U Roy et puis Tonton David, la galaxie reggae vient de perdre deux de ses belles étoiles. On n’oubliera ni ce qu’ils nous laissent, ni ce que la musique leur doit. Toasts éternels.
Quel est au juste le nom de cette époque ? « De merde », sans doute. On pensait, candides que nous étions, que 2021 serait franchement mieux que 2020, et voilà qu’elle commence carrément plus mal.
Toujours pas de restaurants, de spectacles, de bars. Un couvre-feu qui ne couvre pas grand chose mais éteint tout. Et pauvres erres que nous sommes, nous continuons d’avancer masqués en quête d’un second souffle qui jamais ne semble devoir venir.
Comme si cela ne suffisait pas, il faut que des artistes passent l’arme à gauche. Et non des moindres. U Roy, le légendaire dee-jay jamaïcain, équivalent de toaster en France et MC aux États-Unis, s’est barré l’autre jour, le 18 février. Manquait plus que ça !
Le patron du Deejay, genre qui consiste à chanter ou réciter un texte plus ou moins improvisé sur une rythmique définie, le reggae en l’occurrence, était considéré comme un génie, un véritable précurseur. Avant-gardiste, son hallucinante capacité à improviser a inspiré bon nombre de rappeurs.
https://www.youtube.com/watch?v=_Pd7uWjs_8w&feature=youtu.be
À la fin des années 60, il se fait remarquer sur son île ensoleillée et bosse aussi sec avec des pointures du reggae comme Peter Tosh, Lee Perry ou encore John Holt. En 70, il explose tout en Jamaïque notamment grâce au titre Wake The Town, mélange de dub et de reggae qui lui permet de squatter la tête des charts pendant plus de 10 semaines.
De son vrai nom Ewart Bekford, U Roy est aussi à la base du Dancehall et même, dans une moindre mesure, de la jungle. Reconnu sur la scène mondiale grâce à des titres comme Creation Rebel, Jah Jah Say, One Blacklove, ou Bitter Nut, il avait aussi interprété de nombreux duos.
En 2004, il a la bonne idée de participer à l’album True Love de Toots And The Maytals, dans lequel le groupe revisite ses plus grands succès avec de nombreux invités comme No Doubt, Manu Chao, ou Eric Clapton. Résultat : carton plein et le Grammy du meilleur album reggae.
Souvent invité pour des featurings, U Roy a travaillé avec des artistes comme Horace Andy ou Aicha avec qui il a enregistré l’hypnotique 3 Minutes Of Talk. Il est également apparu sur les albums de Luciano, représentant du reggae nu roots, ou du groupe français Roots Intention Crew, connu sous les initiales RIC, avec le morceau Les Raggamans Sont Dans La Ville.
Après Toots Hibbert le 11 septembre, U Roy a donc mis le cap d’avoir largué vers des paradis qui, on l’espère, demeurent délicieusement enfumés…
Autre représentant du ragga et du reggae décédé ces jours-ci, Tonton David.
Précurseur du genre chez nous, David Grammont, avait connu le succès grâce à des titres comme Sûr Et Certain, Ma Number One, Allez Leur Dire, ou Peuples Du Monde, morceau de raggamuffin sorti en 1990 sur Le Blues Des Racailles, qui avait été parodié par Les Inconnus.
Discret et plutôt à l’aise partout, quelle que soit la situation, Tonton David avait aussi connu, la galère, l’addiction à l’héroïne à l’âge de 14 ans dont il avait ensuite décroché. La musique était devenue sa bouée de sauvetage.
Souvent moqué à cause de son sourire omniprésent, de son style plutôt nonchalant, et de ses chansons apparemment légères, il était un artiste passionné par son métier. Un de ses plus grands succès reste probablement Chacun Sa Route, la B.O. d’Un Indien Dans La Ville sortie en 1994, interprétée avec l’inégalable batteur Manu Katché et le légendaire rocker d’origine ougandaise Geoffrey Oryema.
Même si ses apparitions se faisaient plus que rares ces dernières années, Tonton David restait un artiste respecté. Il était de ceux qui ont fait progresser la musique en France, que ce soit spirituellement comme rythmiquement.
Le 16 février dernier, une pourriture d’AVC a décidé de s’emparer de lui et de l’emmener loin de nous, mais près de ses héros qu’étaient Bob Marley, Toots, Lucky Dube, ou Prince Buster.
David et U Roy sont désormais inséparables.
Doit-on revenir sur le palmarès des Victoires de la Musique qu’on a déjà oublié ?
Apparemment, en France, le rock, le reggae, la dance, le metal, le hip hop n’existent plus. Le nouveau représentant du rock made in France se nomme donc Hervé. L’artiste de 30 ans est souvent comparé à Bashung, lequel va se transformer en éolienne à force de se retourner dans sa tombe. Même si l’univers de l’interprète de Si Bien Du Mal tient largement la route, il ressemble autant à Bashung que Vianney à Jimi Hendrix.
Autre surprise, la victoire d’Yseult, qui avait sorti un album passé totalement inaperçu en 2015, après avoir participé à La Nouvelle Star. Six ans plus tard, elle reçoit une Victoire de la Révélation féminine grâce au titre Corps. Doit-on pour autant la vénérer? Ben non. On a simplement le droit de ne pas être d’accord et de ne pas accrocher.
Quant à ceux qui l’attaquent ces derniers jours parce qu’elle ne rentre pas dans la norme physiquement ou simplement à cause de sa couleur de peau, il faut vraiment être débile, con, inculte et tout ça à la fois pour s’arrêter à ces simples détails.
Et puis, il y a eu la prestation d’Hatik, totalement dénuée d’intérêt. Le rap made in France est donc maintenant obligatoirement synonyme de paroles simplistes et d’Auto-Tune à fond la caisse. Eh, les gars, vous pouvez pas faire mieux et chanter vraiment ? Sans artifices ? Chiche !
La Victoire de Benjamin Biolay était loin d’être une surprise. Celle de Jane Birkin, méritée et attendue.
Pour le reste, la soirée n’était pas franchement passionnée, ni passionnante. Il y avait comme une gêne. Une sorte de manque. Sans doute dû à l’absence de nombreux artistes qui, eux, n’ont pas forcément besoin de récompenses pour exister.
Laurent Borde