Imaginée par deux producteurs de génie qui s’appelaient Jean Garetto et Pierre Codou, elle a pour la première fois donné de la voix le 5 janvier 1971. On y cultive depuis cinquante ans l’éclectisme le plus inspiré et la passion de la belle radio. Chic, c’est Fip !
Vous avez remarqué ? C’est souvent quand les jours mordent qu’on apprécie d’autant mieux la douce béatitude que nous offrent les bonnes ondes. À l’ennui sans fin de nos heures pandémiques sont venues, cet après-midi-là, se substituer des musiques qu’on n’attendait plus.
Chopin et ses Sylphides tout d’abord, Melody Gardot et Madeleine Peyroux ensuite, et puis Deluxe avec Oxmo Puccino, Fatbabs fameux beatmakers, Dinner Party ou la crème du néo-jazz et du hip-hop. Et plus tard, Arthur Conley, le temps d’une pépite gravée en 1967… On s’est senti tout d’un coup moins malmené.
Il y avait donc quelque part quelqu’un ou quelqu’une pour avoir eu l’idée de cette plage musicale qui valait bien toutes celles de sable blanc. Quelqu’une ou quelqu’un pour nous aimer tout simplement. Le monde pouvait toujours marcher de travers, on était bien. On était sur Fip.
Imaginée par les producteurs Jean Garetto et Pierre Codou et portée sur les fonts baptismaux en janvier 1971 par Roland Dhordain qui quatre ans plus tôt avait déjà inventé France Inter, France Culture et France Musique, Fip a donc cinquante ans aujourd’hui. On ne dit plus « Fip 514, ondes moyennes » mais on se dit « Fip » comme on se reconnaît d’un pays. Celui-ci n’a juste pas de frontières et on y parle toutes les langues.
Le demi-siècle qui vient de s’écouler a profondément bouleversé notre paysage radiophonique et nos façons d’y vagabonder. Fip a évolué comme les autres, et a d’ailleurs su mieux que certaines puisé dans le digital matière à se renouveler, mais sans jamais se renier.
Quand dans les années 80, ils demandaient la libération des ondes, il fallait comprendre l’ouverture du marché. On pouvait s’y attendre, les rebelles libertaires de la bande F.M sont très vite devenus des marchands comme tout le monde. Fip de son coté est restée l’enfant du service public et sans tapage n’a eu de cesse de faire entendre sa voix, faisant de sa différence à elle notre préférence à nous.
On la choisit et on y revient. Comme on revient sur une île au trésor, située quelque part dans un océan d’uniformité convenue. On y croise des sirènes, ce qui est plus joli que « Fipette » qui sonne un peu comme « majorette ». On y rencontre des alchimistes qui savent concocter chaque jour des potions nouvelles pour nos tympans exigeants.
On y découvre aussi une directrice à son piano. Instrument qu’elle a apprivoisé très jeune en apprenant à lire au Conservatoire cette autre langue étrangère qu’est la musique. Elle s’appelle Bérénice Ravache. Avant de la diriger, elle écoutait Fip et l’aimait déjà.
« En tant que musicienne et mélomane, bien avant d’entrer à Radio France, j’étais une auditrice de Fip et ce qui me bluffait, c’était les enchaînements des titres. J’ai toujours été fascinée par la capacité des programmateurs à enchaîner des titres d’années et de compositeurs différents…
Et puis quand je suis arrivée à Radio France, j’étais d’abord à la présidence et elle se trouvait au même étage que Fip… Donc, il m’arrivait souvent d’aller à la porte F pour aller voir ce qui se passait dans les studios, pour aller voir Julien Delli Fiori qui en était le directeur à l’époque et je trouvais fascinante cette ambiance qu’il y avait dans les couloirs… Avec des portes qui s’ouvraient sur des bureaux remplis de disques… Et puis vraiment quelque chose de très convivial autour du studio, avec des échanges entre les programmateurs et leurs directeurs…
Et en 2017 quand Mathieu Gallet, qui était président de Radio France, me propose la direction de Fip, c’est incroyable ! Je n’avais imaginé de la diriger ! Me comparer à quelqu’un comme Julien Delli Fiori qui a une personnalité absolument incroyable, avec une culture musicale inouïe avec des anecdotes insensées sur tous les musiciens… ça me paraissait complètement délirant (sourire) !
Mais voilà, je suis arrivée avec tout mon amour de la musique, et toute la modestie qu’on peut avoir face à des experts de la programmation musicale, des experts de la radio aussi, je n’avais pas dirigé de radio avant Fip… Et j’ai tout appris avec eux, avec Denis Soula qui est réalisateur, avec Luc Frelon… Et puis avec les animatrices, Jane Villenet, Émilie Blon-Metzinger…
En les écoutant, en les voyant évoluer dans leurs quotidiens, j’ai progressivement appris ce que c’était que diriger une chaîne de radio et une chaîne de radio atypique puisque Fip a un format qui n’existe nulle part ailleurs. Ni en Europe, ni dans le monde… Et c’est un grand privilège d’être à la tête de cette chaîne de manière générale et en particulier pour cet anniversaire.
Parce que lorsqu’on regarde son histoire, de quelle façon elle est née il y a cinquante ans, se dire qu’aujourd’hui elle continue à conquérir des auditeurs, à les fidéliser et qu’elle est en forme plus que jamais cinquante ans après sa naissance, c’est incroyable !
Je pense que ça tient au fait que les personnes qui ont travaillé ici au long de ces cinquante ans ont toujours voulu innover, se remettre en question, et essayer d’aller toujours de l’avant… Il y a eu mille raisons dans l’histoire de Fip pour que ça s’arrête…
En 81, quand les radios libres arrivent, Fip est vouée à disparaître parce que la concurrence des radios musicales est très forte. Et là, ils se renouvellent. François Jouffa, alors directeur, propose d’explorer plus de genres musicaux que ce que Fip avait fait dans les années 70. C’est là que Fip s’ouvre au rock et part à la conquête de nouveaux auditeurs…
Ensuite, elle profite de toute l’expertise qu’il y a dans la Maison. C’est à dire l’excellence du son et de sa captation… Quand on est mélomane la qualité du son importe beaucoup… C’est donc une de premières radios à avoir été diffusée en stéréo… L’une des premières à arriver sur la F.M… Et depuis quelques années, on travaille aussi les captations en son binaural pour offrir des expériences sonores à nos auditeurs que peu d’entreprises de radio peuvent proposer…
Fip n’a cessé de se renouveler et d’être à l’écoute de ce qui se passait sur la scène musicale, donc se tenir à coté de la création et d’être toujours en veille sur les nouveaux formats d’écriture, sur la nouvelle création et sur tout ce que les artistes proposaient et proposent aujourd’hui… Je pense que c’est ce qui fait sa jeunesse à cinquante ans. Elle vit avec la scène musicale, avec le renouvellement et la créativité des artistes… C’est pour ça qu’elle est aussi en forme !
Et ce qui, je pense, fait de Fip une radio un peu hors du paysage médiatique, c’est qu’on ne partage que ce qu’on aime. On ne fait pas de critiques de disques, on ne passe pas un album qu’on a moins aimé, on ne fait pas non plus un croche-pied à l’artiste qui se serait loupé sur son deuxième ou son troisième album… On donne à aimer et on essaie de surprendre.
C’est d’ailleurs la démarche que j’ai toujours eue personnellement avec la musique, je suis curieuse de nature, comme le sont les auditeurs de FIp… Sinon, on écoute en boucle son disque préféré et on n’écoute pas Fip (sourire)… Se dire au contraire qu’on ouvre les fenêtres, les portes et qu’on se laisse surprendre par des genres musicaux qu’on ne serait pas allé spontanément écouter, c’est vraiment la démarche de Fip.
Et ça a été ma démarche toute ma vie. J‘ai commencé par la musique classique, ensuite j’ai été membre d’un groupe de jazz… Et progressivement, je me suis rendu compte que toutes ses musiques se nourrissaient les unes les autres, que les musiques dites savantes parlent sans cesse aux musiques populaires…
Aujourd’hui, on voit bien que les artistes décloisonnent complètement, et qu’il est difficile de les ranger dans tel ou tel genre musical…
C’est ce que les programmateurs cultivent tous les jours, en entendant dans une création ou dans une proposition musicale ce qu’il y a de nouveau, d’innovant, de prise de risque mais qui reste de la bonne musique et qu’on a envie de partager…
Il y a aujourd’hui un rétrécissement de la pensée, de l’ouverture au monde, a fortiori avec cette pandémie. Fip, dans ce contexte, c’est la promesse justement de continuer à ouvrir des horizons… On est enfermés dans des algorithmes ! En dépit du choix considérable que nous offrent les plateformes de streaming, on reste confinés dans quelque chose qu’on aime déjà…
Fip, d’une certaine façon, c’est la possibilité de se réapproprier une curiosité, de se réapproprier la possibilité de découvrir… Et je pense que ce sera capital dans les prochaines années… Fip, pour moi, c’est une radio de liberté… La liberté d’aimer, de ne pas avoir d’habitude, d’être surpris… C’est pour ça que je suis convaincue qu’elle a un potentiel énorme !
Il se trouve qu’en plus, on va disposer d’une couverture beaucoup plus importante en France. Ce qui donnera la possibilité, quand on fait par exemple Paris-Marseille en voiture, de pouvoir écouter Fip sans que ce ne soit jamais interrompu ! C’est une opportunité formidable pour la chaîne, formidable aussi pour tous les auditeurs qui ne pouvaient jusqu’à présent nous écouter qu’en 4G ou en Wifi…
Je trouve cette perspective réjouissante parce qu’on se dit que sur l’A7, dans les embouteillages de l’été, avec Fip on est plutôt bien (sourire). »
À Fip, les algorithmes qui savent tout mieux que nous sont donc invités à ne pas entrer. Ici, c’est encore à la main et à l’oreille qu’on écrit chaque histoire. Et chaque jour à chaque heure, une histoire différente. C’est au sensible et à l’humain qu’on fonctionne toujours. Denis Soula, qui oeuvre à Fip depuis vingt-trois ans, en est l’un des très bons exemples. C’est ainsi qu’il se voit et qu’il se définit :
« Il y a un très beau terme de métier qui n’est presque plus utilisé, qui est presque désuet, qui est « metteur en ondes »… Je l’ai toujours aimé, il dit beaucoup de choses… Mettre en ondes des sons, des voix… L’autre terme est plus pratique, c’est « réalisateur », ce que je suis aussi… C’est Patrick Derlon, un ancien programmateur de Fip qui disait ça : »Réalisateur, c’est quelqu’un qui se situe quelque part entre chef d’orchestre et garagiste » (sourire), et ça aussi ça me convient assez bien (sourire) !
C’est être capable de résoudre des problématiques par l’expérience qu’on a, le goût, la connaissance, le travail… Tous les jours quand j’arrive, on me pose des questions et j’essaie d’y répondre… Notre façon à nous, metteurs en ondes, de répondre, c’est de de proposer en retour des « petits objets », c’est à dire des émissions, des interviews… Fip donne beaucoup.
On propose aux auditeurs beaucoup de musiques différentes, beaucoup de sons différents, de voix… Et ce don, il est gratuit… Ce qui est rare… On n’attend rien de spécial en contrepartie… C’est vrai que je me suis d’emblée senti bien ici, alors que j’ai travaillé pour beaucoup d’autres radios… Je m’y suis toujours plu et surtout, je ne m’y suis JAMAIS ennuyé ! C’est quand même incroyable, ça (sourire) !
Je crois que c’est dû à la diversité… La diversité des sons, des musiques et puis la multiplicité des gens avec lesquels on travaille… Des animatrices, des techniciens, des programmateurs, des jeunes, des vieux… Tout ça fait que ce n’est jamais la même journée… C’est comme dans le film « le Jour sans Fin », c’est toujours de la musique qu’on passe mais c’est jamais pareil (sourire)…
Et puis, nous, on a des petits trucs en plus… Comme la voix des animatrices, comme les Sessions Live, les petits objets qu’on fabrique comme les podcasts… Ça reste la caverne d’Ali Baba, où chaque jour, il va se passer quelque chose de différent…
Oui, Fip m’étonne encore… Chaque dimanche par exemple, je fais cette émission avec Suzana Poveda « Certains l’aiment Fip, Musiques et Cinéma » et ça lance ma semaine… On a fait Jim Carrey l’autre dimanche et Susana m’a dit : « Ça m’a donné la pêche ! » Et c’est vrai que c’était très joyeux ! C’est justement ce qu’il y a de bien à Fip et c’est ce que je travaille, la joie et la beauté… J’essaie de créer des émissions qui soient belles…
Et parfois en tant qu’auditeur moi-même, j’entends des choses qui sont très, très belles… L’autre jour, j’ai entendu un morceau de Triangle, un groupe des années 70 complètement disparu, qu’un jeune programmateur qui n’était pas né à l’époque a programmé. Et derrière, il avait mis un Neil Young… C’était beau !… Cette radio nous permet de créer ça… Des petits moments, des bulles de beauté, de joie… de plaisir.
Quand on a commencé cette émission autour des musiques du cinéma, la directrice de l’époque, Anné Sérode, m’a dit : « Mais est-ce que tu es sûr ? Tu vas avoir cinquante sujets d’ici la fin de l’année… et puis ? » Je lui ai dit : « Figure-toi que ça m’a effleuré, j’ai donc écrit cinquante idées. » Et en fait, je n’ai toujours pas réalisé les cinquante émissions initiales, parce que d’autres me sont venues depuis (sourire).
« Certains l’aiment Fip », c’est son titre, je la conçois comme un film… Donc, c’est une émission qui n’est pas didactique, qui n’est pas scolaire, c’est tout ce que je déteste à la radio… Certaines radios du service public sont très sérieuses et te disent tout de A à Z, avec petit a et petit b (sourire)… Nous, on est dans la jouissance.
Sur Bardot, par exemple, on est sur « le Mépris » et on passe « Camille » de Georges Delerue… De là, on part forcément sur « Je t’aime moi non plus » de Gainsbourg… Et puis, on évoque le tournage avec Sean Connery de « Shalako », très mauvais film certes mais qui a marqué la rupture de Brigitte avec Serge, c’était à Almeria… qu’on retrouve dans « Initials B.B »… Voilà les vagabondages qu’on peut offrir ici (sourire). »
Pour nous accompagner tout au long de ces voyages, comme autant de voix qui nous rassurent, nous enjôlent, nous piquent et nous cajolent, il y a les animatrices de Fip. Avec la musique, elles en sont l’autre signature inimitable et indispensable. Une griffe haute-couture. Au timbre, à la respiration, au choix des mots, on les reconnaît dans l’instant.
Elles s’appelaient Kriss, Marie-Martine Bisson, Simone Hérault qui depuis nous a fait aimer le train… Qu’elles nous pardonnent de ne pas toutes les citer, elles s’appellent aujourd’hui Jane Villenet, Suzana Poveda, Caroline Ostermann ou Patchino… Des femmes qui ont toujours su être de leur temps et délicieusement décalées. Avec souvent cette ironie bienveillante qui fait leur élégance.
Des femmes curieuses de tout, qui savent nous parler dans le creux de l’oreille et dont l’enthousiasme nous met en joie. Comme Émilie Blon-Metzinger, comédienne depuis longtemps et qui est entrée à Fip en décembre 2008.
« La bienveillance, c’est vraiment quelque chose qu’on essaye de cultiver, une parole qu’on essaye de porter jusqu’à l’auditoire sans savoir exactement où on nous écoute et dans quel contexte… Et, oui, par rapport au décalage temporel voire spatio-temporel, il y a ce terme de « bulle » qui a beaucoup été employé mais je pense qu’il faut effectivement être ancrée dans son temps, il faut juste être un peu à côté… Ça peut amener aussi la poésie, quelque part (sourire)…
Il y a des textes prévus pour accompagner une musique ou un morceau qu’on a vu arriver bien en amont, et sur lequel on a envie de dire quelque chose de particulier… Après, l’improvisation est aussi importante, justement pour être au présent… Quel jour sommes-nous ? Est-ce qu’il fait chaud ? Est-ce qu’il fait froid ? Est-qu’il y a de la joie ou de la morosité ambiante ?… Il faut être empreinte de tout ça avant de prendre la parole, pour savoir avec quel spectre et filtre la prendre…
Il y a l’idée d’un baume à l’âme… Pas le baume liquoreux qui vient vous coller mais simplement comme un peu de douceur, peut-être pour quelques secondes, qui vient provoquer un sourire, une pensée, qui peut inviter à réfléchir… Il y a en tout cas, pendant quelques instants, ce décrochage du quotidien, de cette rugosité qui nous assaille surtout en ce moment…
C’est une prise de parole un peu particulière ces jours-ci… Elle l’a été aussi pendant les attentats de 2015… C’était extrêmement compliqué… (silence)… Mais une fois de plus, c’était et c’est faire avec son temps, dans le temps présent...
Oui, l’irrévérence fait partie de notre signature… Il faut bien un peu piquer (sourire) ! Il y a une petite caresse et hop ! À la fin, on pince l’oreille pour le sursaut (sourire) ! Parce que sinon, ce ne serait que quelque chose de vaporeux, d’évanescent… À un moment donné, c’est comme ça : « Debout tout le monde ! Vous avez oublié qu’il fallait vous réveiller… maintenant ! (sourire) !
Ce que je percevais de Fip avant d’y travailler ?… C’était pour moi comme un petit nuage… Il y avait aussi cette humanité qui ressortait de manière prégnante à mes oreilles d’auditrice… Et puis, l’envie, la découverte !
Les programmateurs ici font un boulot monumental de découverte, d’accompagnement, aller chercher, fouiner ! Tous différents mais tous avec leurs coeurs, leurs âmes, leurs amours aussi… Il y a quelque chose qui les réunit, c’est cette soif de découvrir et de partager après… C’est quelque chose qui passait et que je ressentais quand je n’étais qu’auditrice…
Les auditeurs ? Je les visualise parfois, notamment le matin… J’imagine le petit nuage de parfum, les enfants en train de petit-déjeuner… C’est un grand tout qui reste mystérieux… Ils pensent quelques fois que nous n’avons qu’une seule voix (sourire), alors qu’en tendant bien l’oreille, nous avons des grains différents, des respirations, des façons de jouer avec les mots et des musicalités différentes…
Ce sont peut-être toutes nos différences qui vont créer une unité. Parce que nous avons un objectif en commun, cette bienveillance envers l’auditeur… Et donner à penser comme à rêver… un petit peu (sourire). »
À la création de Fip, en 1971, les choix d’avant-garde de Jean Garetto et Pierre Codou d’offrir de grands espaces de jeu et de liberté à la musique tout en réduisant la parole à sa plus simple expression prenaient les tendances radiophoniques de l’époque à contre-pied.
Un parti-pris, une prise de risque aussi qui avaient fait dire à beaucoup qu’il s’agissait là d’une « anti-radio ». Avec humour, Pierre Codou précisait : « Il fallait aller à contre-courant si on voulait vendre le produit. On ne vend pas le produit cousin germain. Si on en a déjà l’usage ailleurs, il n’y a aucune raison qu’on aille là. On a essayé de faire aller le pendule exactement de l’autre côté… Peut-être pour revenir au centre, on ne sait jamais… »
Fip a connu ces dernières années des soustractions et non des moindres, avec notamment la suppression des infos de la cinquantième minute qui nous donnaient pourtant l’essentiel sans nous assommer. Pointent également des inquiétudes concernant aujourd’hui l’avenir des précieux metteurs en ondes.
Si l’auditeur se réjouit de la voir occuper après un demi-siècle une place toujours aussi résolument singulière dans son univers radiophonique, il s’inquiète du mauvais sort que pourraient lui faire demain des comptables peu soucieux des liens profonds qu’elle a su tisser tout au long de sa belle histoire. À vouloir faire toujours plus d’économies, on finit par faire de la radio sans âme, sans voix… et un jour, sans auditeurs.
Fip a donc franchi un cap. Celui pour certains de tous les renoncements. Elle s’en est choisi un tout autre dès ses premiers temps. On lui souhaite juste de ne jamais revenir au « centre » pour s’échouer dans le mou comme tant d’autres, mais au contraire de nous embarquer encore et longtemps.
Fip a cinquante ans. La liberté lui va toujours aussi bien au teint. On n’oublie pas qu’elle fait la nôtre.
O.D
Et si ce n’est déjà fait… À votre tour de devenir « Fip » !