Le Rock’n’Râleur vous livre ses anecdotes que lui inspirent des célèbres Gimmicks Rock qui demeurent dans son cœur et dans son froc. Aujourd’hui, You Really Got Me des Kinks !
Ce gimmick de You Really Got Me des Kinks, je l’ai eu dans la tête pendant toute la messe d’ inhumation de mon ami Franck Langolff, mon compagnon de route dans la chanson, toute ma jeunesse échevelée, mon frère d’armes.
Pourquoi ce titre ne m’a pas quitté durant la cérémonie? Parce que quand il le jouait au baloche, il disait : « Roulez les Gamelles » pour sonner comme « You Really Got Me » . Ray Davies, le chanteur des Kinks prononçait : « You Rely Gamay » . D’où « Roulez les Gamelles » .
L’habitude de chanter à l’oreille, approximativement. En yaourt, comme on disait. À l’époque, comme beaucoup de balochards, on ne pratiquait pas l’anglais couramment et y’avait pas internet pour choper les vraies paroles.
Donc l’inhumation de mon pote me revient avec ce gimmick…
J’arrive sur le parvis de la cathédrale de Rouen avec Bucolo, compositeur de beaucoup de tubes de Renaud, Miss Maggie, la Pêche à la Ligne entre autres. Beaucoup de monde.
D’un groupe, on me hèle : « Hé, Francis ! » Je m’avance. C’est un type en costard gris fatigué et pieds nus en tongues en cette belle matinée de début septembre. Cheveux longs poivre et sel, tronche le-beaujolais-nouveau-est-reparti-mais-il-a-laissé-des-traces. Je m’avance vers lui.
– « Tu te souviens pas moi ? Il me lance. Peter ! »
–« Peter ? »
-« Oui, Peter… Le guitariste chanteur des Chouchous ! »
Ça me revenait. Les Chouchous c’était un groupe de Pont-Audemer qui reprenait des trucs des groupes anglais.
-« Tu te souviens pas ? Je t’avais prêté mon ampli Vox pour la fête du collège ! Je t’ai reconnu tout de suite ! »
Costaud, Peter. Ça faisait à peu près 45 ans de ça et il me reconnaît. Physionomiste !
Petit à petit je le remettais, Peter. Il devait s’appeler Jean-Pierre Ledru, un truc comme ça. Et lui, il chantait vraiment en yaourt avec la même phrase qui revenait du style : » I will never mes couilles again. » … « I will never » , il le plaçait souvent en début de phrase.
Après s’être reconnus et retrouvés sur le parvis de la cathédrale, on a fini par intégrer l’édifice. Peter ne me lâchait pas. Tant et si bien qu’il m’a collé jusqu’à ce qu’ on prenne place. J’étais entouré de lui à ma gauche et de Bucolo à ma droite. Et le curé a commencé à dérouler son homélie dans le recueillement total. Beaucoup de gens du show-biz et d’amis. Franck était très apprécié.
-« Franck était un véritable artiste, trémolait le curé. La musique était toute sa vie… Et si le Seigneur l’a rappelé prématurément à lui, peut-être après tout était-ce à dessein… »
Silence total entre ses phrases. On aurait presque entendu les froissements de son étole. C est un de ces silences que Peter à choisi pour me lâcher, bras sur la poitrine, dans une grande expiration :
-« Sinon, qu’est-ce tu fais en ce moment ? »
Du style : « C’est bien beau toutes ces conneries, mais revenons à la vie. »
J’ ai tenté un « chut » mais Peter embrayait :
-« Tu te souviens de Bébert… Notre batteur… ? Eh ben, il est canné l’année dernière… »
J’ai retenté un « chut » mais autant dire à Depardieu de passer au vichy et endives cuites filet de citron.
Bucolo à ma droite gloussait. Il m’a glissé à l’oreille : « Ah, les vieux potes de Basset… »
En tout cas, celui-là il m’avait bien eu. He really got me…
C’est fou comme on est toujours rattrapé par son passé. Il court vite, le salaud. Il comble son retard sur le présent à une vitesse folle et nous présente toujours l’addition. Salée en général, l’addition.
Mais Peter n’était-il pas tout simplement une résurgence de ma jeunesse éternelle ?
Certainement.
Francis Basset
Lire le Gimmick Rock du Rock’n’Râleur, c’est bien.
L’écouter, c’est très bien aussi… En plus, il y a la guitare !