Larrio Ekson et Jean-Marie Marion : Deux Frères de Barre

Larrio Ekson-Jean-Marie Marion-Ouv-Deux Frères de Barre-ParisBazaar-Daudé

Une histoire commune et des retrouvailles fraternelles, Larrio Ekson et Jean-Marie Marion ont en partage d’être venus tard à la danse et d’avoir marqué leur époque. Portraits croisés et souvenirs choisis.

Ce jour-là, deux amis se sont retrouvés. Ils se sont connus jeunes danseurs dans la compagnie que dirigeaient Anne Béranger et Joseph Russillo. Depuis, ils ne se sont jamais totalement perdus de vue mais chacun son chemin. Larrio Ekson est resté fidèle à la danse. Jean-Marie Marion, après avoir lui aussi beaucoup dansé, a préféré voyager et s’aventurer dans d’autres mondes. Le cinéma, le mannequinat et sur les bons conseils de Jeanloup Sieff, la photographie.

Ce jour-là donc, pour Paris Bazaar, dont il est le co-fondateur, le photographe a capté la belle lumière du danseur et le danseur a joué avec le photographe. Magique. Et puis une fois la séance terminée, les deux garçons ont ouvert l’album de leurs souvenirs. C’était drôle, tendre et émouvant. Il y avait de la vanne, des rires et de la fraternité. Comme souvent quand on est frangins depuis longtemps.

Pourquoi partager ce moment avec vous ? Parce que nous avons la faiblesse de penser qu’en nous lisant chaque semaine depuis un peu plus d’un an aujourd’hui ou depuis peu, vous faites vous aussi un peu partie de la famille. Et surtout, parce qu’après toutes ces années, il n’est pas un professionnel ou simplement un amoureux de la danse qui ne se souvienne que lorsque Marion et Ekson étaient réunis sur une même scène, il se passait quelque chose de rare.

La Première Fois ?

Larrio Ekson :

« La première fois que j’ai rencontré Jean-Marie ? Une catastrophe (rires) !! C’est un casse-pieds, un véritable macho, un connard… mais je l’adore (rires) ! Trêve de plaisanterie, quand j’ai vu Jean-Marie, j’ai dit : « Waouh !! Vraiment, il était extraordinaire. Comme danseur, il avait un physique de dieu grec… des beaux pieds… tout ce que j’avais pas. Moi j’avais des pieds de canard, lui il avait des pieds de danseur…

Le premier contact s’est très bien passé. Il était déjà dans la compagnie. Il a été tellement sympa avec moi. Je me suis senti bienvenu, il m’a ouvert les bras et ça m’a beaucoup plu…

Quel danseur il est à ce moment-là ?… Chiant (rires) ! Non, je plaisante. Il était très bon danseur. Il était doué. Il a commencé tard comme moi  mais il était très souple et très doué. Avant, il était dans le sport, l’aviron, je crois que c’est ce qui lui a donné cette souplesse et il avait un physique très naturel. Moi j’ai dû bosser pour ça. J’étais en bois, raide. »

Jean-Marie Marion :

« La première fois que j’ai rencontré Larrio ?… Je m’en rappelle pas (rires) ! Non, (rires), quand j’ai vu Larrio, ce qui m’a plu tout de suite, c’est qu’il était grand. Souvent, les danseurs sont assez petits. Lui, il était de ma stature. Deux grands mecs ! Et d’ailleurs, souvent les gens me disaient : « Le rideau s’ouvre, tu as Larrio debout, Jean-Marie à côté… ouah ! »

Larrio quand il dansait, il avait quelque chose de très animal, de très intuitif. Quand je le rencontre, je ne vois pas un technicien de la danse mais un mec avec une énorme présence… une présence animale plutôt qu’élégante. Après, il a eu les deux.

Et je crois qu’il a raison, Larrio c’est le fruit de beaucoup de travail. Si on parle de l’outil du corps, il l’a noté, j’ai beaucoup de facilité de base. Ce qui me rend peut-être plus feignant. Mais de base, j’ai la canne, le cou de pied, le saut…

Et puis on a quelque chose tous les deux qui plaisait beaucoup aux filles de la compagnie, on était d’excellents partenaires, ce qui veut dire être très à l’affût des intentions de la fille avec qui tu danses et soucieux de la mettre en valeur… et plus tu la mets en valeur, plus elle est belle et plus ça te rebondit sur la gueule…

D’ailleurs dans la vie aussi, plus tu es bienveillant, plus tu recevras de la bienveillance. Larrio avait cette qualité. Je le voyais sur scène mais aussi en studio où on passait dix, douze, quatorze heures par jour. »

Larrio Ekson-Jean Marie Marion-1-DEux FRères de Barre-ParisBazaar-Daudé©Jean-Marie Daudé

Quand vous étiez Rois ?

Larrio Ekson :

« Quand on était ensemble sur scène, on déconnait beaucoup (rires ) ! On ne s’est jamais sentis en compétition. Pourtant, je trouvais qu’il était beaucoup mieux que moi, physiquement. Il était beau, il avait des pieds ! Et j’avais un petit complexe. Mais il n’y avait pas cette compétition, tu sais : « Je vais te montrer ! » J’aimais danser avec lui ! On étaient grands mais différents et complémentaires et on s’amusait tous les deux, tu vois…

Et j’ai été très fier… Tu te souviens, quand tu as monté ce ballet et tu voulait que j’y sois… j’étais content ! Dans les compagnies, il y a des jalousies, c’est humain. Eh bien, là, j’étais fier…

Jean-Marie Marion :

« Oui, je me souviens. C’était l’une de mes premières chorégraphies et pour moi, ça ne pouvait être personne d’autre que Larrio…

Et je rebondis sur ce qu’on disait à l’instant sur le partenariat, c’est à dire que quand tu es bon partenaire avec une femme, tu dois être bon partenaire avec un homme aussi. Et que ce soit du domaine de l’inconscient ou pas, c’est te mettre en valeur que de mettre les autres en valeur. Par exemple, tu arrives sur scène, tu as quinze mecs sublimes derrière toi, ça te fout en valeur ! 

Et Larrio disait : « Jean-Marie était beau, plus ceci, plus cela » , mais j’ai la même bienveillance à son endroit. Larrio a toujours été un beau garçon, un homme sublime…

Et ce qu’il disait quand on était sur scène, je le ressentais totalement. Ce qu’il dit, c’est la complicité qu’on avait. Quand tu es bien avec un pote, tu peux rester deux heures dans la même pièce sans parler, et tu te sens bien. Et tu peux passer deux heures à faire le con avec le même pote, tu es bien aussi.

Après, c’est vrai qu’on voyageait beaucoup, en plus dans des conditions précaires. On avait des loges, tu te souviens ? Où on était toute la compagnie dans une loge, la moitié de ma cuisine ! Tu te rappelles ? Les filles qui pissaient dans le lavabo !… On était obligés de déconner. »

Larrio Ekson :

« Avec Jean-Marie, il y avait des moment parfois plus… touchy, plus difficiles. Des fois, je le détestais (sourire), mais je crois au fond que tous les moments qu’on a vécus ensemble ont forgé notre amitié. Et rien ne peut la détruire. C’est un bon gars, il a bon coeur, c’est une bonne personne… il est bon, il est gentil. Et ça, je ne l’oublie jamais ! C’est mon sang ! C’est « Touche pas à mon Pote !! »

Lario Ekson-Jean MarieMarion-3-Deux Frères de Barre-ParisBazaar-Daudé©Olivier Marion

Et Aujourd’hui ?

Jean-Marie Marion :

« Quand je le regarde aujourd’hui ? Larrio, c’est comme quelqu’un qui gravirait un escalier, à chaque marche il s’est bonifié. Les gens et les chorégraphes avec lesquels il a travaillé, lui-même ce qu’il a essayé de faire, sa décoration de Commandeur des Arts et des Lettres…

Ce petit mec que j’ai rencontré à Paris, qui arrivait de Harlem… Moi j’étais un petit lascar de banlieue… On a d’ailleurs ce truc en commun qui est rarissime, c’est que tous les deux on a commencé à danser à dix-neuf ou vingt ans ! Ça n’existe pas, pratiquement ! Et on vient d’un milieu où on ne danse pas ! Ben ouais… Surtout quand t’es un mec… Bref.

Quand tu regardes le parcours de Larrio, tu ne peux être qu’admiratif. Ce mec qui est mon pote, mon frérot, je le regarde avec admiration dans le sens où je suis fier d’avoir un pote comme lui !

Larrio Ekson :

« Moi, c’est pareil. Je suis fier de lui. C’est un autre parcours. De danseur, il est devenu top-model, on se voyait moins mais je l’ai suivi… Et maintenant, il est devenu un super photographe… Je crois que tous les deux, on a monté l’escalier… Je vois ses photos dans des grands magazines, Paris-Match, Rolling Stones… moi j’ai ma tête sur des pièces de la Monnaie de Paris… 

Jean-Marie Marion :

« … et quand je kiffe, c’est quand maintenant je fais des photos de mon pote Larrio. Parce que là, c’est comme si je redansais avec lui… Souvent c’est ce que je dis aux gens que je photographie : « C’est un pas de deux, il faut que tu lâches, que tu t’abandonnes » …

Et c’est exactement ce qui s’est passé tout à l’heure. C’est un kif ! Il a le sens de l’espace, du corps, de l’impro… il vit ! Tu vis ! Tu est bien vivant ! Et j’espère que tu vas vivre encore longtemps et que tu vas continuer à nous étonner, poil au nez ! »

 Larrio Ekson :

« … Tu sais, c’est drôle mais depuis que je suis parti vivre dans le Sud, j’ai envie de profiter davantage de la vie… J’ai envie de faire beaucoup moins de choses. J’ai pas arrêté de donner, donner, donner pendant ces dix-sept dernières années… Maintenant, j’ai envie de me donner à moi un peu aussi (sourire).

Larrio Ekson-Jean Marie Marion-4-Deux Frères de Barre-ParisBazaar-Daudé©Jeannot Oliv.

Avant ce jour-là, Larrio et Jean-Marie ne s’étaient pas revus depuis dix ans. On ne forme qu’un voeu, qu’ils n’attendent pas dix ans pour se voir encore. Les voir danser tous les deux aura fait le bonheur de quelques chorégraphes et de milliers de spectateurs. Les réunir le temps d’un instant a fait le nôtre. Et on l’espère, le vôtre aussi.

Les années qui s’additionnent n’épargnent personne. Mais l’amitié a parfois le talent de faire mentir le temps qui file. Ce jour-là, et que ça reste entre nous, Ekson et Marion étaient comme hier. Ils avaient vingt ans.

O.D

One thought on “Larrio Ekson et Jean-Marie Marion : Deux Frères de Barre

  1. Joli échange entre vous deux!!
    Bravo les gars pour ce beau parcours de vie et de danse.
    Ma chance? Vous avoir vus danser dans la cour du Palais des Papes en Avignon. J’avais 17 ans, je commençais tout juste la danse. C’est en effet tard pour un garçon… et en sortant ébloui de votre merveilleuse Représentation, ma décision était prise: je serai danseur professionnel.
    Merci pour votre talent, votre beauté, votre puissance, votre grace. Tout cela m’a permis de réussir ma carrière au delà de mes espérances.
    J’ai aussi mis en pratique ( sans l’avoir appris de vous mais plutôt par experience) qu’il faut donner avec bienveillance et que l’on reçoit encore plus en retour.
    J’ai adoré mes partenaires filles et garçons.
    Sur scène, on a besoin de tous!!!
    Merci à vous deux d’avoir été là par une nuit étoilée de juillet . Je vous dois TOUT.

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