Le Rock’n’Râleur vous livre ses anecdotes que lui inspirent des célèbres Gimmicks Rock qui demeurent dans son cœur et dans son froc. Aujourd’hui, Oh Carol de Chuck Berry !
Ce gimmick de Oh Carol de Chuck Berry, comme tous les gimmicks génériques de ses chansons mythiques comme Roll Over Beethoven ou Johnny B Goode, ces gimmicks me replongent dans cette histoire. Une histoire de chaussures.
Quand j’avais une douzaine d’années, ma mère m’avait acheté une paire de chaussures noires. Je les avais vues dans la vitrine d’un magasin de chaussures de la toute petite ville où j’habitais en bord de Seine, et je les trouvais belles. Je les voulais.
Je voyais toujours l’homme qui tenait le magasin sur le pas de sa porte et jamais un client chez lui. Déjà dans ma tête d’enfant, je me demandais comment il faisait pour vivre et payer ce qu’il devait payer pour son commerce.
Ma mère et moi on est entrés. Le type, c’était son jour de gloire. J’ai désigné les chaussures noires en vitrine et il s’est empressé de me trouver ma pointure. Qu’il n’avait pas. Il n’avait que la pointure au dessus. Je les voulais quand même.
Alors, il m’a mis des semelles en mousse à l’intérieur pour compenser la pointure. Elles étaient vertes et je trouvais ça joli le vert et le noir des chaussures. Je les ai mises, ma mère a payé et on est partis. Le type avait fait sa journée. Comme Noël Roquevert qui fermait boutique après que Belmondo lui avait acheté un pull dans Un Singe en Hiver.
Ces chaussures étaient devenues mon marqueur de bonheur et de fierté. Je ne les mettais pas tous les jours pour aller à l’école mais seulement quand j’avais une bouffée de sève, un élan de vie plus fort que les autres. Aussi fort que les gimmicks de Chuck Berry. J’entends encore ma mère me dire : » Tiens, tu mets tes belles chaussures aujourd’hui !? »
Oui, je mets mes belles chaussures aujourd’hui parce que je crois que je suis amoureux de la fille de la boulangère. Isabelle Lécossais, elle s’appelait. Et parce que je crois que quand je serai grand, on me regardera et je serai aviateur. Ou globe-trotteur. Et parce qu’il y a une petite musique qui chante en moi qui ressemble à la symphonie du monde.
Après j’ai eu plusieurs paires de godasses. Mais la fête n’était plus là quand je les mettais. L’événement avait endossé la routine. La fille du boulanger avait épousé un brave gars qui lui avait cloqué deux gosses, et la symphonie du monde n’en finissait pas de faire des couacs.
J’ai du mal à me remettre de la mort de Chuck Berry. Je me suis dit : « Merde, il y a d’autres priorités ! » Il y a des mecs comme ça, on croit qu’ils ont un billet d’immortalité. Et non, ils font comme tout le monde. C’est chiant.
Francis Basset
Lire le Gimmick Rock du Rock’n’Râleur, c’est bien.
L’écouter, c’est très bien aussi… En plus, il y a la guitare !