Il a vu au minimum tous les films et il préside la Fédération Nationale des Cinémas Français. Avec Richard Patry, chaque mercredi, trois bonnes raisons d’aller au cinéma. Début de séance !
C’est sur le nouveau film de Stéphane Brizé que j’ai eu envie d’ouvrir la chronique de cette semaine. Je n’adhère pas toujours à ces positions, que je je trouve parfois un peu manichéennes, mais j’aime beaucoup ce cinéaste.
Avec Un Autre Monde, il vient clore une trilogie exigeante et passionnante qu’il avait initiée en réalisant tout d’abord En Guerre, où il abordait le thème des licenciements. En signant ensuite La Loi du Marché, où il s’intéressait à un chômeur de longue durée contraint d’accepter un job de vigile dans un supermarché.
Dans Un Autre Monde, il nous raconte ce qui se passe en quelque sorte de l’autre côté de la rive avec l’histoire d’un cadre supérieur, qui a lui aussi quelqu’un au-dessus de lui et qui lui impose d’appliquer une mesure qui doit aboutir à une cinquantaine de licenciements mais dont il n’est absolument pas convaincu qu’elle permette de sauver l’entreprise.
Il doute, et parallèlement sa vie privée est en train de partir en lambeaux. Un délitement auquel sa propre situation professionnelle n’est pas totalement étrangère, puisqu’il a en effet de plus en plus de mal à cloisonner sa vie de cadre et sa vie d’époux et de père.
Brizé filme cette histoire au plus près de ses personnages, et prouve si besoin était qu’il est un très grand réalisateur. Faut-il préciser que Vincent Lindon est remarquable ? Il est simplement le plus grand acteur français du moment et il le montre ici encore. Il retrouve son ex-femme, Sandrine Kiberlain. Et leur fils est interprété par Anthony Bajon à qui elle a d’ailleurs confié l’un des rôles principaux de son premier film, Une jeune fille qui va bien dont je vous parlais ici-même il y a quinze jours. On est comme en famille.
Également au générique, et pour la première fois dans un rôle de pure composition, la journaliste Marie Drucker, bluffante dans son rôle de supérieure hiérarchique implacable qui porte en elle la toute-puissance de l’entreprise mondialiste et capitalistique.
Ce n’est que justice, Un Autre Monde est en lice à la Mostra de Venise, on croise les doigts !
Dans un registre tout à fait différent, une autre belle réussite, avec Maison de Retraite, la nouvelle comédie de Thomas Gilou, à qui on devait déjà et entre autres la trilogie de la Vérité si Je Mens.
Je vais être franc, je n’y allais pas en reculant mais pas non plus avec un enthousiasme fabuleux. Le film, pourtant m’a cueilli ! C’est typiquement le feel-good movie comme je les aime ! J’ai passé un vrai bon moment et un moment en outre très intéressant, parce que l’histoire fait écho à nos propres questionnements sur le grand âge et nous invite finalement aussi, sans grand discours, à réfléchir sur la façon dont nous sommes ou serons amenés à accompagner nos propres parents.
À travers le parcours d’un jeune homme condamné à effectuer des travaux d’intérêt général dans une maison de retraite, on voit des employés qui font ce qu’ils peuvent mais qui peuvent peu, des personnes âgées délaissées par leur famille, des personnes âgées qui perdent leur autonomie mais qui sont encore capables de tomber amoureuses. On voit comment des résidents s’efforcent malgré tout de continuer à vivre, à espérer et à se serrer les coudes.
Le casting est absolument fabuleux. Il y a Gérard Depardieu, Mylène Demongeot, Firmine Richard, Liliane Rovère, Jean-Luc Bideau, Jarry. Daniel Prévost est exceptionnel en malade d’Alzheimer qui va tomber amoureux de Marthe Villalonga. Antoine Duléry est lui aussi très bien dans le rôle de directeur gros escroc. Quant à Kev Adams, et je ne dis pas ça parce que c’est un ami, c’est un merveilleux acteur et il le prouve. À les regarder toutes et tous, on sent tout le plaisir qu’ils ont eu à jouer ensemble !
Il ne s’agit évidemment pas d’un film politique. Je l’ai d’ailleurs vu avant que n’éclate l’affaire Orpéa. Mais il fait à sa façon écho à cette actualité. Et encore une fois, si on rit, si on est touché, on réfléchit aussi. Notamment sur la transmission, et la façon dont notre société regarde et gère le grand âge. J’ai beaucoup, beaucoup aimé !
Enfin, je vous conseille vivement la Vraie Famille, de Fabien Gorgeart, avec Mélanie Thierry, Lyes Salem et Félix Moati. L’histoire d’Anna, bouleversante Mélanie Thierry, qui vit avec son mari, ses deux enfants et le jeune Simon, placé dans leur famille par l’Assistance Publique quand il avait dix-huit mois. Il a six ans lorsque son père biologique se manifeste et exprime le désir d’en récupérer la garde.
On assiste à la douleur de la séparation et au délitement de cette famille où jusqu’ici tout se passait pour le mieux. Et ce qui est très réussi, c’est la façon dont Gorgeart filme et raconte cette histoire. En évitant le manichéisme qui aurait par exemple pu faire de la mère d’accueil et du jeune garçon les victimes d’un père salopard, et des services sociaux une machine administrative froide et implacable.
Anna est certes totalement tiraillée et déchirée mais le père, magnifiquement interprété par Félix Moati, est restitué dans sa légitimité. C’est un film qui avec beaucoup de finesse et d’intelligence parle de la famille et de ce que veut dire la filiation. À voir absolument !
Sur ce, bonne séance à toutes et à tous. À mercredi prochain. Et vive le Cinéma !
Richard Patry