Les Foulées Mélomanes du Violoncelliste : Courir avec Shéhérazade

Shérérazade-Les Foulées Mélomanes du Violoncelliste-ParisBazaar-Berlingen

Musicien et marathonien, lorsqu’il court, Xavier Berlingen n’est qu’images et musiques. Avec lui, vous redécouvrez les plus beaux classiques.

J’aime bien courir tôt le matin, à la fraiche, mais depuis quelques jours, l’aurore lumineuse qui m’accueillait au saut du lit s’en est allée vers d’autres horizons. Un ciel de saison sombre et sans étoiles l’a remplacé. Le soleil commence à reprendre ses habitudes hivernales en se levant de plus en plus tard… Il faut se faire une raison, on entre dans une période de quelques mois pendant laquelle se lever rimera avec se motiver !

Je pars sur l’un de mes parcours habituels. Arrivé en haut d’une côte, je tourne la tête vers l’est, guettant un premier rayon qui ne devrait plus tarder à percer les nuages. L’Est, l’Orient… joli mot venant du latin « Sol Oriens » qui signifie soleil se levant…L’Orient, source d’inspiration pour pas mal de compositeurs comme Nicolaï Rimski-Korsakov et le poème symphonique qu’il a écrit d’après l’histoire de Shéhérazade.

Shéhérazade, cette princesse qui, pour éviter que son sultan de mari la tue comme il avait eu l’habitude de le faire avec ses précédentes épouses, le tient en haleine chaque soir en lui racontant une histoire sans lui révéler la fin et ce pendant mille et une nuits, jusqu’à ce que le brave homme abandonne ses lubies meurtrières. Ok, il y a plus fun comme histoire pour se réveiller le matin, mais la musique qui la raconte est loin d’être triste.

Elle est puissante, sensuelle, énergique mais pas triste. Dès les premières notes, le décor est planté. Les cuivres, les bois et les cordes graves font apparaitre le sultan, puis vient le violon solo, Shéhérazade. Enfin, un mouvement continu des cordes évoque la mer. Les voiles tendues par le vent, bercé par les vagues, le navire s’approche du rivage. Et moi, je m’évade un moment du chemin sur lequel je me trouve…

A l’époque des contes des Mille et Une Nuits, les civilisations perses et arabes s’étendaient jusqu’en Espagne. Un pays qui a également inspiré un certain nombre de compositeurs notamment français. D’ailleurs parmi eux, Georges Bizet et Maurice Ravel créeront deux des œuvres les plus connues et écoutées de la musique en général, l’opéra de Carmen et le Boléro. Toutes deux évoquent plus précisément la musique andalouse, à croire que ce genre de musique a une résonance particulière en tout un chacun de nous.

En pensant à ces musiques du soleil, un souvenir me revient d’un concert que j’avais fait il y a quelques années à Saint-Jean-de-Luz. Il est vrai qu’à raison d’une petite centaine de représentations par saison, on ne se souvient pas vraiment avec les années qui passent de tous les concerts qu’on a pu donner. Tous les concerts en général se passent bien, amènent de l’émotion, du plaisir, en sortant on est content de ce qu’on a fait, c’est le métier. Mais certains d’entre eux, plutôt rares, restent en vous à jamais. Ça ne s’explique pas, rien ne le présage avant que vous n’entriez sur scène, mais lorsque vous y êtes et que vous commencez à jouer, vous ressentez une ambiance, une énergie particulière avec la musique, le lieu et le public. Une harmonie parfaite qui vous emporte loin, très loin. Ce sont ces moments durant lesquels je me dis que le paradis existe et que la musique en est une des portes. Le concert à Saint-Jean-de-Luz était de ceux-là. 

C’était dans une église et on y jouait la Bachiana n°5 d’Heitor Villa Lobos, pièce écrite pour huit violoncelles et une soprano. C’était l’été, cette musique s’accordant bien à cette saison. Je me souviens de la voix et de la présence extraordinaire de la soprano. Je me souviens également des passages dans la pièce où nous étions à l’unisson. Je me souviens des applaudissements qui à la fin durèrent un certain temps. Cette œuvre est moins connue du grand public et pourtant c’est une perle qui ne peut que captiver toutes celles et ceux qui l’écoutent…

Je vais bientôt finir mon parcours… je choisis toujours à ce moment-là une musique qui m’aide à forcer le rythme sur les derniers kilomètres. Celle qui me vient à l’esprit est un morceau des Black Eyed Peas, I Gotta Feeling. Plus que la musique en elle-même que j’aime bien, c’est le flashmob qui a été organisé lors du passage sur scène de ce groupe à Chicago en 2009 que je trouve excellent. Le groupe attaque le morceau. En face d’eux se trouve une marée humaine curieusement immobile, sauf une femme juste devant la scène qui fait le show et qui transmet petit à petit sa chorégraphie aux personnes qui l’entourent, jusqu’à ce que par effet de dominos, cette chorégraphie s’étende à l’immense foule présente sur Michigan Avenue. Je ne sais pas comment ils ont fait, mais ça devait être top d’y participer !

Je reviens à la réalité avec une pluie qui me fait prendre une douche avant l’heure. Pas grave. Elle n’efface pas le soleil qui est en moi. 

Xavier Berlingen

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