Journal d’une Pandémie : Seuls sans Scènes-2

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À l’invitation de Paris Bazaar, des artistes racontent ici leurs vies sans vous et disent comment la pandémie a durablement affecté leur quotidien. Entre frustration, colère, angoisse et incompréhension, se dresse l’état des lieux d’un monde qui s’accroche pour ne pas sombrer.

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Je m’appelle Élodie Menant. Mais qui suis-je ?

Je suis une trentenaire rêveuse car vivre sans rêve c’est dépérir. Une trentenaire attachée coûte que coûte à sa liberté. Une trentenaire passionnée par le Théâtre, l’Art sous toutes ses formes, en quête d’émerveillement au quotidien. Une trentenaire pour qui le partage, les relations humaines sont indispensables au rayonnement individuel.

Fin janvier 2020, nous avions débuté à Paris le spectacle Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ?, écrit par Eric Bu et moi-même, mis en scène par Johanna Boyé, au théâtre du Petit Montparnasse. Programmation interrompue le 13 mars pour cause de confinement.

Une reprise était prévue septembre 2020 mais annulée par le théâtre par crainte de la situation sanitaire. Le théâtre de la Pépinière nous a alors ouvert ses portes en octobre, mais la reprise a été annulée cinq jours avant la première pour cause de couvre-feu.

Depuis, plus aucune visibilité de reprise pour cette pièce, le théâtre étant maintenu à terre par les décisions gouvernementales.

À cela s’ajoute les annulations des dates de tournée. Une vingtaine à ce jour, et il semblerait que l’on soit parti pour allonger la liste, faute de réouverture des théâtres.

Nous avons donc un spectacle mort alors qu’il a été couronné en juin 2020 de 2 Molières, celui du Meilleur Spectacle Musical et celui de la Révélation Féminine pour mon interprétation d’Arletty. Sans oublier la nomination de Céline Espérin pour le Meilleur Second Rôle.

Dans quelle folie collective sommes-nous embarqués ? Folie où les preuves n’existent plus, où on accepte les obligations arbitraires, où les conflits d’intérêt ne sont plus pris en considération, où un vaccin devient implicitement obligatoire vu qu’il serait un passeport à une vie normale.

Sous-prétexte de méconnaissance, on se plie à des décisions prises par un petit nombre de scientifiques, qui eux-mêmes pataugent dans la méconnaissance d’un virus, mais à qui on demande des réponses. Molière aurait matière à écrire. Le Médecin Malgré Lui n’a jamais été autant d’actualité ! Comme quoi, on n’apprend rien du passé.

On ne sait pas mais on prescrit quand même. Il le faut. La masse le demande. On n’accepte pas le risque, alors que le risque zéro n’a jamais existé, on agit en « sauve-qui-peut », pris de panique. On accuse le premier venu, on incite à la délation sans prendre en considération les conséquences de cette dernière.

Une amie a perdu dix jours de tournage, car elle n’avait pas obtenu les résultats de son test à temps, ayant été déclarée « cas contact », c’est une opportunité de carrière rare qui lui a été retirée, alors que son test s’est finalement révélé négatif !!! Son délit : être en bonne santé ! La présomption d’innocence a disparu, nous sommes tous d’office présumés coupables !

Une agitation incontrôlable contrôle les décisions des hautes autorités. Tout cela pour un taux de létalité très bas ! Une létalité qui au demeurant touche principalement les personnes fragilisées, âgées, déjà atteintes de pathologies. Pathologies que nous pourrions d’ailleurs éviter au quotidien comme de nombreuses maladies cardio-vasculaires, l’obésité, ainsi que certains cancers en ayant une meilleure hygiène de vie, en arrêtant de nous goinfrer de Mc Do, de Coca, et d’autres poisons, en pratiquant une activité sportive. Cela représenterait des millions de personnes de sauvées, pandémie ou non.

La santé physique s’améliore avec le sport et une alimentation saine. Et la santé mentale par le partage, l’interaction, la communication, le contact physique, les embrassades, la tendresse, l’ouverture à l’autre, la curiosité, la culture générale, l’émerveillement. Tout cela nous est aujourd’hui interdit.

Plus de salles de sport, plus restaurants, plus de discothèques, plus de théâtres, plus de cinéma, plus de musées. Bref, plus de vie !! Tout ce qui est fermé aujourd’hui représentait encore hier la source d’un bien-être. La conséquence de cette non-vie : le nombre  de dépressions qui ne cesse d’augmenter. Les Français sont déjà de gros consommateurs d’antidépresseurs, ils battent des records. Et qui ignore que les antidépresseurs ne sont pas exactement les meilleurs amis de notre système immunitaire ?

On agit donc à l’inverse du bon sens ! Au prétexte de notre santé qu’on affaiblit pourtant au quotidien. On tourne en rond. 

Enfin, qui sont-ils pour empêcher certains de travailler ? De vivre, de vibrer ? Qui sont-ils pour créer des injustices si fortes entre les uns et les autres ? Qui sont-ils pour juger ce qui est essentiel ou non ? 

Mon métier est mort en 2020, renaitra-t-il en 2021 ? Et sous quelles conditions ?

Si une vraie remise en question profonde ne s’opère pas dans notre vision de la société et notre rapport à la santé, nous n’allons cesser de dériver. Jusqu’à chavirer dans un monde d’auto-surveillance intolérable et de dispositifs sécuritaires liberticides.

J’ai lu le commentaire d’une personne sur un réseau social expliquant qu’il fallait fermer les théâtres car « ils rassemblent plus de personnes âgées- donc à risque- que de jeunes. »

Et si justement, nous profitions de cette crise sanitaire pour inverser la tendance ? Et changer la manière de communiquer sur le théâtre ? En mettant en avant que cet art est accessible à tous et que les jeunes peuvent l’adorer ! Si on valorisait le théâtre, pour permettre aux jeunes générations de s’y rendre ? Ne serait-ce pas formidable ?

J’y verrais, enfin, quelque chose de positif ! 

Élodie Menant

 

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Je m’appelle Étienne Launay. J’ai 35 ans. Je suis comédien et metteur en scène.

L’année 2020 devait être pour moi une année particulièrement riche de projets, en tournée avec plusieurs spectacles. Le Jeu de l’Amour et du Hasard, mis en scène par Salomé Villiers. Beaucoup de Bruit pour Rien, mis en scène par Pierre Hélie et Salomé Villiers. Cyrano de Bergerac et L’Avare, mis en scène par Jean-Philippe Daguerre. À ce jour, certaines dates n’ont pu être reportées et on essaye encore d’établir un calendrier fantôme.

Je devais aussi participer à trois nouvelles créations. Un Héros, mis en scène par Julie Cavanna pour Avignon. La Grande Musique, mis en scène par Salomé Villiers également pour Avignon, et Les Voyageurs du Crime, mis en scène par Jean-Laurent Silvi pour la rentrée parisienne. Malheureusement la réalisation de ces futurs projets de création a été durement perturbée suite à l’arrivée du Covid. Et je n’ai à ce jour aucune certitude quant à la reprise de ces nouvelles créations.

Et je m’interroge.

Quelle est notre place, nous artistes, dans un présent sans perspective ? Comment créer ? Comment s’adapter, quand le temps de la représentation est ajourné, reporté, annulé ? Comment exister ? Voilà les questions qui me tourmentent depuis le début de cette pandémie. Les salles de spectacles ont pourtant mis en place des protocoles sanitaires stricts. L’ensemble des acteurs culturels ont même proposé des solutions comme par exemple l’horodatage pour permettre au Théâtre de survivre.

Le Théâtre est pour moi le temps du présent, du vivant, de la communion. On nous a opposé un « non-essentiels »… Cette expression fait froid dans le dos. Elle nous ramène encore et toujours à une logique productive, économique… Et pire, à une classification, une notation.

Mais justement ne sommes-nous pas là, artistes, pour rappeler que la richesse d’une société ne se compte pas seulement en pouvoir d’achat, en profit mais aussi et surtout en notre capacité à créer, imaginer, rêver et ressentir ? N’est-ce pas ce que nous faisons lorsque, réunis au théâtre, les lumières baissent, que le temps se suspend et qu’alors l’histoire commence.

Il serait donc « non-essentiel » de se réunir quand tout va mal, quand les craintes nous envahissent, quand notre quotidien est bouleversé et qu’une foule de questions nous assaille. « Non-essentiel » de se rassembler, quand on ne peut plus voir nos anciens, nos proches, quand on ne peut plus les toucher, les serrer dans nos bras.

Je souhaite que les lieux culturels puissent ouvrir le plus rapidement possible et que le gouvernement re-considère notre secteur car, oui, il est essentiel ! Au même titre que la Santé et l’Éducation, j’affirmer que la Culture est indispensable !

Elle doit être préservée, encouragée. Elle demeure un outil indispensable de transmission et de partage. Qui plus qu’elle sait nous rapprocher ? Qui mieux qu’elle nous permet de nous comprendre et nous offre d’avancer ensemble ?

Étienne Launay

 

One thought on “Journal d’une Pandémie : Seuls sans Scènes-2

  1. Merci pour ces témoignages, ils sont nécessaires et remettent l’humain et la relation au coeur des questionnements, trop souvent oubliés au profit d’une vision folle visant à numériser, voire atomiser les gens dans leur isolement en instrumentalisant un virus.

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