Le Rock’n’Râleur vous livre ses anecdotes que lui inspirent des célèbres Gimmicks Rock qui demeurent dans son cœur et dans son froc. Aujourd’hui, My Sharona des Knack !
Ce gimmick marque le début de ma « carrière » de parolier de chansons, après avoir gagné ma vie comme musicien. L’énergie de ce gimmick de My Sharona des Knack. Chaque fois que je l’entendais, il sonnait comme un nouveau départ. Un départ tonitruant. J’allais écrire des chansons et en vivre. Mal parfois mais je m’en foutais. Du gros pognon pour quoi faire?
Ma mère ne comprenait pas trop mon métier de parolier. Malgré toutes ces chansons que j’avais écrites depuis cette chanson des Knack My Sharona, pour plein d’artistes français et canadiens célèbres. Pour elle je n’avais pas réussi à « percer ». Pour elle la réussite c’était le « vu à la télé » . Pour beaucoup d’ailleurs. Mais elle, elle avait l’excuse d’être âgée et d’aimer son fils au point de vouloir qu’il soit partout. Comme Dieu. Ou à peu près.
J’avais beau lui expliquer que ce métier de l’ombre me convenait très bien, que je n’avais pas besoin d’aller faire le guignol sur les plateaux télé avec le sourire crispé et le trou de balle en stand-by, je ne la convainquais pas. Avec tous les gens « haut placés » , comme elle disait, que je connaissais, elle ne comprenait pas mon anonymat.
Quand j’allais la voir et que je déjeunais avec elle, au dessert elle me regardait avec tristesse infinie et me lâchait : « Pourquoi il te lance pas, Michel Delpech ? »
Elle imaginait son fils chéri « lancé » par Delpech en plein prime time : « Je voudrais vous présenter maintenant un garçon exceptionnel, qui en plus d’être un parolier de grand talent, d’avoir un faux air d’Harrisson Ford et un falzar Indiana Jones, sait chanter, jouer de la guitare, écrire des sketchs, faire rire, déménager ses amis avec ses gros bras, subvenir aux besoins de sa vieille maman, faire les pipes…non, pas les pipes, sinon il aurait « vraiment » réussi depuis longtemps sans que j’aie besoin de vous parler de lui ce soir devant cinq millions de téléspectateurs, j’ai nommé FRAAAAAANNNNCIIIIIS BAAAAASSSSET ! » Sur le même ton que MIIIKE TYYYYSON avant un match.
Alors là, elle aurait vraiment été heureuse ma maman de voir son fils lancé comme ça par Michel Delpech. Et que le lendemain chez le boucher, on lui dise : « On a vu votre fils à la télé hier soir, madame ! C’est une star! Vous devez être fière ! »
Tu parles qu’elle aurait été fière Marianne Glowaczyk la Polonaise. Elle qui m’avait enseigné le profil bas et le « dis bonjour à la dame, c’est des gens bien. » Elle aurait pris sa revanche sociale par mon truchement. Pleins feux sur le fiston à la télé.
Au lieu de ça, fallait prendre une loupe pour voir son nom comme parolier sur les CD déjà illisibles pour les plus de 40 balais ayant négligé Afflelou. Du coup, elle est morte un peu frustrée, maman. Personne n’avait lancé son grand.
Mais tu sais Marianne, je vais te le dire maintenant que tu as pris du recul dans le ciel. J’en ai jamais rien eu à foutre d’être lancé. Et j’irai même jusqu’à dire que j’en suis heureux. Si tu savais à quel point…
Être lancé pour quoi ? Quand on voit à quelle vitesse un David Bowie, un Chuck Berry, un Léonard Cohen, un Prince sont oubliés au bout de deux jours… Un gros événement et d’un seul coup plus rien. Zapping total.
Être lancé, tout ça pour être reconnu en allant acheter des moules, c’est pas la peine. C’est bien comme ca. J’essaie pas de me rassurer comme ceux qui n ‘ont rien foutu de leur vie : « Ben bon, après tout, j’ai élevé deux beaux enfants, je ne dois rien à personne. » Non, non. C’est pas ma politique.
Toujours est-il que j’en ai rien à foutre d’être lancé. Je suis lancé par Paris Bazaar déjà, c’est énorme.
Francis Basset
Lire le Gimmick Rock du Rock’n’Râleur, c’est bien.
L’écouter, c’est très bien aussi… En plus, il y a la guitare !