Avec la 9é édition de Seiziem’ Art, le week-end prochain, les artistes du 16é arrondissement parisien vous ouvrent les portes de leurs ateliers. Parmi eux, Stéphanie Foache et Bruno Houdayer qui ont fait le choix d’écrire avec la lumière. Suivez leurs regards.
Hier avec clic clac Kodak, aujourd’hui avec n’importe quel smartphone, tout le monde prend des photos. Un flux ininterrompu d’images par milliers, un flot de pixels qui déborde et charrie le pire comme le meilleur. De l’intime à l’universel, chacun y va de son clicheton, se selfite en rafale, partage sa vision, son humeur ou s’exhibe comme il l’entend. Il est dépassé depuis déjà longtemps le fameux quart d’heure warholien. Et c’est sans doute très bien comme ça. Regarde qui veut après tout. Mais prendre n’est pas faire.
Faire une photo, c’est surtout prendre le temps d’un récit qui s’écrit avec la lumière. C’est une autre histoire. C’est l’histoire notamment de Stéphanie Foache et Bruno Houdayer. Deux photographes qui, avec d’autres artistes du 16é arrondissement parisien, vous ouvriront les portes de leurs ateliers le week-prochain pour la 9é édition de Seiziem’ Art. Les instants qu’ils savent saisir comme les images qu’ils composent sont très différents mais ont ceci de singulier de s’affranchir du commun et de nous emmener plus loin. Regarder leurs photographies, c’est se tenir au seuil d’une porte qui ouvrirait sur d’autres mondes.
Parfois vives et acidulées, joyeuses et légères comme les fêtes foraines de l’enfance, les photographies de Stéphanie Foache savent aussi contenir toute la beauté d’un monde sans l’Homme. Ses paysages de neiges ou de plaines nous happent et suggèrent de nous y perdre. Avec Bruno Houdayer on voyage encore mais entre rêve et réalité. Ses crêtes de massifs montagneux deviennent des toiles presque abstraites dont les reflets sombres et changeants évoquent les noirs de Soulages tandis que ses flous colorés nous apaisent. L’une comme l’autre ont en partage le goût de se laisser surprendre. À croire que c’est la photo qui vient à eux et que leur talent se résume à savoir l’attendre.
Stéphanie Foache a ainsi beaucoup voyagé mais, ses photos invitent à le penser, elle semble aimer le voyage moins pour la destination qu’il promet que pour les instants et les rencontres qu’il saura improviser en chemin.
« Oui, absolument. J’ai commencé à photographier quand je vivais entre Paris et Istanbul. La photographie était plus une balade, une méditation, qui me permettait de changer de tempo et de me mettre dans un rythme très long, très contemplatif, de regarder tout simplement autour de moi…
Photographier me met en mode d’ouverture, d’écoute. Ça a un peu le même effet sur moi que le yoga. Et à partir du moment où je suis dans ce mood-là, je regarde et je vois des choses que je ne verrais pas autrement.
Et là, je cherche quelque chose qui va accrocher mon oeil. Un détail insolite, une lumière, des éléments à côté desquels on passerait sans les regarder mais qui, grâce au cadrage que je vais faire, au regard que je vais poser, vont prendre une autre dimension… c’est ça qui m’intéresse, des atmosphères, des lumières… la poésie du quotidien.
Et j’attends en effet de trouver un instant qui me touche, qui m’émeut. »
Si le Diable est dans les détails, la poésie est dans les siens. Une poésie qu’elle pare de couleurs à la fois vives et douces, passées presque délavées ou au contraire saturées. Elle en avait quelques unes sur sa palette de peintre, elle s’en est souvenue lorsqu’elle est devenue photographe. Elle s’est également souvenue du cadre de ses toiles. Ses oeuvres très composées et graphiques trompent l’oeil, lequel voit d’abord un tableau avant de discerner la photo.
Chez Bruno Houdayer, les jeux du hasard aussi font les belles images. Les siennes sont volontairement plus abstraites. Elles ne s’imposent pas mais choisissent plus volontiers d’inviter au dialogue celui qui regarde. Et c’est flou, l’effet qu’elles font parfois !
« Oui, sur cette photo qui vous paraît floue (sourire), j’ai en réalité fait une mise au point sur des yeux imaginaires. Sur quelqu’un qui est peut-être déjà arrivé ou qui est reparti… mais qui est là. C’est un ange (sourire)…
Quand j’ai commencé à photographier, j’ai travaillé sur une approche assez plastique de la photographie. L’idée, c’était de m’offrir et de me proposer de la sérénité, beaucoup de joie et de la paix, de l’énergie…
Et quand j’ai commencé à présenter mon travail, j’ai vu que les personnes s’arrêtaient et découvraient des textures, des formes, des couleurs et se connectaient en fait à leur propre histoire, à leur imaginaire… Et mon plus grand bonheur, c’est de voir quelqu’un s’arrêter devant l’une de mes photos. Parce que l’image l’interroge ou le dérange, mais elle l’invite à se poser… et à faire une pause dans sa vie. »
Les lumières qui ont d’abord illuminé la sienne et ensuite éclairé son inspiration, c’étaient celles, douces, colorées et enveloppantes que les vitraux projetaient sur le pavé des églises où il se rendait plus jeune. Bruno Houdayer est de ce point de vue tout à la fois sa thèse et son anti-thèse. À la douceur chromatique de certaines de ses photos, s’oppose étonnamment le sombre chaos de quelques autres.
« Il y a des moments de grâce qui se produisent toute la journée et ma discipline quotidienne c’est d’être de plus en plus présent pour les attraper (sourire)… Ça me permet d’aller vers une harmonie et d’accepter en même temps mon chaos…
J’ai longtemps lutté et je lutte encore pour le fuir, alors qu’il est indispensable à ma création. Et le chaos fait partie de la vie… C’est un enseignement que je reçois chaque jour au travers de la photographie (sourire). »
En photographiant, Stéphanie Foache a appris à ralentir son temps et Bruno Houdayer a trouvé son point d’harmonie. L’une et l’autre ne sont ni doctes ni directifs. Ils ont le talent de savoir capter ce que nous ne voyons plus et nous invitent simplement à poursuivre le récit que leurs images ont initié. Prendre le temps de partager leur regards d’artistes photographes, c’est en somme prendre celui de sa propre histoire. Et elle est trop belle pour la résumer à un selfie même cadré.
O.D
Avec Seiziem’ Art, 9é édition, Stéphanie Foache, Bruno Houdayer et les autres artistes du 16é arrondissement vous ouvrent les portes de leurs ateliers les 11, 12 et 13 octobre.
Paris Bazaar remercie tout particulièrement l’artiste Asilva dont le bon esprit a permis la rencontre avec Bruno Houdayer.