Savary et Zaffuto : Créateurs de Joie

Savary et Zaffuto-Créateurs de Joie-Ouv-ParisBazaar-Marion

Avec Fantasma, Circus Erotica, Manon Savary et Marc Zaffuto embrasent les Folies Bergère, renouvellent le Cabaret et font souffler un vent de liberté qui décoiffe autant qu’il réjouit. L’un des grands bonheurs de cet été à Paris !

 

Heureusement.

Même si les jours d’avant étaient encore lourds de l’inquiétude de ce que nous avaient laissés entrevoir leurs possibles lendemains, dont on pensait au minimum qu’ils ne prêteraient pas à sourire, même si le pays, plus sage que ses porte-voix pyromanes, avait une fois encore fait le choix de la raison, persistait jusqu’à la nausée cette idée qu’on avait évité le pire d’un rien. Heureusement, le meilleur attendait son heure.

On n’allait pas attendre longtemps. Pour les avoir rencontrés avant que les urnes ne parlent, on les savait de toute façon impatients de revenir. Las Vegas, son Strip et son Venetian, qui auraient bien aimé les mettre en cage dorée comme Presley, n’avaient finalement pas su les retenir.

À croire qu’ils n’attendaient que l’été prenne enfin ses quartiers, Manon Savary, Marc Zaffuto, leurs rêves et leur troupe d’incroyables retrouvaient ce soir-là Paris et les bien nommées Folies Bergère, l’écrin où tout avait commencé.

Avant que Thomas Jolly n’unisse lui-même les deux rives du fleuve dans une éblouissante cérémonie d’ouverture des Jeux formidablement joyeuse, émouvante et inventive, de celles qui ne demandent pas la permission mais écrivent l’Histoire, la bande du Fantasma Circus Erotica, à l’avant-garde en cet autre soir de juillet, donnait le ton et affichait les mille et une couleurs d’un monde qu’on pensait bientôt sommé de disparaître. Celui de la liberté.

Liberté de rêver, de désirer. Et puis d’oser. Oser se vêtir de cuir, de strass, de plumes ou juste de lumières. Oser onduler, vibrer, danser, bander, et vivre. Car, chacun ses fantasmes, au fil des scènes comme des tableaux vivants, oniriques, spectaculaires et ensorcelantes, Fantasma réunit celles et ceux qui s’aiment.

Un cabaret XXL pour voir la vie en triple rose, qui fait tomber les murs à l’ombre glacée desquels les angoissés de tout comme les petits boutiquiers de la haine s’enferment.

Fantasma, Circus Erotica, un instant passé trop vite qui ravit les yeux autant qu’il enjaille le palpitant. Le pas de côté qu’on n’attendait plus à force de lignes monotones et anxieuses. L’antidote aux poisons du temps, dont nul n’ignore qu’il procèdent d’injonctions quand ce n’est pas d’oukases.

C’est que dans cette famille que Manon Savary et Marc Zafutto ont composée, on sait faire aussi beau que simple, finalement. Grandes, trapus, secs, rondes ou body buildés, tatoués, lianes élancées ou félines bondissantes, filles et garçons ont la fesse aimable et belle.

Et qu’on rie, qu’on chante, ou qu’on pleure, qu’on se porte vers elle ou qu’on le serre contre soi, on est de tous les genres. Du genre humain, surtout.

Savary et Zaffuto-Créateurs de Joie-Croisé 1-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

« Cet art s’est un peu encroûté ces dernières années, mais le Cabaret c’est un art qui est une réaction directe au monde qui nous entoure et qui doit le redevenir » …

 

« Marc Zaffuto: Écoute, le vivant, l’amour, la liberté, cette envie-là, avec Manon, ça fait bientôt dix ans qu’on travaille ensemble, c’est le moteur de tout ce qu’on fait créativement… Et…

Manon Savary : … Oui, et l’inclusion, la tolérance… Et en effet, c’est vrai que dans les temps bien sombres dans lesquels on vit, si on peut faire en sorte que le public sorte de ce spectacle avec le coeur plein d’amour et qu’il le diffuse autant que possible autour de lui, on est déjà très heureux (sourire) !…

Marc Zaffuto : Et c’est vrai, on le sent souvent ça après le spectacle, parce qu’après le spectacle il y a cet after-show Fantasma où les spectateurs se retrouvent avec les artistes, échangent, prennent des photos, et on voit le public qui sort tellement libéré, heureux… ça nous touche tellement !

Paris Bazaar : Vous vous appropriez les codes du Cabaret en les dépoussiérant, et en les mettant au service d’une universalité qui fait tout l’engagement de Fantasma. Et c’est joyeux avec vous…

Marc Zaffuto : C’est joyeux parce que je crois qu’on est foncièrement joyeux tous les deux (rires) ! Et qu’on s’imagine pas être autrement (sourire) !  Depuis le début, depuis qu’on commence à créer, à imaginer les tableaux, l’énergie qu’on a envie de donner, c’est joyeux avec Manon…

Et puis, oui, en ces temps compliqués, en particulier pour la communauté LGBT+, qui est très très malmenée en ce moment, dans certains pays mais chez nous aussi où il y a un gros relent d’homophobie, sans chercher à faire un spectacle militant, il y a un engagement, oui.

Manon Savary :  Et en parlant justement des codes du Cabaret, c’est pour nous aussi la définition même du Cabaret ce qu’on fait en définitive.

Cet art s’est un peu encroûté ces dernières années, mais le Cabaret c’est un art qui est une réaction directe au monde qui nous entoure et qui doit le redevenir.

Et nous, c’est vrai que de manière assez naturelle, on se nourrit de ce qui nous entoure et la magie du Cabaret, c’est exactement ça, c’est de parler de choses, de les rendre universelles et en même temps d’être une caisse de résonance par rapport à ce qui se passe dans la société. Justement, les conflits, les tensions, le manque de tolérance.

Et c’est très important pour nous de dépoussiérer ce Cabaret et de faire en sorte qu’il soit accessible à tous, dans une belle salle comme celle-là, et plus dans les caves et dans les petits lieux underground, où ce Cabaret-là, pour le coup, a toujours existé !

C’est vrai que c’est aussi un honneur pour nous de mettre des artistes sur cette grande scène et de se rendre compte qu’il n’y a pas que notre public naturel, qu’on peut toucher d’autres publics… Et une fois de plus, s’ils peuvent sortir de ça un peu plus tolérants, on est ravis (sourire) !

Marc Zaffuto : Au début, on s’est dits qu’on allait toucher une communauté mais très vite, on a vu que ça touchait des personnes très différentes, des personnes de tous âges, de tous milieux, d’autres générations, qui étaient debout à applaudir un François Sagat (icône française du porno gay-ndlr) en train d’exprimer quelque chose autour de la fantasy porno… C’est surprenant (sourire).

Manon Savary : Ah oui, on s’est quand même retrouvés avec une petite dame qui devait bien avoir 80 ans, debout au premier balcon, en train de taper dans les mains pendant le strip du pilote ! C’était génial de la voir !… On a dû toucher l’un de ses fantasmes peut-être à cette dame, allez savoir (sourire)… »

Savary et Zaffuto-Créateurs de Joie-Croisé2-ParisBazaar-Marion ©Jean-Marie Marion

« Quand tu regardes Fantasma, Circus Erotica, tu rigoles, tu es touché, tu peux pleurer, tu peux être excité, il y a plein de choses et tous ces sentiments se mélangent » …

 

« Marc Zaffuto : C’est ça qui est pas mal ! À travers le prisme du fantasme, on touche au rêve, à l’intime, et en même temps il y a quelque chose de très universel… Et les gens, tout d’un coup, chopent quelque chose dans le spectacle qui les touche intimement…

Et puis, quand on parle de fantasme, on parle d’érotisme, on parle de sexe mais en fait, on parle beaucoup beaucoup d’amour ! Parce que pour pouvoir réaliser un fantasme avec une personne qu’on aime, il faut beaucoup d’amour…

Manon Savary : … Beaucoup de confiance…

Marc Zaffuto : … Et beaucoup de confiance… Et tout ça reste très beau.

La façon dont on travaille aussi, tout est extrêmement esthétisé, chaque numéro est comme un conte, un peu comme on ouvre un livre de fables érotiques…

Chaque tableau est un peu traité comme un vidéo-clip aussi, on travaille beaucoup la vidéo, la lumière…

Le son aussi a son importance, la musique est très très énergisante et rend les gens assez hystériques dès les premiers battements du morceau d’ouverture (sourire).   

Paris Bazaar : De ce point de vue-là, vous avez convoqué vos propres fantasmes ? Vous avez échangé ? Vous ne vous êtes rien interdits ?

Manon Savary : Déjà, on dit en rigolant qu’on est un aigle bicéphale (sourire), on travaille tous les deux… Le temps passe, on ne sait plus en définitive qui a pensé à quoi, qui a créé quoi… Parfois, ça va partir d’une idée, d’un fantasme en effet… Parfois, ça va partir d’une musique, d’une esthétique… Parfois, ça va partir…

Marc Zaffuto : … D’une envie d’un artiste…

Manon Savary : … Bien sûr ! Ou d’un film… Par exemple, le numéro de crash d’une voiture, de manière évidente, ça part de Cronenberg, de toute cette imagerie-là qu’on a voulu mettre à l’honneur… Donc, il n’y a pas vraiment de règle en définitive…

Marc Zaffuto : Et puis l’idée aussi de mélanger… C’est à dire le prisme des fantasmes mais en mélangeant le cirque, le strip-tease, la danse, le côté revue, la comédie…

En fait, quand tu regardes Fantasma, Circus Erotica, tu rigoles, tu es touché, tu peux pleurer, tu peux être excité, il y a plein de choses et tous ces sentiments se mélangent…

C’est ça qui rend ce spectacle assez unique et quand les gens sortent, ils sont chamboulés, en fait… Mais dans le bon sens du terme.

Paris Bazaar :  Plus je vous écoute parler, plus j’ai l’impression que ce sont deux mômes qui un jour se sont rencontrés…

Manon Savary : (rires) C’est ça ! C’est exactement ça ! Il faut dire qu’on rigole énormément…

Parfois on se retrouve en rendez-vous, là on est sur une nouvelle prod, et on voit dans l’oeil des gens avec qui on bosse : « Mais, ils sont fous, ces deux-là !! Ils ont un grain grave ! » (rires)

Mais c’est pour ça qu’on aime ce métier, en même temps !

Marc ZaffutoEt c’est ce que je dis toujours, quand il y a une très très bonne énergie dans l’écriture, dans les répétitions, dans la production, ça rejaillit sur le spectacle et sur les gens… Et c’est éclatant, quoi ! « 

Savary et Zaffuto-Créateurs de Joie-Ensemble-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

Au premier soir de leurs retrouvailles avec Paris, dans le hall sublime des Folies, il y en avait de l’énergie. Beaucoup. Et des sourires autant et partout.

Comme tombées du ciel, des Drag Queens aériennes fendaient la foule heureuse, des Apollons en cuir devisaient au bar tandis que des déesses noires se prêtaient bien volontiers aux selfies de circonstance.

Un grand mix bigarré, extravagant et poétique qui aurait sûrement plu à l’ami Jérôme qu’on imaginait contempler la scène avec délectation, depuis son coin de ciel derrière son havane.

Une fraternité festive et spontanée qui laissait entrevoir la promesse enfin tenue d’un monde ensemble… Sans doute aucun, l’autre magie de Fantasma, Circus Erotica.

O.D

Fantasma, Circus Erotica, au Folies Bergère jusqu’au 17 août.

Avec : Allanah Starr, David Pereira, Esther, François Sagat, Jake DuPree, Jean-Biche, Julian Ardley, Julie Demont, Laure Petrie, Mimi, Piche, Sema-Tawi, Stessy

Créateurs :
Une création SAVARY & ZAFFUTO
Création chorégraphique : MIMI
Création costumes : Angèle MICAUX
Création lumières : Pascal NOËL
Création vidéo : Clément DEZELUS
Production : La Neuvième Production

Et pour patienter, le teaser ! :

 

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