Le Gimmick Rock du Rock’n’Râleur : « Sea of Joy »

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Le Rock’n’Râleur vous livre ses anecdotes que lui inspirent des célèbres Gimmicks Rock qui demeurent dans son cœur et dans son froc. Aujourd’hui, Sea of Joy de Blind Faith !

 

Ce titre Sea of Joy du groupe Blind Faith avec Eric Clapton et Stevie Winwood m’a toujours rendu mélancolique de ne pas savoir nager. 

À Quillebeuf-sur-Seine, bled où j’habitais quand j’étais ado, j’étais amoureux de Jeanne, une petite blonde avec de grands yeux bleus derrière ses lunettes. J’ai toujours aimé les filles avec des lunettes. Le côté studieux et sage. Oui, je sais. Femme à lunettes… Je déclinerai l’adage avec femmes à lentilles femmes à saucisses. 

Donc, Jeanne… 

Je devais avoir quinze ou seize ans. Quand je la voyais arriver sur son vélo rouge, j’étais dans tous mes états. Mais je ne faisais rien, à part sortir deux ou trois conneries, et dévisser et revisser la sonnette de son vélo. Mort d’amour, je répétais ce même scénar à la con à chaque fois au lieu de la prendre dans mes bras et de l’embrasser. 

Mais je me disais que j’allais franchir le pas un samedi après-midi, vu qu’on n’avait pas école. Mais le samedi, elle partait systématiquement pour Notre-Dame-de-Gravenchon, une petite ville de l’autre côté de la Seine. Moi, j’habitais du côté plouc de la Seine, le Marais Vernier.

Je ne savais pas ce qu’elle allait foutre là tous les samedis après midi. Alors un jour, j’ai enfourché mon solex, j’ai embarqué discrètement sur le bac et je l’ai suivie. Elle se rendait à la piscine municipale sur son vélo rouge. Toujours en planque, je l’ai l’observée. 

Elle rejoignait une espèce de grand con, Régis il s’appelait, ça ne s’invente pas. Et ils batifolaient dans l’eau tous les deux en se roulant des pelles. Moi qui n’osais pas lui caresser les cheveux ! Et ils nageaient, nageaient. 

Et moi, je ne savais pas nager. Je me sentais deux fois trompé. C’est si beau, la nage. Surtout la nage papillon. Les pelles aussi. Quand on est amoureux.

Alors, je me suis montré au bord de la piscine. Ils sont sortis tout mouillés. Moi, c’était de larmes. Régis m’a toisé comme si j’étais le dernier des ploucs. Il devait être fils d’ingénieur ou quelque chose comme ça. Y’avait un nid dans ce bled-là. Jeanne m’a presenté comme un « ami de Quillebeuf » et m’a invité à la suivre à la maison des jeunes alors que Régis, blasé, avait préféré rentrer chez lui.

Je me souviens avoir pleuré de plus belle sur le baby foot de la MJC, la tête enfouie dans mon bras replié. Jeanne m’a tapoté la nuque en me disant: « Ne t’en fais pas, on reste copains. » C’était la pire chose qu’elle pouvait me dire. 

Sorry seems to be the hardest word…T’as raison, Elton. Les femmes ne savent pas à quel point elles peuvent nous dévaster avec trois petits mots de rien du tout. C’était mon premier gros chagrin d’amour. 

J’en ai gardé ce syndrome de la tromperie, de la mise à l’écart. Comme quand on ne vous juge pas digne de jouer dans l’équipe et que vous l’apprenez fortuitement. 

Je pense que du haut de mes quinze ans, si Jeanne m’avait dit qu’elle rejoignait ce mec le samedi pour nager et lui rouler des pelles, elle m’aurait adoubé, ennobli, embarqué, inclus au lieu de m’exclure. Malgré la pilule difficile à avaler. Et la fois d’après, j’aurais vissé à fond la sonnette de son vélo rouge une fois pour toutes, et j’aurais essayé de faire beaucoup mieux que Régis pour qu’elle m’appartienne et nous mettent à égalité, elle et moi. Puisque moi, je lui appartenais déjà.

Et j’aurais appris à nager. Parce que je ne sais toujours pas. 

Ah, Jeanne !!!  

Sea of Joy, la mer est une joie… Mais comme c’est triste une piscine !

Francis Basset

Lire le Gimmick Rock du Rock’n’Râleur, c’est bien.

L’écouter, c’est très bien aussi… En plus, il y a la guitare !

 

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