Le Gimmick Rock du Rock’n’Râleur : « I Can’t Keep from Crying Sometimes »

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Le Rock n’ Râleur vous livre ses anecdotes que lui inspirent des célèbres Gimmicks Rock qui demeurent dans son cœur et dans son froc. Aujourd’hui, les Ten Years After.

Vous vous souvenez de cette chanson, I Can’t Keep from Crying Sometimes de Ten Years After (Parfois Je ne Peux pas m’Empêcher de Pleurer) ?Moi, je m’en souviens très bien. Les Ten years After se sont rendus célèbres avec I’m Going Home à Woodstock. Et ce gimmick est rattaché à une anecdote sur le premier groupe dont j’ai fait partie.

À seize ans, je suis rentré dans un groupe qui cherchait un guitariste. C’était à Pont-Audemer où j’étais scolarisé. Les Speedy Ones, ils s’étaient appelés. Ils reprenaient des titres des groupes anglais fabuleux de l’époque. Y’avait Robert au chant, mais c’était pas Robert Plant, loin de là, Francis Bocage dit « Bobette » à  la batterie, et Gégène à la basse. Il s’était fait un ampli de 2 mètres de haut pour faire impressionnant, mais la caisse était vide. Y’avait qu’un petit ampli à transistors tapi au fond et une grande membrane de haut-parleur.

Ils travaillaient tous les trois à la fonderie de Pont-Audemer. C’étaient des manuels, des rustres. On répétait dans le sous-sol du pavillon de Gégène, où il avait installé un bar. Ils picolaient solide tous les trois et moi j’étais un peu comme le jeunot qui bosse sur les chantiers et qui prend un diabolo-menthe au bar quand les autres fonctionnent au pastaga.

J’avais qu’une guitare folk et ils m’avaient dégoté une imitation Télécaster et un ampli Vox 30 watts chez des potes à eux, en attendant que je puisse investir dans du matos.

Après les cours, je fonçais répéter avec eux dans la zone pavillonnaire de Pont-Audemer. Ils me couvaient et ils étaient aux petits soins avec moi. J’étais celui qui avais de l’instruction. Eux avaient cinq ou six ans de plus que moi et avaient toujours travaillé. Ils étaient fascinés par ma dextérité à  la guitare. J’essayais de jouer aussi vite qu’Alvin Lee des Ten Years After. Et parfois, je faisais illusion par esbroufe.

Quand il me parlait, Gégène, un gros bièreux qui tenait sa basse à bout de bras sur son ventre, me regardait le lobe de l’oreille. Comme font les mecs qui picolent en général. Ils ne vous regardent pas dans les yeux.

On jouait dans des soirées dans les environs mais notre titre de gloire était d’avoir joué dans une boîte de Honfleur, le Bras d’or. C’était comme si on avait joué au Carnegie Hall. Et un jour, un malaise s’est installé dans le groupe. Rien de métaphysique. Comme une remise en question à la cave. Et là, chacun  son instrument, dans le silence, Gégène a pris la parole :  » Je sais c’qui va pas les mecs. On est arrivés à un point où on est trop forts. »

Quand ça ne va pas, quand je me sens vieux, je repense à cette phrase de Gégène. Elle contient toute ma jeunesse, toute ma candeur, toute mon insouciance, toute ma croyance en l’humain. Elle me donne envie de pleurer tous mes potes disparus et de rire comme un dément à la face du ciel.

Elle me donne envie de recommencer, de recueillir un petit oiseau tombé de son nid, de montrer tous mes plans d’escroc à la guitare à un gamin qui débute. De faire l’amour de toute mon âme à la femme que j’aime en oubliant ma bite.

De demander pardon à ma mère d’avoir retiré sa main qui s’accrochait à moi pour ne pas que je parte quand je lui disais qu’il fallait que je rentre sur Paris. Pour faire quoi ? Qu’est ce qui était plus important que la main de ma vieille maman crispée sur mon bras ?

Je suis arrivé à un point où tout est trop fort.

Francis Basset

Lire le Gimmick Rock du Rock’n’Râleur, c’est bien.

L’écouter, c’est très bien aussi… En plus, il y a la guitare.

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