Après avoir immortalisé la crème du 7e art dans les sixties – Godard, Delon, Deneuve, Ventura… – Philippe R. Doumic était tombé dans l’oubli. Il en sort enfin aujourd’hui : histoire d’une redécouverte, pour le moins romanesque…
POURQUOI CETTE EXPO ?
C’est une histoire d’oubli. De passion. De hasard.
L’oubli, ou plutôt l’oublié, c’est Philippe René Doumic. Profession : photographe. Signe particulier : préfère la lumière naturelle, possède un don singulier pour le portrait. A l’orée de la Nouvelle Vague, le voilà engagé par UniFrance, le tout jeune organisme* chargé de promouvoir urbi et orbi le cinéma tricolore. Sa mission : immortaliser nos étoiles montantes : actrices, acteurs, cinéastes. Disons, pour faire court : d’Alain Delon à Jeanne Moreau, de Jean-Luc Godard à Jean-Pierre Melville, en passant par Lino Ventura, Agnès Varda, Catherine Deneuve, etc. Tous sont entrés dans l’Histoire. Pas Doumic.
Pour des raisons que ses intimes sont sans doute les seuls à connaître, le photographe a constamment cultivé la discrétion. Au point qu’au fil des ans, sa trace s’est perdue. Preuve, s’il en est, qu’on peut passer sa vie à jouer avec la lumière… et vouloir rester dans l’ombre.
Alain Delon, par Philippe R. Doumic
La passion, c’est celle d’un homme, Sébastien Cauchon : le genre de type capable d’arpenter New York ou Los Angeles, de retourner brocantes et greniers, pour dénicher un tirage vintage, un cliché rare, une image oubliée. Autrement dit : un collectionneur, un obstiné, un dingue. Mais de ces dingues indispensables, d’utilité publique même. Car il fallait cette folle passion, cette persévérance, pour tirer assez longtemps – à partir d’un simple cliché de Belmondo qui dormait dans ses archives – le fil menant au photographe… en la personne de sa fille, Laurence.
C’est là que le hasard entre en scène. Car après tout, retrouver Laurence Doumic aurait pu mener… nulle part. Si l’enfant avait été indifférente à l’œuvre du père… Si sa collection s’était éparpillée, dispersée lors d’un héritage, d’un déménagement, etc.
Jeanne Moreau, par Philippe R. Doumic
Mais non. Tout est bien là. Et Laurence Doumic, enchantée de mettre en lumière le travail de son père disparu. Elle ouvre donc à Sébastien Cauchon les portes de ses archives : quelques 9000 photos, au bas mot, inexploitées pendant près de 60 ans ! Et tous deux de se plonger, entre ferveur et complicité, dans ces milliers de négatifs pour en sortir « French Icons », la première exposition consacrée au photographe : 40 images, en grandes parties inédites.
40 portraits qui disent un temps éteint : une époque où ces icônes ne l’étaient pas encore. Elles posent donc, mais sans tout à fait poser. Avec la légèreté de leur jeunesse, une envie de jouer, une facilité à se donner… qui fondra bientôt au soleil de la notoriété.
Et l’immense talent de Doumic est là : avoir su saisir le naturel de chacun, être parvenu à garder la part d’âme que porte en soi un geste, un regard, un sourire.
Que cet homme de l’ombre rejoigne enfin ceux qu’il a si bien mis en lumière… n’est donc que justice.
A découvrir donc. Je serais même tenté d’ajouter : absolument !
Olivier Ghis
*Créé en 1949, UniFrance fête cette année son 70e anniversaire.
Jean Rochefort, par Ph. R. Doumic
Françoise Dorléac, par Ph.R. Doumic
OUI, BON, D’ACCORD : MAIS C’EST OÙ ?
« French Icons » : photographies de Philippe R. Doumic.
Galerie Cinéma Anne-Dominique Toussaint
26, rue Saint-Claude Paris 3e
Jusqu’au 15 juin 2019, du mardi au samedi, de 11h à 19h.