« Nous Sommes ce que nous Fumes » VIII : le Feuilleton de Paris Bazaar

Nous sommes ce que nous Fumes-Tarzan Jane-ParisBazaar-Bergman

Avec Boris Bergman suivez les folles aventures d’Alex Korn, songwriter passé de vie à trépas. Vous découvrirez que l’Enfer n’est pas ce qu’on croit, qu’il est même très bien fréquenté et que l’ange Gabriel porte le Perfecto. Un feuilleton totalement barré. Un bonheur pur Bazaar !

CHAPITRE VIII : a Girl called Sue, a Boy called Bo…

Où la mémoire d’Alex se perd dans les yeux de Sue, sur la douze cordes de Bo Craddock et peut-être dans les couloirs de la zone A. Où l’on s’aperçoit qu’au dessus de Sergio Leone et de Jim Morrison il y a un chef… Un cerveau qui va les aider à se faire la belle…

« Sergio nous refait du cinoche,

Jim soigne son image

Marlène roule une galoche

Au beau garçon d’étage…

Extérieur nuit, tristes sires

À la bouche belle écume

Où sont les fous d’avenir…

Nous s’rons c’que nous fumes, Fuck tes plumes…

Y’aura des quais d’Enfer,

Quelques beaux culs de brunes »

Nous sommes ce que nous Fumes-Troubadour-ParisBazaar-Bergman

« La pluie me manque. La pluie, la belle pluie… Le derby de mon père résiste courageusement à un orage qui se veut britannique. Il doit pleurer. Ça n’se voit pas. Je n’ai pas eu l’temps de lui donner le mouchoir aux initiales de tante Macha. Le haut parleur de Gatwick Airport m’invite à me présenter à l’embarquement. Je ne le reverrai pas, si une fois, lors de sa visite surprise au studio où l’on enregistrait ma première chanson. Il pleut rarement dans ce coin de Californie… »

–  Tu peux sauter c’passage, Léonide ?

–  Comme il te plaira, Gabriel

–  Hum hum..

– «… le rire de Sue est venu se coller sur la buée du miroir de la salle de bains. Gabriel a bien fait les choses… »

Ça c’est gentil.

« … tout y est, l‘huile d’Argan, le coupe choux de chez Wilkinson et le séchoir avec le sticker de Wanda et ses sirènes dessiné par le grand Alex Raymond. »

–  On s’en fout, Léonide. Va plus loin…

–  Tu m’laisses lire oui ou non ?« La mousson avait pris en grippe ce coin de Los Angeles. Il était environ vingt deux heures, heure locale au « Troubadour » : L’heure où les nuits blanches du rock’n’roll et du Stand-Up passent leur premier test. Il était seul sur scène. Sur le tabouret de bar à sa gauche, une boite à rythme. Entre les mains, une Martin 12 cordes Custom. Il a chanté Gene Vincent, Cochran, J.J. Cale et Buddy Holly dans l’indifférence générale. Ùn homme d’affaires texan lui a balancé sa Budweiser sur les santiagues…

Bo Craddock ne bronche pas. Il remet la Martin dans le flightcase. Fait un doigt d’honneur et s’évapore derrière le rideau.

Une jeune folkeuse traine son tabouret sur la scène sous le projecteur unique et vieillissant. Deux chanteurs plus tard, j’entre dans la loge de Bo Craddock qu’il partage avec une vieille gloire du bluegrass. Bo agite une cuvette turquoise pour qu’elle recueille l’essentiel de la fuite.

Il dit sans se retourner :

–  Robin Williams a la loge au-dessus. Il a fumé un pète de trop et laissé débordé le lavabo.

–  Qui es-tu?

–  Alex Korn.

–  Je m’appelle Bo Craddock. Ce n’est pas mon vrai nom. C’est le vrai de Gene Vincent. J’espère qu’il ne m’en voudra pas… Qu’est-ce que j’peux faire pour toi ?

–  Faire des chansons ?

–  Ça tombe bien, je n’ai pas d’auteur. Mon chauffeur essaye mais il n’est pas encore au point.

La mousson s’est retirée. Nous nous sommes mis au travail, bien que ce mot nous soit resté étranger jusqu’à la rupture… »

Nous Sommes ce que nous Fumes-Tarzan-ParisBazaar-Bergman

 Pourquoi tu n’lis pas ce passage, Léonide ?

–  Il l’a rayé  comment veux-tu que je lise ?

–  Laisse-moi essayer… « À un frère d’arme qui n’en n’a jamais portée… » Si ça n’est pas un départ de chanson, je veux bien être… Non, je n’veux pas. On arrête la lecture… Va me le chercher.

–  Laisse-le se reposer, Gabriel. Tu l’as déjà assez fatigué.

–  J’aime de moins en moins comment tu m’ parles, Léonide Yakovitch.

–  Il a écrit ça quand ?

–  Récemment.

–  Et pourquoi tu ne m’as pas rapporté son journal plus tôt ?

–  Ça n’me paraissait pas si urgent, Gabriel. Où est le problème ?

–  Il est trop mélancolique. Ça se sent dans son travail avec moi. Je veux faire des chansons qui marchent. Pas des tunes qui pleurent et se souviennent… Y en a que pour Sue et ce Craddock. Il faut qu’il arrête. J’ai bien lu. C’est limite choquant.

–  Gabriel, la masturbation peut aussi être un aveu de nostalgie.

–  Tu as raison, lis-moi la suite.

– On en était où?

– Au passage où il parle de Johhny Weissmuler-Tarzan.

– Comment tu sais ? Tu l’as déjà lu ?

– Bien sûr, mais tu lis si bien.

« Los Angeles 1980. 

J’ai deux place pour le show Kurt Weil. Il ne me reste plus qu’a faire un tour au « Hollywood Legend » , ce magasin sur Melrose où le vieux Texan vend Stetsons et costumes de studio bradés aux enchères .

Je traverse la rue pour rejoindre Fairfax Avenue… Là, j’achèterai quelques yiddish vinyles pour le paternel et me finirai chez « Canter’s » devant un pastrami XXL.

Un homme exsangue attend que le feu passe au vert. Il rejoint la maison des vieux artistes au coin de Melrose et Fairfax. Il pousse un déambulateur. Il me regarde. Sourit. La nurse qui l’accompagne me sourit aussi. Je le connais.
Quelques cornichons au sel plus tard, mon deuxième cerveau me livre le résultat de son enquête : « Lui Tarzan, moi Alex. » Johnny Weissmuler, les nageoires bouffées par le crabe m’a souri. Cadeau. »

C’est bien ce que je disais, Léonide. Il est trop triste. Faut faire quelque chose… On lui envoie des putes ?

– Ça n’servirait à rien, Gabriel. Depuis que Sue l’a quitté, il ne bande plus.

– Et l’assistante de Fink ?

– La Viking ? Ça l’ changerait du chantage au lit que lui fait son patron.

– Tu parles de Fink, John Fink ? Qu’est ce qu’il devient celui-là ?

– Il est malheureux, tu lui as supprimé internet. Il ne peut plus débiner les copains.

– Tu ne l’aimes pas, n’est-ce pas ?

– Pourquoi, tu l’aimes ?

– En tout cas, tu m’as donné une idée pour notre prochain texte avec mister Korn…

– ???

– « Moi Tarzan, toi Jane, je fournis la liane. »

De l’autre côté de la salle de billard où L’Ange et Léonide lisent son journal, Alex a ramassé une lettre glissée sous sa porte.

« Rendez-vous ce soir à l’heure ou tous ronflent. Des artistes qui ne te veulent que du bien ».

P.S : Le chef qui est un ami viendra te chercher.

P.S 2 : Avale ce message, on ne sait jamais. Tu ne risques rien, c’est du papier coton bio. »

Alex lit et avale. Il se laisse tomber sur le Futon. La voix de l’Ange résonne du petit haut-parleur de sa chambre.
« Laurel sans Hardy s’enrhume. Sont-ils ce que nous fumes sans nos plumes ? J’attends au quai des Brunes »… C’est beau non ?
Radine-toi.

Alex ignore, au sens anglais du terme, la demande de l’Ange. Il se relève. Fait plonger la plume sur le cahier recyclé.

« Bo m’a rarement parlé de se parents biologiques. Je crois que sa mère était une Huron du Québec et le père un Irlando-
Ashkenaze. Ça existe. Il a hérité de la Martin 12 cordes de son Mentor. C’est tout ce dont je me souviens. Je dois l’avouer, ma mémoire brouille les pistes et mon deuxième cerveau reste muet.

Nous sommes ce que nous Fumes-Venice-ParisBazaar-Bergman

Venice, Santa Monica et le manège.

Le sable de la plage s’infiltre dans les santiagues de Bo Craddock. Les enlever serait pour lui un aveu d’impuissance.
La silhouette noire contraste gentiment avec les bermudas à fleurs et les maxi ceintures des pom pom girls qui apprenent à jouer au volley ball avec les princes du biceps de Santa Monica.

Je regarde Bo de l’estrade en bois où je négocie le burger sans fromage avec la Portoricaine au double bonnet C du café de la plage. Bo doit gamberger l’orchestration de la chanson que nous avons enregistré la veille dans la chambre du motel où Bo cherchait les accords et le phrasé du texte qu’il avait fait glisser de mes mains en essayant bien sûr de ne pas me réveiller.

Et une salade César. C’est l’heure où Bo se plaint que son burger est trop cuit. L’heure où Tamara klaxonne de sa décapotable rouge. C’est aussi l’heure où la belle Georgienne de Tbilissi m’embrasse sur le front tandit que le chanteur lui tape sur les fesses.

À l’arrière de la décapotable, Bo cherchera d’autres accords. Je lui propose une phrase qui peut être l‘accroche du refrain :

« Loving you was hurting you »

Le soleil se couche avec la rouquine. Tamara nous mate avec approbation.. »

–  Knock knock, c’est nous.

–  Qui c’est nous ? répond Alex qui s’est endormi sur son journal de bord.

–  Nous, c’est Jim Morrison…

–  … Sergio Leone et « il capo »

–  Le chef n’est pas encore là. Il ne va pas tarder.

Le chanteur des Doors et le metteur romain se voutent en se glissant dans la chambre d’Alex.

Je peux lui servir un verre d’eau, il est très énervé.

– Bien sûr, Sergio .

– J’admets, Sergio. J’en ai peut-être un peu trop pris mais au lieu de me soigner sur place ou de me ramener des chiottes du Bus Palladium chez moi, ils m’ont mis ailleurs histoire qu’on n’ferme pas la boite…

Sergio se tourne vers Alex.

–  C’est tous les jours comme ça depuis qu’on est ici, dio mio. Qui m’a foutu un complice pareil.

–  Jiminy, tu as eu une fin de rocker… Regarde-moi, je suis mort à cause des pâtes.

–  Pardon ?

–  C’est moi qui faisais la bouffe après chaque réunion de travail et sur le plateau quand on tournait. Overdose de linguini = crise d’apoplexie, surpoids, ventilation et couic.

Alex leur fait de la place sur le lit.

Et si on parlait de la raison de cette visite tardive.

Jim prend la parole.

Je reviens de la salle des machines. C’est un leurre. À part l’automate qui a la tête de Robin William et qui se fout de ta gueule, rien. Si, une belle avenue de cannabis Sativa… Mais pas plus de sortie que de graine dans une bonne Sensemilla.

Sergio enchaîne.

–  À notre avis, la sortie est quelque part dans la salle de billard. C’est là que l’Ange passe le plus clair de son temps. Chaque boule porte nos noms. Et ça lui fait du bien d’nous taper dessus.

–  Sergio, restons sur le sujet.

–  Tu as raison, Jim. L’Ange Gabriel ne s’est pas toujours appelé Gabriel. Il était organiste d’entracte au cinéma Plaza à Londres.

–  Et alors, messieurs ? dit Alex qui peut enfin en placer une.

–  J’ai ouïe dire que notre figlio de migniota adorait le moment où après avoir accompagné le générique d’un film , il disparaissait progressivement avec son instrument par la trappe installée devant l’écran.

–  Ce qui veut dire que ce cabot nostalgique a certainement réédité cette minute de gloire éphémère en faisant construire une trappe qui mène vers l’extérieur.

–  Qu’est ce qui vous fait dire ça ?

–  Alex Korn, vous avez entendu parlé du « Croupier de la Nuit »

–  Je l’ai entendu tout court…

–  On le voit entrer avec l’autre dans l’bureau de Gabriel. On n’les voit jamais sortir.

–  Sergio a raison, Alex. Il y a une trappe dans la salle de billard… Et il se pourrait bien qu’elle se trouve sous le billard lui-même.

–  Je suis le seul à pouvoir y entrer et vous comptez sur moi pour jeter un œil et vous informer.

–  Bravo bravissimo Alex. Je peux t’embrasser ?

–  Non.

Un bruit de pas fait trembler les murs du couloir. Alex ressert du thé. Se tourne vers nos deux amis.

– «Le Croupier de la Nuit» ?

– Non, je connais cette démarche. C’est celle du chef, notre chef…

Nous sommes ce que nous Fumes-Sunset bvd-ParisBazaar-Bergman

À suivre…

Boris Bergman

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

VOUS AIMEZ ? REJOIGNEZ-NOUS ET ABONNEZ-VOUS !

DÉCOUVREZ MAINTENANT