ces bestioles sans avoir été au préalable décérébré ou avoir été greffé d’un bac à glace à la place du coeur ? Les petits enfants ne supportent pas les souffrances des animaux. Ils préfèrent que les gens meurent à leur place. Je les comprends de plus en plus.

Le bourreau de la Révolution, Charles-Henri Sanson, raconte dans ses mémoires qu’il avait arraché le Bailly, premier maire de Paris, et la comtesse du Barry au lynchage, et qu’il avait vu une infinie gratitude dans leurs regards quand il les avait placés enfin sur la bascule de la guillotine. Je comprends. J’aurais ça aussi quand je m ‘arracherai de ce monde. Ou quand « on » m’y arrachera. Ce « on » qui erre au milieu de la vie, dans un restau, dans le métro, dans la rue, et qu’ « on » continue de nier farouchement. 

Mais tout va bien. Je vais aller me laver les pieds. Le Christ ne peut pas être partout.

Francis Basset

 

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