Gérard Lanvin : Blues, Rock et Cash !

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C’est aujourd’hui que sort Ici-Bas. Produit et composé par Manu Lanvin, le premier album de Gérard Lanvin. On aimait déjà l’acteur, on a découvert le chanteur. Un bonheur !

Ça y est ! On commence enfin à voir le bout du tunnel. Les bars commencent à rouvrir… Un peu… Même si ce ne sont que les terrasses, certains, et même certaines, d’entre nous squattent les tables dès le matin afin de commander bière sur bière et de se mettre une tôle de niveau 12 sur l’échelle de Gainsbourg.

Autre bonheur, découvrir qu’un Lanvin en cachait un autre. On se souvient de François Jacquemard, dans Le Prix Du Danger, de Manu dans Les Frères Pétard, de François dans Marche À L’Ombre, de Jean-Paul Mantegna dans le Fils Préféré, ou encore de Paul Maranzano dans Bronx… Et on fait court.

Des personnages qui n’ont franchement rien à voir, mais qui ont en commun d’avoir été incarnés par le même comédien. Un comédien qui a une gueule, une intelligence et une voix qui marquent. Un comédien qui dit ce qu’il pense et qui se tape bien du qu’en dira-t-on. Un comédien simple et vrai, comme on les aime. Une perle rare. Gérard Lanvin, quoi ! 

Ici Bas-Gérard Lanvin-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

À 70 piges, il s’est décidé à sortir son premier album. Dix textes écrits durant le confinement et mis en musique par Manu Lanvin, fils de, peut-être, mais rocker et bluesman talentueux. Contrairement à d’autres, il n’a pas eu besoin de son nom pour monter sur scène en première partie de Johnny Hallyday ou pour chanter avec une des légendes du blues, Taj Mahal.

Pas besoin de son père non plus pour se produire au Jazz Foundation Of America à la demande de Quincy Jones qu’il avait rencontré au Festival de Montreux. D’ailleurs sur l’album, le taulier c’est probablement lui, Manu le guitariste, Manu le talentueux, Manu l’homme simple qu’on aimerait avoir comme pote tant il vit sa musique. Il est le blues et le blues est en lui.

Ici-Bas-Manu Lanvin-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

L’addition du père et du fils donne un album étonnant. Les Lanvin ont su s’entourer de bons musiciens. Les gars savent s’adapter à tout sans problème. La basse ronfle et sait se faire discrète, la batterie est percutante tout en arrivant à se faire oublier par moment comme sur Ici-Bas, où on se dit que le morceau fonctionnerait même sans batterie. Il n’y a qu’à écouter Ce Monde Imposé, avec sa rythmique arabisante, pour s’en rendre compte.

Quant aux guitares, elles sont justes magnifiques. Elles sont quasiment des signes de ponctuation obligatoires comme sur On Le Dit Sauvage, On Le Dit Brutal. Elles sont aussi folles sur P’tit Gars lorsqu’elles ne rappellent pas le blues de John Lee Hooker ou de Lucky Peterson sur Du Haut De Mon Building tout en s’amusant follement avec un harmonica élégant et puissant. Y a pas à dire, Manu Lanvin et ses potes savent y faire. Sans frime, sans brutalité, et surtout sans faux semblant. Ici, on la joue vrai mon bon Monsieur !

Ils ont la musique au corps, collé comme un chewing gum sur une semelle de Converse, et elle leur rend bien. Pas besoin de machines, d’Auto-Tune, ou de quelconque artifice ridicule. Sur Mon Héroïne, la six cordes s’efface pratiquement et reste sublimement en arrière-plan. Pour ces gars-là, c’est une évidence, la musique n’est pas une simple passade, un prétexte ou une histoire. C’est leur vie. On ne ressent pas leur passion, on la vit. On les rejoint.

La rythmique d’Ici-Bas nous emporte tellement qu’on en vient à taper des mains quand Abd Al Malik se met à chanter. Ah ben bravo les gars ! Non seulement la musique est bonne mais en plus, elle nous embarque ! C’est peut-être ça, le feeling finalement…

 Gérard Lanvin se dévoile légèrement, mais pas trop. Il fait gaffe quand même ! Contrairement à certains de ses «collègues» artistes, il ne joue pas au chanteur. Il fait comme il le sent. Il déclame son texte en talk-over sur Ce Monde Imposé ou On Le Dit Sauvage, On Le Dit Brutal, morceau interprété en duo avec Manu dont la voix sonne par moments comme celle du grand Nino Ferrer.

Ce disque est surtout un témoignage de notre époque. Une vision terrible comme sur Appel À L’Aide qui dénonce les violences faites aux femmes sur une rythmique latino qui contrebalance avec la noirceur du texte. Autre moment qui secoue, lorsque Gérard Lanvin évoque les ravages de la guerre à travers la misère humaine dans Je Suis Une Personne. On est loin de la dénonciation simpliste du genre « la guerre, c’est mal ». On en est même aux antipodes lorsque les paroles évoquent l’horreur, un homme qui fait la guerre malgré lui, la tristesse. 

Là où on ne l’attendait pas, c’est lorsque Lanvin prône la bienveillance. Lui qui donne une image parfois de dur au mal, qui semble se foutre de tout, prône la sagesse et l’humanisme dans P’tit Gars, et la tolérance en dénonçant la haine dans Ici-Bas, brillamment interprété en duo avec Abd Al Malik. On pense aussi à Du haut De Mon Building où il pose un regard désabusé sur la société actuelle. Pas de cynisme ici, juste le constat d’un certain mal-être ambiant.

Et puis, il y a Mon Héroïne, morceau en hommage à sa femme Jennifer, et mère de Manu et de Léo. On n’imaginait pas Gérard Lanvin dans un tel registre. Là où il assure, c’est qu’il fait ressentir un véritable amour mêlé d’admiration sans pour autant céder aux poncifs habituels du genre « tu as les yeux comme des étoiles ». Non, là on est dans le brut de décoffrage, dans le dur, le classieux et le vrai. C’est simplement beau…

À l’écoute de l’album, on croise encore deux ovnis. Le premier, c’est Entre Le Dire Et Le Faire. Tout à la fois la fois cynique, drôle, ironique et violent, le morceau reflète parfaitement le ras-le bol-général croissant à l’égard des gouvernants et des classes dirigeantes.

Le chanteur rebaptise quelques anciens présidents sans pour autant tomber dans le vulgaire. La guitare qui entame le morceau sonne comme celle de Gabrielle, titre mythique de l’ex-idole des jeunes. C’est du savoir-faire ça, ma bonne dame ! C’est intelligent et interprété en duo avec le grand bluesman irlandais Johnny Gallagher avec qui il semble s’éclater. On imagine bien les deux voyous aller se jeter un scotch derrière la cravate après l’enregistrement…

L’autre ovni s’intitule Donne Un peu De Ton Amour et clôt l’album. C’est une love song de plus de cinq minutes, qui aurait très bien pu être chantée par un hippie aux cheveux longs aux lunettes rondes embuées par la fumée de cigarettes qui rendent idiot, tant l’orchestration avec orgue Hammond et guitare, et les paroles prônant la fraternité et l’amour, sonnent comme un titre des années 70. Tout ça porté par un choeur gospel qui ne manque ni d’âme ni de souffle… On tutoie les anges !

Ici-Bas-Manu et Gérard Lanvin-ParisBazaar-Marion©Jean-Marie Marion

Si tout le monde pense connaître Gérard Lanvin, ceux qui ne passeront pas à côté de cet album le découvriront davantage et autrement. On comprend surtout pourquoi il est de ceux qui comptent, de ceux qu’on veut garder encore longtemps. Parce qu’il est de ceux qui sont libres de penser et faire ce qu’ils veulent.

Gérard Lanvin n’est peut-être pas un grand chanteur mais il s’en fout, et nous aussi en fait. Il n’est pas la star de cinéma qui chante, mais l’artiste qui écoute la musique et se met à son service. Il est humble, passionné, et sincère. Il est unique.

Preuve supplémentaire qu’il chante par passion, tous les bénéfices générés par la chanson Appel À L’Aide seront entièrement reversés à l’Union Nationale des Familles de Féminicides.

Les Lanvin sont des mecs de valeurs et ils ont eu raison de s’associer. Leur plaisir comme leur joie d’être ensemble font les nôtres !   

Laurent Borde

Gérard Lanvin : Ici-Bas / Gel Production. En vente libre dès aujourd’hui !

 

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