Cookie Mueller : Libre Icône

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En portant au théâtre Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir de Cookie Mueller, Justine Heynemann, Éléonore Arnaud et Valérian Béhar-Bonnet font souffler un prodigieux vent de liberté sur nos vies balisées. Réjouissant !

 

Elle était écrivaine, critique d’art, strip-teaseuse et actrice fétiche de John Waters. Elle s’était émancipée à San Francisco, dans le Haight-Ashbury des grandes années hippies avant de côtoyer, à l’aube des années 80, les plus grandes figures de l’underground new-yorkais. Patti Smith, Keith Haring, Jean-Michel Basquiat, les Ramones ou encore les Sonic Youth…

Elle voyageait en auto-stop et ne mégotait pas sur la coke. Elle aimait les gens, même quand ils étaient de travers. Elle était aussi belle qu’elle était libre. Elle a vécu en une vie ce que d’autres ne vivraient pas en cent. Elle s’appelait Cookie Mueller.

Sa trajectoire comme une fulgurance, la metteure en scène Justine Heynemann et la comédienne Éléonore Arnaud ont eu la merveilleuse idée de la donner à vivre au théâtre en adaptant Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir, ouvrage dans lequel elle partageait le récit riche et fabuleux de ses rencontres et de ses mille histoires, porté par une plume à l’encre cash qui n’avait jamais connu l’eau tiède.

Sans l’avoir connue, mais à regarder les photographies qui nous restent d’elles, à se plonger dans son regard qui vous scrute presque avec insolence mais que la tendresse pour autant semble n’avoir jamais désertée, on se dit que Justine a vu juste quand elle a décidé qu’Éléonore serait Cookie Mueller.

Cookie Mueller-Libre Icône-Éléonore Arnaud-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

 « Cookie, elle est intense, raconte Eléonore, elle est trash et joyeuse, joyeusement trash (sourire)… Je pense qu’il y a une fêlure chez elle, qu’elle est née avec… J’en ai une aussi… Et on est toutes les deux amoureuses très fort de la vie et des autres… En ça, on se ressemble… C’est ce que j’ai perçu à la lecture du texte, très vite.

Au fur et à mesure du travail, j’ai découvert une femme qui m’a touchée de plus en plus, que j’ai l’impression d’avoir toujours connue et qui, aujourd’hui, me guide (sourire)… Parfois, quand j’ai du mal à prendre une décision, que je regrette quelque chose ou que je suis triste, je pense à elle et je me dis : « Tiens, comment elle aurait réagi ? » Eh bien, elle se serait marrée, elle aurait commandé un demi, et elle aurait avancé (sourire) !

Elle incarne l’idée que je me fais de la liberté, poursuit Valérian Béhart-Bonnet qui accompagne Éléonore avec sa guitare, elle incarne surtout, je pense, la belle folie… Elle a eu la chance de vivre dans une époque où on était moins en représentation…

Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, j’ai l’impression que les gens n’ont plus vraiment de folie mais veulent montrer qu’ils sont fous… Alors que Cookie, elle n’en avait rien à foutre de qu’on pouvait penser d’elle (sourire) ! Et elle aurait détesté cette folie un peu préfabriquée où on fait des stories pour dire : « Regardez comment ma vie est folle ! » 

Et puis, on nous montre du beau, du lisse, que de la surface. Alors qu’avec Cookie quand elle écrit, on entre dans son intimité et on est dans le noir, dans la solitude, dans l’enfer parfois de la réalité… Il y a avec elle quelque chose de charnel, de concret qui nous raccroche à la vérité de la vie. » 

©Jean-Marie Marion

Ce qui m’apparait très fort, ajoute Éléonore, c’est « Live the life you want ! » C’est à dire que tout est possible ! Si tu as envie d’autre chose, va vers cet autre chose ! Si tu as envie d’envoyer péter ton patron parce ses valeurs ne sont pas les tiennes, envoie-le péter ! Si tu décides d’aller à l’autre bout du monde en stop, habillée d’une jupe ras la moule et blindée d’ecstas, fais-le ! Même s’il y a des dangers (sourire)…

Ce qui d’ailleurs est important également chez Cookie Mueller, c’est le temps… Le temps du voyage, le temps de vivre… Elle a pris le temps de vivre tout à fond, pleinement… Alors qu’aujourd’hui, tout va très vite, on est dans la consommation très rapide des choses, on prend des photos mais sans regarder…

Je me souviens que c’est un peu ce que disait Marguerite Duras, que j’adore, dans un autre spectacle qu’on avait monté : « On ne prend plus le temps de voyager. Le voyage, c’est voir et vivre en même temps. » Le roman de Cookie Mueller, justement, c’est énormément de voyages et de péripéties… Toutes les aventures qui lui arrivent sont liées à ces voyages qu’elle entreprend, parce qu’il n’y a pas de limite pour elle. 

En ça, je crois que ce spectacle fait du bien… Quand les gens sortiront, ils se diront : « En fait, je peux décider de vivre la vie que je veux mener ! Et arrêter d’avoir peur. Tout est dans nos mains. Si on n’est pas heureux ici, on peut être heureux ailleurs. »

Cookie Mueller, en effet, elle a cramé sa vie par les deux bouts mais jusqu’au bout, elle a vécu… Et elle s’est éclatée (sourire). »

©Jean-Marie Marion

La mise en scène de Justine Heynemann, les mots et l’incroyable récit de Cookie Mueller portés par Éléonore Arnaud dont la présence justifierait à elle seule qu’on y aille et qu’on y retourne, la guitare de Valérian Béhar-Bonnet, qui sait magnifiquement restituer la formidable bande son de ces années foisonnantes et héroïquement rock, font de cette Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir un voyage au-delà du théâtre.

À l’heure où partout dans le monde, l’avenir s’assombrit pour tant de femmes, où des hommes d’un autre âge entendent écrire à leur place la vie qu’elles ont à vivre, où les barbus de Kandahar cousinent dans une même cause avec les juges suprêmes de Washington et se rejoignent dans le même obscurantisme liberticide, il est précieux le témoignage de cette femme qui vivait sans filtres.

Cookie Mueller-Éléonore Arnaud-2-ParisBazaar-Marion ©Jean-Marie Marion

Émouvant à nous remuer l’âme, drôle à oublier enfin de nous prendre au sérieux, il nous invite à aimer comme au premier jour et nous suggère d’y croire encore. Il nous enseigne aussi que la marge tiendra toujours la page.

Alors un prochain soir, à votre tour, avec Cookie, osez le chemin de traverse et… Take a Walk on the Wild Side ! On y respire tellement mieux.

O.D

Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir. Un texte de Cookie Mueller adapté par Justine Heynemann et Éléonore Arnaud, mis en scène par Justine Heynemann. Avec Éléonore Arnaud et Valérian Béhar-Bonnet.

À découvrir au Théâtre du Train Bleu, à Avignon jusqu’au 27 juillet !

 

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